Vendredi 8 juin 2018-06-09
Épisode 7 : Réunion de l’agence de Pub’ à New York
A 7h30, nous sommes montés à bord de la navette. J’étais toujours émue à chaque fois que je partais pour New York, car je me demandais si j’allais en revenir vivante. Les premières minutes à bord étaient angoissantes, je devais m’habituer au mouvement impulsé très régulièrement par la capsule où nous étions, mouvement qui nous permettait d’échapper aux soucis physiques provoqués par l’apesanteur. La demi heure de voyage me paraissait durer une éternité. Je la redoutais mais en même temps, j’éprouvais de la joie à l’idée de retrouver la ville que j’aimais depuis la première fois où je l’avais découverte. J’avais sept ans, c’était en compagnie de mes parents qui étaient encore ensemble à cette époque bénie de mon enfance. Nous avions effectué le voyage en avion solaire, tranquillement en huit heures. J’avais été éblouie par la beauté de cette ville entourée par l’eau qui semblait narguer le monde entier par ses choix innovants sur tous les plans ; J’avais visité une ferme enterrée, goûté les meilleures fraises e ma vie, cueilli des fleurs comestibles sur le toit de l’hôtel où nous logions. Depuis cette découverte, j’y étais retournée plusieurs fois et je ne m’en étais pas lassée. La ville, semblait s’être donnée pour mission de m’étonner. Il y avait toujours quelque chose que je ne connaissais pas, dans un demain ou un autre. C’était la première ville au monde qui avait généralisé le zéro déchet. Dans les magasins, tous les clients avaient leurs récipients vides qu’ils remplissaient aux différents distributeurs. On n’y trouvait pas de viande, l’élevage des animaux avait été jugé trop polluante et gaspilleuse d’énergie. L’atterrissage interrompit mes pensées, nous étions arrivés. On nous demanda de patienter avant de descendre pour laisser à nos organismes le temps de retrouver les sensation de la pesanteur. Puis quelques minutes plus tard, nous étions tous rassemblé dans l’aérogare, dans l’attente du car électrique qui nous amènerait en centre ville. Une hôtesse nous guida jusqu’à une salle qui nous était réservée et des boissons nous furent servies. Je choisis de goûter une infusion d’herbes inconnues et si le goût me parut étrange, il n’en était pas moins bon. Le silence régnait dans la salle, comme si chacun, plongé dans ses pensées, se préparait à découvrir des surprises. On nous invita à monter à bord du car et nous arrivâmes à notre hôtel. Après m’être installée dans ma chambre, je sortis le planning qu’on nous avait distribué, la journée était bien remplie. La première réunion, celle où nous allions retrouver l’ensemble des délégations, était prévue à neuf heures et demie, elle se terminerait par un brunch puis nous enchaînerions sur une table ronde consacrée à chaque problème particulier de notre agence. En attendant, je procédai à un maquillage soigné et me recoiffai à l’aide de l’assistant dont la voix métallique me surprenait encore.
– Bonjour Maeata, veux-tu que je te fasse des boucles ?
– Pourquoi pas, allons-y.
Il défit les attaches que j’avais posées le matin, brossa ma chevelure qui dépassait ma taille, me dit au passage :
–T’as des beaux cheveux, tu sais ?
– Oui, on me le dit.
Il n’ajouta rien, se concentrant sur mes boucles et un quart d’heure plus tard, j’étais auréolée et je ressemblais à ma photo de première communiante ; Je sursautai, il venait de me demander si j’étais contente, je hochais la tête :
– Oui très, merci. Bon, je dois y aller, à tout à l’heure.
– A tout à l’heure, beauté.
Je souris, les assistants de chambre étaient programmés pour faire des compliments, le plus possible afin de nous mettre en confiance. C’était leur job de nous aider et c’était leur job de nous faire des compliments. Je restais cependant toujours sur ma réserve vis à vis d’eux car on entendait de-ci de-là, parler d’assistant qui se seraient jetés sur des clientes. Pour ma part, je n’y croyais pas vraiment car les assistants étaient asexués et cette absence de sexe faisait partie du cahier de charge imposée pour leur fabrication. Il n’en était pas de même pour les hommes sur mesure…mais si ceux-ci étaient sexués, ils ne représentaient de danger pour aucune femme étrangère à celle qui les avaient commandé car ils n’étaient programmés que pour elle. Dans le futur, ces créatures poseraient peut-être des problèmes car un jour ou l’autre une de leurs femmes se lasseraient d’eux et alors, que deviendraient-ils ? Cette éventualité n’était pas prévue par le contrat et tout en descendant vers la salle de réunion, j’imaginais un immense cimetière d’hommes abandonnés errant jusqu’à la nuit de temps. Cette idée m’empêcha d’écouter le bla-bla que répandait les écouteurs dont on m’avait équipés pour que j’entende les discours dans ma langue comme chacun des participants.
– Des questions ?
Le chief international venait de s’exprimer et son regard parcourut la salle, personne ne moufta.
– Dans ce cas, je vous remercie d’avoir été attentifs et je vous félicite de la qualité de votre travail de l’année écoulée, qui nous a permis cette année de dépasser tous nos objectifs. Il est temps de passer aux tables rondes. Bonne réflexion !
Nous applaudîmes à tout rompre si bien que j’en eus mal aux paumes de mains. Je me dirigeais ensuite vers le tableau d’affichage déroulant qui nous affectait à une table ronde. J’avais émis le souhait de participer à la table ronde qui portait sur les objets du futur et constatai avec satisfaction que mon vœu avait été respecté. Ma performance annuelle était ainsi reconnue et récompensée. C’était comme ça que ça marchait dans notre agence. Mais il était temps de passer au brunch car le patron avait oublié de mentionner que nous nous restaurerions avant les tables rondes. Ce qui n’avait rien d’étonnant quand on savait que lui-même ne mangeait pas et se nourrissait exclusivement de pilules et autres joyeusetés de l’industrie chimique. Le buffet du brunch était pantagruélique… J’admirais ce mot que m’avait transmis ma mère en me parlant de cet auteur, Rabelais, qui avait écrit dans a nuit des temps…
J’étais émerveillée, tout me semblait appétissant. Ed, un collègue américain, se glissa auprès de moi et m’apostropha :
– Ouah le belle, comment vas-tu ? Je n’aurais jamais pensé que tes cheveux étaient aussi longs. Tu es magnifique !
– Merci, Ed, comment vas-tu ?
– Bien, et toi, j’ai vu que tu étais à la table des objets du futur, tu as de la chance, moi, je l’avais demandé, mais je ne l’ai pas obtenu.
– Tu n’as pas atteint l’objectif ?
– Je croyais que si, mais j’ai une patronne qui ne m’aime pas.
–Tu t’es refusée à elle ?
Ça m’est sorti comme ça, et il m’a regardée assez gêné.
– Vous les Français, vous êtes directs, je ne m’y fais pas ! Elle n’a pas besoin d’un homme, elle en a un, elle vit avec un homme-robot qu’elle a fait fabriquer.
– Comment tu sais que c’en est un ? Cela ne se voit pas.
– Peut-être mais quel homme de chair serait à ses petits soins comme lui l’est ? Si tu voyais comment il la regarde, il ressemble à un esclave qui contemple sa reine.
– Tu l’as vu ?
– Bien sûr, elle l’emmène partout avec elle. Il lui sert de faire-valoir, il est d’une beauté époustouflante.
– Ah bon, mis elle, elle et plutôt moche. Je l’ai aperçue tout à l’heure, quand elle marche avec ses talons aiguilles, vue de dos, on dirait une poule tellement elle a les fesses en arrière !
– Ah, ah, ah, je retiens l’image. Bon, revenons au présent, tu prends quoi ?
– Je ne sais pas, un assortiment de frais local.
– Ici, tu aurais du mal à trouver du pas local, on n’a pas le droit d’importer.
– Oui, je sais et je vais en profiter. Allez, on se fait nos plateaux et on s’installe sinon, il va falloir aller aux tables rondes avec le ventre creux et ça c’est pas bon pour le cerveau.
– OK.
Nous avons garni nos plateaux et nous nous sommes installés à une grande table avec d’autres salariés de l’agence. J’ai passé un très bon moment mais j’ai surtout parlé avec Ed qui m’a extorque un rendez-vous pour passer la soirée ensemble…
Suite au prochain épisode, le vendredi 15 juin 2018…