UNE DISPARITION INQUIÉTANTE À MATIGNON ÉPISODE 6 : Conseil des Ministres

UNE DISPARITION INQUIÉTANTE À MATIGNON
ÉPISODE 6 : Conseil des Ministres
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Il est neuf heures du matin, ce mercredi, à l’Élysée, le Conseil des Ministres est réuni dans le salon Murat sous la présidence du Président.
Les Ministres sont tous là. Il règne un silence absolu, tous sont suspendus à la parole du président. Il va certainement parler de l’enlèvement du PM. Ils ont entendu l’annonce faire aux medias, ce matin même, chez eux, et cette nouvelle hyper inquiétante les plonge dans une angoisse collective. Qui aurait cru que les GJ en arriveraient à pareille barbarie ? Tous pensent à leur cas personnel, certains d’entre eux ont reçu des menaces et ils se disent que ce qui arrive au PM aurait pu leur arriver à eux aussi.
Les regards sont tournés vers le président mais de temps à autre, ils s’égarent vers la chaise du PM, restée vide, exactement en face de celle du président.
Au centre de la table, trône la pendule[ii], dont on peut lire l’heure des deux côtés, côté Président et côté premier Ministre. Aujourd’hui, il n’y aura qu’un seul lecteur de l’heure, le Président.
Le Président a l’air nerveux, ses traits sont tirés, sa peau est grimée mais elle laisse transparaître sa pâleur et les cernes ne sont pas gommés par l’anticernes appliqué par la maquilleuse officielle de l’Élysée. Il n’a pas dû dormir beaucoup. Cela signifie que le PM avait disparu depuis plus longtemps que ce matin mais que le secret avait été gardé.
  Bien, je vous remercie d’être tous présents, en cette heure grave, où nous incombe le devoir de rester maître de nous-mêmes et aptes à prendre les bonnes décisions. Nous avons choisi en concertation avec le responsable de ma sécurité, le commandant Pardon, ici présent, de diffuser l’enlèvement du PM auprès de tous les Français. En confidence, je peux vous dire qu’en réalité, les extrémistes qui ont  enlevé le PM me demandaient de les rencontrer pour négocier et à cette condition, ils s’engageaient à  relâcher leur otage. J’étais prêt à y aller, mais le commandant Pardon a estimé que cette démarche  était trop dangereuse pour ma personne et qu’en outre, elle ne garantissait nullement que les GJ rendraient sa liberté au PM.  C’est la raison qui nous a amenés à décider de la diffusion. Nous avons pensé que le peuple serait horrifié par cet acte immonde et réagirait en notre faveur. La diffusion de l’enlèvement a représenté notre réponse à l’enlèvement, nous attendons maintenant la réaction des GJ.
Le Ministre de l’Intérieur émet un signe discret en direction du président auquel celui-ci répond :
— Oui, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, vous souhaitez intervenir ?
— En effet, Monsieur le Président, je souhaite que mes collègues apprennent de votre bouche, comment vous avez su que le PM avait été enlevé et par qui.
— Tout à fait d’accord avec vous. C’est très simple, nous n’avons rien à cacher ; j’ai reçu une lettre signé par les GJ, cette lettre m’avertissait que le PM avait été enlevé et que si je voulais qu’il retrouve la liberté, je devais me présenter ce matin pour prendre sa place. Vous vous doutez du choc que j’ai ressenti mais le pire est à venir. Devinez où Ils avaient décidé de me faire venir ? L’endroit qu’ils avaient choisi est particulièrement choquant… Je devais me rendre à l’Arc de Triomphe, à l’accueil des visiteurs, là même où le saccage s’est produit. 
Un mouvement s’empare des Ministres, des chuchotements fusent de toute part, et le président intervient :
— J’apprécierai que vos remarques se fassent à voix haute, elles peuvent représenter un intérêt pour tous et il y a peu de risques que je ne vous colle un zéro de conduite.
Le président ne peut s’empêcher de sourire de sa blague.
La Ministre des Armées est choquée, comment peut-il sourire à un moment aussi grave pour la République ? Elle propose une riposte sérieuse en réponse à la demande des GJ, riposte qu’elle a mûrement réfléchi après avoir entendu l’annonce de ce matin :  
— Je suis prête à aligner plusieurs régiments, et très rapidement puisqu’au moins trois d’entre eux sont basés en Ile de France et ceci,  afin de circonscrire l’aire de l’Arc de Triomphe.
Celle-là, que ne ferait-elle pas pour plaire au président ! Le Ministre des Comptes publics garde pour lui cette pensée, il ne tient pas à se faire remarquer, ces temps-ci, il a assez à faire avec les problèmes que posent la mise en place du prélèvement à la source. Le président répond à sa Ministre :
— Merci pour votre suggestion, Madame la Ministre, mais elle me paraît prématurée. Jusqu’à présent, nous n’avons pas choisi l’affrontement. L’affrontement, nous le réservons pour plus tard, nous nourrissons encore l’espoir qu’à la suite de l’annonce au public de l’enlèvement et de la réaction des Français, un mouvement de panique s’installera dans les rangs des GJ et amènera certains d’entre eux à redonner sa liberté au PM.
Un des plus âgés parmi les ministres, le Ministre des Affaires étrangères suggère :
— On pourrait susciter une grande marche, à l’instar de la manifestation contre la loi Savary  en juin 84 ? Un ou deux millions de personnes battant le pavé des Champs Élysées pourrait changer la donne. Je me fais fort de faire monter les Bretons à Paris, si je prends leur tête. 
— En juin 84, j’avais 5 ans…J’étais en CP, je savais lire et j’adorais déjà ça.
Pfuitt, celui-là, on ne le changera jamais, il ramène toujours tout à lui, pense perfidement le Ministre de l’Économie, qui lui, avait 15 ans en juin 84 et qui avait défilé avec ses parents pour défendre l’école privée menacée par la loi Savary. Cet événement n’avait-il pas été son premier engagement en politique ? Parti dans ses souvenirs, il n’a pas remarqué que le président avait donné la parole au commandant Pardon qui, sur le point d’intervenir, le fixe d’un air sévère, il se reprend alors et redresse le haut de son corps qui s’était affalé. Pardon lui fait le même effet que son ancien conseiller principal d’éducation.
— Merci Monsieur le président de me donner la parole. Nos attendons la nouvelle réaction des GJ qui devrait consister dans l’envoi d’une seconde lettre et nous en prévoyons l’arrivée demain matin. En fonction de ce que dira cette lettre, nous prendrons une décision. Nous espérons que les GJ vont réfléchir et proposer une sortie de conflit possible pour nous. Il est hors de question d’exposer Monsieur le président à un quelconque danger. Il en court déjà bien assez avec sa participation aux débats à travers le pays.
— Bien, je vous remercie mon commandant de votre sollicitude à l’égard de ma personne, qui montre certes votre volonté de me protéger mais aussi de protéger la République. Maintenant que nous avons évoqué la situation due à l’urgence de répondre aux GJ, nous allons aborder les affaires en suspens. Monsieur le Ministre de l’Économie, vous avez la parole, où en êtes-vous au sujet des ressources à trouver pour compenser les 10 milliards promis aux GJ ?
   Merci Monsieur le président, voici ce qu’il en est…
Suite au prochain épisode, le mercredi 5 février 2019…



[i] Si vous souhaitez en savoir davantage sur le déroulement du Conseil des Ministres, vous pouvez lire l’excellent ouvrage de la journaliste, Bérengère Bonte : Dans le secret du Conseil des ministres , Editions du Moment, 2013
[ii] L’horloge est habituellement posée sur la cheminée du salon Murat, et lors de chaque Conseil des Ministres, elle est placée au centre de la table. Elle est signée Jean-André Lepaute, 1720-1789
L’horloge est présente sur la photo officielle du président Macron. Ce choix est celui d’un président qui a décidé de maitriser le temps. Pendant sa campagne, il se disait le Maître des horloges.