ÉPISODE 18 : RENDEZ-VOUS, GARE D’AURAY
Pendant le repas au Tire-Bouchon, le buffet-restaurant de la gare d’Auray, Dominique Vétoldi et Inès Benloch n’avaient pas échangé un mot à propos de l’enquête, car d’emblée, le commissaire avait décrété qu’il leur fallait en priorité se restaurer pour avoir les idées claires. Une fois le plat du jour, un boudin aux pommes, dûment dégusté, leurs deux assiettes auraient pu se passer du lave-vaisselle.
Au moment du café, Dominique Vétoldi abord enfin le sujet du jour:
— Dites-moi, Inès, vous avez préparé une liste de questions à poser à notre jeune homme ?
Inès toussote, ce qui lui donne le temps d’avoir une première idée qu’elle exprime ensuite à voix haute:
— J’ai un peu réfléchi. Je commencerai par quelque chose comme :
Que faites-vous depuis le remplacement effectué à l’hôpital de Belle-Ile ? Avez-vous retrouvé du travail? Si oui, où ? Dans quelles conditions aviez-vous été recruté par l’hôpital de Belle-Ile ? Nous avons eu connaissance de vos problèmes de santé, où en êtes-vous sur ce plan ?
Inès s’arrête et guette la réaction de Vétoldi, il commente :
— Pas mal, pour un début.
Sur ce, Vétoldi termine son café, il se lève et se dirige vers la caisse. Il règle la note et fait signe à Inès de le suivre :
— Venez, nous partons.
Inès saisit sa sacoche qui contient son ordinateur et elle suit le commissaire qui prend la direction du parking du loueur de voitures. Il passe au guichet automatique et récupère les papiers et la clé de la voiture qu’il a réservée par internet, puis il clique sur la clé et les portières d’une Peugeot 108 noire et blanche s’ouvrent. Ils montent à bord. Vétoldi lance le GPS et enregistre l’adresse de Jean-Malik El Kharmaz à Pontivy.
— Inès, rendez-moi le service de me fournir les indications de la route à suivre au fur et à mesure, s’il vous plaît.
— Bien Monsieur, vous ne préférez pas suivre les informations orales données par le GPS?
— Non, je déteste la voix de ce robot et par contre j’apprécie à sa juste valeur, la qualité de la vôtre.
Inès programme son portable et le trajet s’affiche, bien plus clair que sur l’écran du GPS. Elle annonce :
— Alors, à la sortie d’Auray, prenez la direction de Brech puis vous suivrez la départementale 768 jusqu’à Pontivy, c’est tout droit, mais si vous préférez, il y a un autre chemin possible, en empruntant la quatre voies jusqu’à Hennebont, puis une route plus rapide pour Pontivy. Au final, en termes de temps, ça revient à peu près au même mais en kilomètres parcourus, vous avez intérêt à suivre la route directe depuis Auray.
— Eh bien, merci, donc OK pour la route directe, et en premier, direction Brech, c’est bien ça ?
— Oui, parfaitement.
— Dominique Vétoldi glisse un CD et enclenche un programme musical. C’est de la musique classique, Inès prend son mal en patience, elle préfère le jazz…ou les chansons à la mode, mais elle n’ose pas intervenir. Alors, pour s’occuper l’esprit, elle repasse en boucle les questions qu’elle s’apprête à poser au jeune suspect, mais au bout de quelques minutes, elle abandonne et regarde le paysage défiler. La campagne, une rivière, l’intérieur des terres dans le Morbihan est plus varié qu’elle ne l’imaginait.
Cinquante-deux minutes plus tard, la pancarte PONTIVY/PONDI[1] s’affiche. Ils sont arrivés. Inès précise:
— Prenez vers le centre, le quai du Blavet se situe là. Il demeure au numéro 21.
Vétoldi obtempère et ils sont rapidement que le quai. Il arrête la voiture et ils descendent. Le bâtiment, un HLM est bien entretenu, récent. L’interphone affiche de nombreux noms. Inès cherche celui qui les intéresse. Voilà, elle y est, elle sonne. Deux longues minutes et pas de réponse, elle sonne une nouvelle fois. La fenêtre du rez de chaussée s’ouvre et une dame apparaît :
— Vous voulez voir qui ça ?
— Monsieur El Kharmaz.
— Ah, le petit Jean-Malik, hein , c’est bien ça ?
— Oui, vous le connaissez ?
— Évidemment que je le connais, c’est mon voisin, mais vous risquez pas de le trouver chez lui à ct ‘heure, il est à l’école.
— Il a repris des études?
— Ah, ah, ma foi, non, il surveille les gosses à l’école, il est animateur comme on dit. Il y va le matin, avant le début de la classe et puis il y retourne pour le déjeuner et puis, le soir, après la classe.
— Vous accepteriez de répondre à quelques-unes de nos questions ?
— Ben ça dépend, je l’aime bien ce garçon, même si desfois, il met sa musique à fond, mais bon, c’est comme ça les jeunes. Ben venez donc, je vais vous ouvrir.
Nos deux compères pénètrent dans le hall de l’immeuble. La voisine se tient sur le seuil de la porte de son appartement et les fait entrer chez elle.
— Je peux vous demander pourquoi vous voulez le voir ?
— C’est Dominique Vétoldi qui répond :
— Oui, bien sûr, nous menons une enquête sur lui, une enquête de moralité. Pour tous les emplois de fonctionnaires, il y a une enquête pour s’assurer que la personne n’a pas d’activités contraires aux bonnes moeurs ou contraires aux Lois de la République.
— Eh ben, voilà ce qu’ils auraient dû faire pour le tueur de la préfecture.
— Il y a avait eu une enquête avant de le recruter, l’erreur a été de ne pas organiser une nouvelle enquête par la suite, quand il a commencé à se radicaliser.
— Vous voulez un café?
— Non merci, nous en avons déjà bu. Il y a longtemps que vous connaissez Jean-Malik?
— Depuis qu’il est arrivé ici, avant, non, je l’avais jamais vu.
— Il est d’ici ?
— Je crois que oui, d’après ce qu’il m’a dit mais il ne fréquente pas ses parents.
— Ses parents vivent à Pontivy?
— Oui, ils ont une bien belle maison dans la rue Napoléon 1er, un presque château et ils font chambre d’hôtes.
— Jean-Malik vous a-t-il dit pour quelles raisons il ne voyait plus ses parents.?
— Je crois plutôt que ce sont ses parents qui ne veulent plus le voir.
—Il vous en a parlé?
— Pas vraiment mais j’ai bien compris… Il est bien seul, ce gamin, gentil et courageux.
— Il a des amis ?
— J’en vois pas qui viennent mais il va chez eux, je crois. Il a une amie à Belle-Ile, il y a travaillé à l’hôpital et il m’a dit que là-bas, il s’était fait des copains, il s’y plaisait, il aurait bien aimé rester mais il n’avait plus de travail, donc, il est venu ici, et est arrivé dans la résidence.
— Eh bien, il nous reste à vous remercier pour votre aide. Savez-vous à quelle école Jean-Malik travaille ?
— Oui, aux Saints-Anges, à l’école primaire.
— Parfait, merci. À quelle heure revient-il de la surveillance du déjeuner ?
— Ma foi, il ne devrait plus tarder, un peu après quatorze heures, à moins qu’il parte faire autre chose ensuite. Je ne le suis pas à la trace.
— Bien sûr, merci encore. Il habite l’appartement à côté du vôtre, c’est bien ça?
— Oui, celui qui donne sur la cour.
Dominique Vétoldi se lève et quitte Madame Even, suivi d’Inès Benloch. Une fois revenue sur le palier, Inès propose :
— Vous voulez que je lui téléphone?
— Pourquoi pas, maintenant qu’on est sur place, l’effet de surprise jouera de toute façon, allez-y et dites-lui qu’on l’attend devant chez lui.
Inès s’exécute et Jean-Malik répond.
— Bonjour Monsieur, je suis l’assistante de Monsieur Vétoldi, détective privé. Nous sommes chargés d’une enquête sur la mort de Gwennen de Saint-Armel, à l’hôpital de Belle-Ile, alors que vous y effectuiez un remplacement comme agent hospitalier, nous aimerions nous entretenir avec vous, cela serait-il possible ?
— ..
— Nous sommes devant votre appartement, nous pouvons attendre votre arrivée
…
— C’est parfait, merci beaucoup, à tout de suite.
— Il est sur le chemin, il est d’accord.
— Merci.
Vétoldi s’appuie sur le mur du hall tandis qu’Inès tripote son téléphone. Quelques Instants plus tard, Jean-Malik El Kharmaz entre.
Découvrez l’épisode 19, mercredi prochain…