LE PUITS, ÉPISODE 5 : À LA RECHERCHE DE LA MAISON AU PUITS


La maison au puits

 ÉPISODE 5 : À LA RECHERCHE DE LA MAISON AU PUITS

 

Le commissaire Vétoldi a longuement observé la jeune femme qu’il a devant lui et qui vient de lui expliquer la grave agression qu’elle a subie. Elle doit être jolie quand elle se trouve dans son état normal mais là, telle qu’il la voit, avec son corps replié, presque tordu par la douleur, son visage aux yeux creusés et au regard apeuré et douloureux, ses joues émaciées, elle n’est plus que plainte. 

Elle a besoin de soins, c’est évident, mais faut-il pour autant courir le risque de perdre toute trace de ses agresseurs ? Doit-il l’envoyer à l’hôpital ou se rendre immédiatement sur les lieux du crime ? 

Le silence s’est installé entre eux, Isabelle Demurget a maintenant les yeux baissés, l’épuisement semble avoir pris le pas. Le commissaire se décide et il lui demande :

— Auriez-vous la force de m’accompagner à l’endroit d’où vous venez ? ce fameux puits où vous dites avoir été jetée, seriez-vous capable de m’y amener ? 

Sa voix est faible quand elle lui répond, mais le commissaire y distingue la détermination nécessaire. 

— Oui, commissaire, je suis d’accord. J’essaierai de retrouver le puits, la maison. 

— Attendez-moi ici, je vais prévenir mon adjoint. 

Le commissaire Vétoldi se rend dans le bureau de l’inspecteur Auster :

— Kevin, on a une urgence. J’ai là, dans  mon bureau, une plaignante qui assure avoir été la victime d’une agression gravissime, elle aurait été séquestrée puis  balancée dans un puits. Elle s’en est échappée et vient de nous arriver ici, au commissariat. J’ai décidé de me rendre sur place afin de relever les premiers indices et vérifier qu’elle ne nous mène pas en bateau. Je souhaite que tu m’y accompagnes, ce sera plus prudent d’autant plus que je dois l’emmener avec moi pour qu’elle m’apporte des précisions sur la direction à prendre. À nous ensuite, d’appeler les collègues de la scientifique si ça en vaut la peine.

L’inspecteur Auster hésite quelques secondes. Dans quoi son commissaire veut-il l’embarquer ? Il lui semble que sa décision ne respecte pas vraiment le protocole habituel, mais bon, c’est son supérieur, il ne va pas se battre contre lui, aussi acquiesce-t-il à sa demande :

— OK, commissaire, j’arrive, le temps de prendre mes affaires. 

Cinq minutes plus tard, le commissaire est assis derrière le volant de sa voiture de service, avec à ses côtés la jeune femme et à l’arrière, l’inspecteur Auster. 

Il s’adresse à elle, une fois qu’ils sont sur la rue de la Paix : 

— Bien chère Madame, je vous écoute. Vers quelle sortie de Vannes dois-je me diriger ? Vous pourriez retrouver la route par laquelle vous êtes arrivée ? 

— Je pense, oui. Ce n’était pas la quatre voies, mais une départementale qui venait de Saint Avé. Ensuite, si vous roulez suffisamment lentement, je pourrai vous indiquer l’embranchement du chemin où j’ai marché auparavant en venant de la maison au puits. 

Le commissaire prend la direction du nord de Vannes. Il y a plusieurs routes vers Saint-Avé, il demande :

— Quand vous vous êtes retrouvée sur la route, quelle indication avez-vous vue qui vous a permis d’arriver à Vannes ? 

— J’ai vu une borne blanche et rouge qui indiquait que Vannes se situait à quatre kilomètres, route D126. 

Quelques minutes plus tard, la voiture roule lentement sur la départementale.

Le commissaire en donne l’information :

— J’ai enclenché le compteur de kilomètres sur 4. Au moment où vous avez rejoint cette route, vous êtes restée du même côté ou bien avez-vous traversé ? 

— Je n’ai pas traversé. Je suis arrivée par un chemin.

— D’accord. Ce que je vais faire, c’est dépasser les 4 kilomètres puis dès que je le pourrai, je ferai demi-tour pour que nous nous retrouvions du bon côté et là, dès que vous reconnaissez le chemin, on le prend si c’est possible en voiture, sinon, on continuera à pied. 

Un peu plus loin, ils arrivent à un rond-point et c’est bien la première fois que le commissaire Vétoldi ne maudit pas ces rond-point qui ont transformé les routes. Il effectue  son demi-tour et reprend la D126 dans le sens inverse. Cette fois, ils sont du côté où la jeune femme est arrivée. Il roule très lentement et les voitures s’accumulent derrière eux mais aucun conducteur n’ose manifester car le commissaire a placé le gyrophare sur le toit.  Il sourit en observant ce phénomène. 

— C’est là ! Je le reconnais, il y avait ce bois-là à côté et j’aperçois l’arbre en face où je me suis arrêtée. 

Le commissaire tourne sur les chapeaux de roue car l’indication de bifurcation a été donnée un peu tard…

Le chemin est tout juste praticable. Étroit et cahoteux, la voiture roule à 20 kilomètres heure et malgré cela, les secousses sont nombreuses et la boue éclabousse la carrosserie. 

— Vous avez marché tout droit pendant combien de temps ?

— Oui, je n’ai pas osé prendre une autre direction, j’avais peur de me perdre encore plus. J’ai marché pendant une heure peut-être, j’allais lentement, j’étais tellement fatiguée. 

— Soyez attentive et prévenez-moi si vous repérez l’environnement de la maison où vous vous trouviez.

— D’accord.

Au rythme de leur vitesse, le commissaire estime la distance à environ dix minutes. Ce temps une fois écoulé, il s’arrête. Ils viennent de passer à côté d’une ferme qui affiche : Vente directe producteur de légumes. Il demande à sa passagère :

— Vous avez vu cette ferme ?

— Non, je ne me souviens pas, mais je marchais dans une sorte de brouillard. 

— Bien, je vais aller voir ces gens pour leur demander s’ils connaissent leurs voisins. Kevin, je te laisse la clé au cas où on gênerait un autre véhicule.

— Très bien, commissaire.

Le commissaire Vétoldi descend de voiture et essaie de distinguer un chemin qui lui permettrait de gagner la ferme rapidement. Un champ s’étend devant lui, il le longe, ne voulant pas risquer de dégrader les cultures en le traversant et peut-être aussi d’abîmer ses chaussures de ville en cuir souple que malheureusement il porte aux pieds…  Voilà, un peu plus loin, un chemin se dessine devant lui et il le suit. Il parvient ainsi à la ferme. Les graviers de la cour crissent. Arrivé devant la porte de la maison, il rabat le marteau. 

Une femme âgée apparaît à la porte :

— Bonjour Monsieur, vous venez pour la cueillette ?

— Non, je suis le commissaire Vétoldi de Vannes, je souhaite savoir si vous connaissez vos voisins ?

— Ah excusez-moi, je n’avais pas vu votre uniforme, j’ai une très mauvaise vue. Vous demandez si je connais mes voisins ? À vrai dire, nous n’avons pas de voisins, car la ferme possède plusieurs gîtes tout autour. Vous voulez la liste ?

— Oui, volontiers.

La femme lui tend un dépliant. Le commissaire le saisit et demande :

— Est-ce que l’un de ces gîtes possède un puits ? 

— Ah oui, deux maisons ont un puits dans leur jardin, c’est indiqué dans le descriptif que je vous ai donné.

— Vous avez loué récemment ces maisons ? 

— Il faudrait demander à mon fils, moi, je ne m’occupe pas de cela.

— Il est là votre fils ?

— Mais non, il est au travail, dans un des champs, je ne sais pas lequel, mais il reviendra tout à l’heure pour le repas de midi, vers les treize heures. 

— Voici mon numéro de téléphone. Merci de lui demander de m’appeler aussitôt qu’il rentre, à moins qu’il n’ait un portable ?

— Bien sûr qu’il a un portable mais il ne l’entendra pas sonner, il est sur le tracteur.

Il écoute de la musique. 

— Bien, merci beaucoup, Madame. 

— Je vous en prie, Monsieur le commissaire, je suis contente d’aider la police à faire son travail.

Entendre ces mots met du baume au cœur du commissaire. Il repart gaiement jusqu’à la voiture.  Quand il y arrive, il remarque que l’inspecteur Auster s’est installé au volant, il lui dit:

— Nous allons continuer à pied, peux-tu ranger la voiture le plus possible sur le côté ?

— OK.

L’inspecteur exécute la manœuvre et gare la voiture tout au bord du fossé qui borde le chemin. Il descend ensuite, ainsi que la passagère. Le commissaire Vétoldi a déplié le document qui présente les quatre gîtes gérés par la ferme. Il repère celui des deux qui possède un puits et qui est le plus proche de la ferme. Quelques dix minutes plus tard, en continuant sur le chemin, ils arrivent devant la maison et Isabelle Demurget s’exclame :

— C’est là ! Je reconnais la porte. 

— Parfait, allons-y.

Il pousse la porte et ils se retrouvent dans le jardin qu’environ trois heures plus tôt, la jeune femme traversait…

 

Suite au prochain Épisode, le Dimanche 27 décembre 2020…