MEURTRE D’UN PROMOTEUR BRETON

 1  Belle-Ile : Découverte d’un corps sur la plage du Donnant














Photographie du site, Belle-Ile.com

2 août 2019, Gendarmerie, Le Palais.
— Capitaine, un appel pour vous.
Gwénaël a fort à faire. À peine a-t-il  transféré l’appel à son capitaine puis reposé le téléphone sur son socle qu’il doit répondre à la première personne qui se présente dans la longue file d’attente qui s’est formée dès l’ouverture. 
Au même moment, le capitaine Yves Kervadec lisse sa chevelure vers l’arrière pour tenter de mettre au pas, sa belle masse de cheveux qui, parfois, passe mal auprès de ses supérieurs.
Gwénaël, gendarme adjoint volontaire, vient de lui signaler la présence d’un corps sur la plage du Donnant. Il doit se rendre immédiatement sur les lieux. Il enfile sa veste, puis passe dans le bureau voisin, celui de Renaud Guillemont, maréchal des logis :
— Renaud, tu m’accompagnes, il y a un noyé au Donnant.
— Eh merde ! Moi qui essayais de me plonger dans le dossier du cambriolage de la boulangerie de l’avenue Carnot.
— Mais je t’ai dit de laisser tomber, Bon Dieu, en saison, on ne va pas courir après un vol de pain, merde, t’as autre chose à faire !
Penaud, Renaud ajuste ses boutons et ils partent tous les deux après être montés à bord de la voiture de service, une Renault qui donne des signes de fatigue. Ils actionnent la sirène, car un embouteillage les gêne à la sortie du Palais. Le capitaine Yves Kervadec soupire et lâche :
— C’était pas la meilleure période pour venir s’échouer chez nous, alors qu’on est en pleine saison, il aurait pu attendre l’hiver.
Renaud éclate de rire, puis, histoire de détendre l’atmosphère :
— Pas sûr qu’il ait choisi sa date ! Tu sais quel âge il a ?
— Comment ça, quel âge ?
 — Ben, depuis quand le corps est à l’eau ?
— Non, je ne sais pas, je ne sais rien. L’appel précisait seulement qu’un corps se trouvait sur la plage et cet appel n’était pas signé.
— L’auteur du crime ?
— Tu rigoles, ce serait trop beau, non, sans doute un passant, il n’a pas voulu laisser son nom.
— Bizarre quand même.
Yves Kervadec réfléchit. Ah, mais oui, voilà que lui revient une disparition récente qui pourrait être en relation avec ce corps, il en fait part à son adjoint :
— C’est peut-être le surfeur qu’on n’a pas retrouvé et que les pompiers ont cherché partout.
Renaud Guillemont approuve :
— Peut-être bien.
Ils n’échangent plus un mot jusqu’à leur arrivée en haut de la plage du Donnant. Ils descendent en 
prenant avec eux, les bandes de plastique jaune de manière à encercler la scène. En s’approchant 
du corps échoué, ils constatent qu’un badaud se tient juste à côté. Furieux qu’il porte ainsi atteinte 
aux indices, le capitaine Kervadec ordonne :
— Écartez-vous ! Et sur un ton inaudible, il ajoute : Espèce de connard !
Le capitaine Kervadec et son adjoint mettent en place le ruban pour empêcher toute nouvelle intrusion, puis, il appelle la gendarmerie de Quiberon, où Justin Lemoine, un des techniciens d’investigation criminelle – TIC[1].- du département, opère depuis quelques semaines.
— Vous avez de la chance, il est là, je vous l’envoie.
Kervadec s’adresse ensuite à son adjoint :
 Je vais te laisser ici, en faction, je retourne au Palais. Dès que le TIC est là, tu me préviens, et j’arrive. OK ?
— D’accord, de toute façon, je n’ai pas le choix, vous pourriez m’apporter une bouteille d’eau avant de repartir ?
  O.K., j’en ai dans la voiture, et au passage, je te signale que je les ai payées sur mon budget personnel.
  Je vous la rembourserai.
Le capitaine sourit, ce ne sera ni la première ni la dernière bouteille d’eau qu’il offrira à ses gendarmes, vu l’étroitesse du budget alloué aux fournitures par l’État.
— C’est cadeau ! Tu me biperas dès l’arrivée du TIC, pour que je revienne fissa. À plus.
Kervadec remet la bouteille d’eau à son adjoint, et reprend le chemin de la gendarmerie.
Une heure plus tard, son adjoint l’appelle pour lui dire que le technicien est arrivé. Kervadec est étonné de la rapidité avec laquelle le TIC a réussi à se rendre sur place, mais il se précipite au Donnant. Justin Lemoine est déjà à l’œuvre lorsqu’il débarque. Il est entièrement vêtu d’une combinaison, il examine le corps. Il remarque une bosse importante sur l’arrière du crâne et s’exclame :
  Ah mais, ii n’est pas mort noyé ! Il a été victime d’une agression. Il faut prévenir le procureur.
Il effectue ensuite des prélèvements sur le corps et sur l’environnement immédiat. Une fois qu’il a terminé, il salue le capitaine Kervadec :
— Ravi de vous rencontrer. J’ai constaté qu’une ou plusieurs personnes ont contaminé la scène, vous avez vu quelque chose à ce sujet ?
— Oui, un homme se trouvait près du corps quand on est arrivé et sans doute aussi, il y a eu la personne qui nous a prévenus.
— On a beau publié des consignes via les medias, c’est toujours la même chose, la curiosité malsaine l’emporte ! Bon, j’ai terminé, je vous enverrai un double du rapport que je transmettrai à la CIC .[2]
— Vous êtes arrivé si rapidement, je peux vous demander par quel moyen de transport vous êtes venu ?
— Un collègue de la brigade nautique m’a accompagné directement ici, mais il ne peut pas me reprendre, je dois repartir par mes propres moyens.
— Je vous ramène au Palais, vous avez un bateau à 12 heures, ça vous irait ?
Justin Lemoine jette un œil à sa montre, il est onze heures, du coup, il acquiesce :
— Oui, c’est bon, merci.
Avant de partir, Kervadec joint le TGI de Vannes pour aviser le procureur de la République de l’évènement. Il obtient la vice-procureure et lui transmet les premières constatations effectuées par le TIC. Elle le fait patienter quelques minutes, puis elle lui fait part de sa décision de se rendre sur place. Kervadec s’adresse à son adjoint :
— Tu restes ici, le proc’ ou plutôt la vice-proc’ arrivera d’ici trois heures maxi, je te ferai relayer par Gwenaël pour que tu puisses avaler quelque chose. OK ?
Renaud Guillemont opine du chef.
— OK, mon capitaine, à plus tard.
Le capitaine Kervadec et Justin Lemoine montent vers la voiture. Un quart d’heure plus tard, ils sont au Palais et Kervadec dit :
— Je vous proposerai bien de boire un café à la gendarmerie, mais il est infect, donc si vous voulez, on se le boit à la brasserie, juste à côté du port.
— Oui, volontiers, merci.
Au comptoir, le capitaine salue le patron, et présente le TIC :
— Soigne-le bien, on ne sait jamais, si tu te fais cambrioler, ce sera lui qui viendra relever les empreintes.
— Ah d’accord, vous aussi, vous vous y mettez aux experts comme ce qu’on voit à la télé dans les séries américaines. Vous prendrez un petit noir serré comme le capitaine ?
— Oui, merci.
Une fois servi, Justin Lemoine boit une gorgée de café et commente :
— Effectivement, le café est délicieux, corsé mais pas trop.
En entendant cette appréciation, le patron précise :
— Je fais travailler un torréfacteur d’Alré[3], en attendant qu’il y en ait un qui s’installe à Belle-Ile.
À la sortie de la brasserie, le capitaine Kervadec et Justin Lemoine se quittent, Justin Lemoine embarque sur le bateau en partance pour Quiberon et le capitaine Kervadec retourne à la gendarmerie.




[1]Les TIC, Techniciens en identification criminelle,  sont regroupés au sein d’une cellule d’identification criminelle (CIC). Ils interviennent sur les scènes d’infractions graves pour procéder à la recherche et au traitement criminalistique des indices.
[2] CIC : cellule d’investigation criminelle
[3] Alré : Nom breton de la ville d’Auray