LE PUITS : ÉPISODE 4 : COMMISSARIAT DE VANNES

Une voiture s’arrête…


 LE PUITS : ÉPISODE 4 : COMMISSARIAT DE VANNES 

 

Je sens qu’on me secoue, une gifle atterrit sur mon oreille, j’ouvre les yeux. Un homme est penché sur moi, il dit :

— Réveillez-vous ! Qu’est-ce qui vous est arrivé ? Je vous ai vue depuis la route, vous aviez l’air mal en point. Je me suis dit que je pourrais peut-être vous aider, vous accompagner quelque part. Vous allez où ? 

Je tremble, je ne sais pas si c’est de froid ou de terreur, j’ai les dents qui claquent. 

— Vous êtes muette ? 

— Non, non, mais j’ai froid.

Il se dirige vers sa voiture et en rapporte un plaid écossais qu’il me tend: 

— Mettez ça, vous serez au chaud. Allez, je vous emmène, vous ne pouvez pas rester là. Je crois bien que vous avez une bosse sur le crâne, je vous ai vue vous cogner sur le tronc de l’arbre. 

Il me prend par le bras et dit :

— Allez, debout, faites un effort, je ne vais quand même pas vous porter et puis je suis pressé, on m’attend. Où est-ce que je vous emmène ? 

— Je ne sais pas, je me suis perdue, je ne sais pas où je suis. En centre-ville. 

— Moi  si j’étais à votre place, je ferais un petit tour à l’hôpital, un médecin vous examinerait, il verrait si tout va bien.

— Non, ce n’est pas la peine. Où allez-vous, vous ? 

— À Vannes, chez moi. 

Je le regarde attentivement, il a l’air d’un  brave homme. Je me suis trompée tout à l’heure quand j’ai cru que c’était un des deux kidnappeurs qui revenaient, alors je demande :

— Il y a un commissariat près de chez vous ? 

— Un commissariat ? Oui, il y a le commissariat pas loin du port, avenue de la Paix mais je peux pas vous dire comment ils sont là-dedans, je n’y ai jamais mis les pieds et tant que je pourrais éviter d’y aller, je n’irai pas, je n’aime pas les flics. Qu’est-ce que vous voulez aller faire  dans un commissariat ?

— Je voudrais déposer plainte parce que je me suis fait agresser.

Je suis arrivée à parler de façon naturelle, la peur s’atténue, 

il demande : 

— Ah c’est ça, qu’est-ce qui vous est arrivé ?

— Je n’ai pas envie d’en parler, je veux juste raconter à la police pour qu’ils puissent m’aider. Je voudrais retourner chez moi. 

— OK, je comprends, ne vous inquiétez pas, je vous laisserai près du commissariat.

— Merci, vous êtes gentil.

— Gentil, gentil, c’est pas ce qu’on dit de moi en général. 

— Alors qu’est-ce qu’on dit de vous ? 

— Emmerdeur, chiant, et j’en passe.

— Qu’est-ce que vous faites dans la vie ?

— Délégué médical, voilà ce que je fais.

— Vous présentez les nouveaux médicaments aux médecins ? 

— Oui, mais pas que, c’est vrai que je les tiens au courant des nouveautés et je leur fais aussi des piqures de rappel pour les médicaments plus anciens, j’essaie de cultiver la clientèle de mon entreprise pharmaceutique. 

—  C’est dur comme métier ?

—  Ça dépend sur qui on tombe. Il y a des médecins qui me font attendre des heures, et au bout du compte, ils ne commandent rien, mais avec d’autres au fil des ans, j’ai tissé une vraie relation pas tout à fait amicale mais très cordiale. Ceux-là s’arrangent pour me faire passer entre deux patients et passent commande régulièrement et ils s’intéressent aux médicaments qui apparaissent sur le marché. Autrefois, c’était plus sympa parce qu’on participait ensemble à des grands raouts organisés par les entreprises, des voyages, des dîners dans les plus grands restaurants mais tout ç, ça a un peu disparu, resserrement des coûts et la Covid par là-dessus. Ah, nous voilà arrivés tout près, vous voyez là, le coin de la rue, eh bien, c’est la rue de la Paix, vous la prenez et le commissariat sera sur votre droite. Je me gare et vous pourrez descendre. 

— Merci beaucoup, Monsieur pour votre gentillesse et je vous souhaite une bonne journée.

— À vous aussi bonne journée, j’espère que ça se passera bien.

Elle sort de la voiture et cinquante mètres plus loin, elle entre au commissariat. Quatre personnes devant elle, cela devrait aller assez vite. Elle en est là de ses pensées quad un policier arrive à sa hauteur et dit :

— Madame, je crois que vous vous trompez d’endroit, ici, vous n’êtes pas dans un foyer pour sans-abri, vous vous trouvez dans un commissariat de police.

Elle avale sa salive, choquée. Elle regarde le policier tout en essayant de ne pas le fixer, elle sait que les policiers, c’est comme les enseignants, ils n’aiment pas qu’on les regarde dans les yeux, ils ont tôt fait de prendre un regard direct pour un regard provoquant. 

— Monsieur, je ne suis pas ici pour demander un logement pour la nuit, je suis ici pour déposer plainte.

— Ah ? Ah bon ? Et plainte pour quoi ?

— Je ne peux pas parler comme ça devant tout le monde, si vous me recevez dans votre bureau, je pourrais vous expliquer.

— Ah je vois, votre mari vous aura flanqué un coup, ça se voit, vous avez une bosse à l’arrière du crâne.

— Non, non, je ne suis pas mariée. Est-ce que je pourrai m’expliquer avec un policier ou une policière dans un bureau, au calme, s’il vous plaît ? 

—  Bon, écoutez, je vais voir si c’est possible, mais vous savez, on est en sous-effectif permanent. 

Il s’éloigne. Plus que trois personnes devant elle. Pourvu qu’on puisse l’écouter dans un bureau. Elle a du mal à mettre de l’ordre dans ses idées, il faut qu’elle se calme, elle ferme un instant les yeux. 

— On peut dire que c’est votre jour de chance, le commissaire en personne est d’accord pour vous entendre. Suivez-moi.

Ils enfilent un couloir et le policier s’arrête devant la porte d’un bureau. 

— Commissaire, voilà la dame que je vous parlais.

— Très bien merci Georges, tu peux fermer la porte derrière toi, s’il te plaît. Je vous en prie, bonjour Madame, asseyez-vous. Que puis-je faire pour vous ? 

— Ce que vous pouvez faire pour moi, c’est compliqué. Je suis venue pour déposer plainte, Je m’appelle Isabelle Demurget. J’ai vingt-sept ans.

Elle s’arrête, ouvre la bouche, regarde le commissaire d’un air perdu. Il tente de l’encourager à continuer :

— Que vous est-il arrivé ?

— Je ne me souviens pas de tout. Je pense que je me suis fait agresser, on a voulu me tuer. Quand j’ai repris mes esprits, je me trouvais au fond d’un puits, j’avais les mains et les pieds attachés avec du sparadrap. 

Elle s’arrête de parler, tend ses poignets vers le commissaire Vétoldi :

— Vous voyez les marques, là ? 

— Oui, je vois.

— Je suis parvenue à me dégager, puis à sortir du puits. Il y avait une maison tout près, j’ai pu y entrer. Elle était vide mais j’ai pu boire car je mourais de soif et j’ai mangé aussi. J’ai trouvé ce vêtement que je porte sur moi et je suis partie, je voulais m’éloigner le plus vite possible, j’avais peur qu’ils reviennent.

— Qui, ils ? 

— Je ne sais pas, je ne me souviens pas de ce qui s’est passé. 

— Vous pourriez retrouver l’endroit où vous étiez ? 

— Oui, je pense. 

Le commissaire Vétoldi réfléchit. Que son histoire soit vraie ou pas, cette femme est choquée, elle a visiblement besoin de soins. 

Où est l’urgence ? Doit-il en priorité la faire accompagner à l’hôpital ou bien doit-il lui demander de retrouver le puits où elle dit avoir été jetée? …

À Suivre… Prochain épisode le dimanche 20 Septembre 2020…