Falaise surplombant les aiguilles de Port-Coton, à Bangor, Belle-Ile, rendues célèbres par Monet. Photographie de Belle-ile.com
Tout s’était déroulé comme l’avait prévu le commissaire Dominique Vétoldi.
L’arrivée au centre de secours de Belle-Île fut mouvementée, car le vent s’était levé et l’atterrissage de l’hélicoptère fut quelque peu chahuté. Par chance, ni Inès Benloch ni Dominique Vétoldi n’étaient sujets au mal de l’air.
L’hélicoptère repartit immédiatement après leur descente.
La directrice de l’hôpital les accueillit et sans s’étendre en de vains propos, les amena directement à la chambre de la patiente déconnectée.
Au moment où ils pénètrent dans la pièce, elle a subi les assauts des experts de la gendarmerie, autant dire qu’il y règne un bazar pas possible.
Dominique Vétoldi observe :
—Ils ont fait très vite. À quelle heure le Procureur est-il passé ?
—Nous avons eu de la chance, Monsieur le procureur de Vannes était en week-end sur l’île, il y possède une maison, si bien qu’il se trouvait sur les lieux aussitôt après la découverte de l’incident par l’infirmière du matin, laquelle a prévenu le capitaine de gendarmerie, vers sept heures et demi. Le procureur a ordonné l’intervention des experts scientifiques de la gendarmerie ; ils sont arrivés deux heures plus tard et ils sont repartis vers 11 heures ; je vous attendais pour faire remettre de l’ordre. Nous n’avons pas la possibilité de la condamner longtemps, nous n’avons qu’un nombre restreint de lits ici.
— Cette chambre se situe au sein du service des urgences ?
—Oui, c‘est ça, la patiente concernée a été admise dans le service, il y a deux jours et nous l’avons gardée en observation, le temps pour les médecins de se concerter et de voir si son coma était stabilisé ou évolutif.
—Comment se fait-il que vous ayez gardé une patiente dans cet état, vous n’êtes pas équipés pour ces cas lourds ?
—Il s’agit d’un coma très récent, la patiente est ou plutôt était, car elle est décédée après son débranchement, une femme qui a été la victime d’une grave chute depuis la falaise de l’anse de Bangor.
Dominique Vétoldi sourirait si la situation présente n’était pas si tragique, les mots de la directrice sont la preuve qu’elle n’est pas d’ici. Qui, sur l’île, parlerait de l’anse de Bangor pour mentionner les aiguilles de Port Coton et sa falaise ?
Enfin, peu importe, avec ce qu’il vient d’apprendre, il devra se mettre en relation avec le service d’investigation criminelle de la gendarmerie pour obtenir leur rapport d’expertise le plus rapidement possible. En attendant, il sort son appareil et prend quelques photos de la chambre. Il se dirige ensuite vers la fenêtre et constate qu’elle donne sur le parking. Elle se trouve au rez de chaussée, l’accès depuis l’extérieur en est facilité. Il demande aussitôt :
—La fenêtre était-elle ouverte quand l’infirmière est entrée ?
—Je ne sais pas, vous voulez la rencontrer ? Elle est là, je peux l’appeler.
—Oui, ce serait intéressant.
Quelques minutes plus tard, l’infirmière entre dans la chambre et la directrice l’informe de la qualité des personnes présentes :
— Morgane, je te laisse avec les enquêteurs, merci de répondre à leur question. Avant qu’elle ne sorte, Dominique Vétoldi remercie la directrice pour son accueil. Une fois que la directrice a refermé la porte, l’infirmière dont le visage affiche des traits tirés et un air tendu, dit pourtant :
—Bonjour Monsieur, bonjour Madame, je vous écoute.
—Quelle heure était-il quand vous êtes entrée dans cette chambre, ce matin ?
—Sept heures, je venais juste d’arriver, ma première activité de la journée a été d’aller voir cette malade. Le médecin m’avait demandé de noter très précisément ses réactions ou l’absence de ses réactions. Elle n’était ici que depuis deux jours et nous devions déterminer au plus vite son état car nous n’avons pas les moyens de la garder au-delà de quelques jours.
— Quand vous êtes arrivée, la fenêtre était-elle ouverte ou fermée ?
—Ouverte, et je me suis précipitée pour la refermer, j’avais peur qu’elle prenne froid.
— Vous l’avez dit au procureur et aux techniciens ?
—Non, ils ne m’ont pas posé cette question, mais ils ont relevé un tas d’empreintes et je suis certaine qu’ils ont passé au crible la fenêtre comme tous les coins et recoins de la chambre. D’ailleurs, vous pouvez le constater d’après l’état de la pièce.
— Pensez-vous que quelqu’un ait pu pénétrer ici en passant par la fenêtre ?
— Je ne sais pas, mais c’est vrai qu’elle donne sur le parking et qu’on doit pouvoir enjamber assez facilement l’embrasure.
— Inès, peux-tu te rendre à l’extérieur, nous allons vérifier tout de suite.
Inès s’exécute sans discuter. Deux minutes plus tard, elle est devant la fenêtre grande ouverte et elle se hisse sans soucis sur son encadrement pour se retrouver dans la chambre.
— Donc, aucun problème, il ou elle est entré par cette voie. La malade était sous perfusion, avez-vous pu vérifier le niveau de l’écoulement du liquide ?
— Non, je n’y ai pas pensé. Les techniciens le feront certainement, ils ont emporté tout le matériel qui entourait la patiente.
— Bien, ils devraient donc être en mesure de fixer l’heure à laquelle est intervenu l’agresseur. Savez-vous à quelle heure le flacon était-il plein ?
— Je pense qu’il a été changé lors de la ronde de l’infirmière de nuit, il faudra lui demander, mais normalement, c’est ce qu’on fait par précaution, pour éviter qu’il n’y ait plus de sérum, surtout que ces malades ne peuvent pas nous alerter.
— Très bien, vous n’avez pas remarqué autre chose, en dehors de la fenêtre ouverte ?
— Non, j’ai constaté en l’examinant, que la patiente était décédée, j’ai appelé tout de suite le médecin pour qu’il vérifie mon diagnostic, et prévienne la gendarmerie, à cause de l’arrachage de la perfusion que j’ai attribuée à un tiers.
— Vous êtes certaine que la malade n’a pas pu effectuer cet acte, elle-même ?
— Oui, absolument, elle était plongée dans un coma profond, si elle s’était réveillée, elle n’aurait pas eu la force de tout arracher, ou elle l’aurait fait différemment, là, j’ai bien vu qu’un homme ou une femme était l’auteur de cette agression.
— Autre question importante : Je voudrais savoir si votre directrice vous avait fait part des instructions transmises par mon adjointe, Madame Benloch, ici présente, auprès de l’ensemble des services hospitaliers accueillant des malades dans le coma ?
— Non, je n’ai pas reçu de consignes particulières et j’ai suivi le protocole habituel.
— Bon, nous verrons plus tard comment vous avez pu échapper à cette diffusion de la consigne. Inès, tu as des questions ?
— Oui, une, où se trouve la patiente actuellement ?
— Sur l’ordre du procureur, le corps de la patiente a été transféré au service de médecine légale de l’hôpital de Lorient.
— Très bien, il faudra que nous obtenions le rapport du médecin légiste.
Dominique Vétoldi conclut l’entretien avec l’infirmière :
— Nous vous remercions pour votre aimable coopération et vous souhaitons une bonne fin de journée malgré cet évènement.
Ils sortent tous les trois de la chambre, puis Dominique Vétoldi et Inès Benloch suivent Morgane qui se rend à son bureau, afin de rencontrer le médecin qui était de garde le matin.
Suite au prochain épisode…