ÉPISODE 7 : LA LETTRE N° 2 DES GJ Mercredi 6 février 2019

ÉPISODE 7 : LA LETTRE N° 2 DES GJ
Mercredi 6 février 2019
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OUVRE LETTRE – COUPE PAPIER – GÉNÉRAL DE GAULLE – ÉTAIN Source : E-Bay

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COUPE-PAPIER ORNÉ DE LA CROIX DE LORRAINE

Alors que le président, installé à son bureau, goûte à son troisième café, un huissier lui apporte sur un plateau d’argent, une lettre qui est restée fermée. Phénomène si rare que le président, stupéfait, lève les sourcils  et comme toujours un peu plus son sourcil gauche qui est en forme d’accent circonflexe,

le ton de son propos est sec, impératif : 
— Appelez-moi le commandant Pardon !
— Bien Monsieur le président, c’est comme si c’était fait. 
La bouche du président marque un rictus, il marmonne : Ah oui, c’est lui, c’est l’huissier que j’ai surnommé monsieurc’estcommesic’étaitfait. A chaque fois que je lui demande quelque chose, et quelle que soit cette chose, il me répond par cette même phrase…
L’huissier ne cherche pas à comprendre ce que vient de murmurer le président, il file à toute allure prévenir le commandant Pardon, responsable de la sécurité à l’Élysée. Quelques minutes plus tard, le commandant se présente à la porte du bureau présidentiel. Le président, dès qu’il l’aperçoit, lui ordonne ;
— Entrez, entrez et fermez la porte derrière vous.
En l’occurrence, c’est l’huissier qui referme la porte. 
Le commandant n’a pas le temps de s’asseoir que déjà le président lui tend la lettre :
— Ouvrez-moi ça ! Je ne comprends pas par quel mystère elle a pu arriver jusqu’à moi sans avoir été ouverte auparavant. 
— Oui, en effet, c’est peu compréhensible, je vais ordonner une enquête pour découvrir la vérité.
— Bon, bon, en attendant, ouvrez-la et voyons de quoi il s’agit. 
Le commandant tente de décoller l’enveloppe avec ses ongles mais ils sont taillés si courts qu’il n’y parvient pas ; le président s’agace devant ce spectacle, il s’empare d’un joli coupe-papier et le lui tend. C’est un coupe papier que lui a offert son épouse, à l’occasion de son récent anniversaire, un objet de collection qui a appartenu à un de ses illustres prédécesseurs, celui qui, sans aucun doute, l’inspire le plus :
— Prenez ça et finissons-en ! 
La sueur perle sur le haut du front du commandant. Il découpe en tremblant l’enveloppe. Il en sort la lettre, la déplie et la pose devant le président, lequel la repousse :
— Mais enfin commandant, lisez-la et qu’on en finisse, elle ne peut émaner que d’eux ! 
Le commandant chausse ses lunettes de lecture et s’exécute :
Monsieur le président,
Vous ne vous êtes pas manifesté auprès de nous alors que nous vous offrions la possibilité de nous rencontrer et de sauver ainsi votre Premier Ministre, qui, comme vous le savez, se trouve en notre compagnie. 
Nous nous voyons par votre comportement, dans l’obligation de mettre en œuvre la deuxième phase de notre action. Vous ne devriez pas tarder à recevoir un témoignage vivant de votre collaborateur. 
Sachant que vous passez le prochain week-end au pavillon de la Lanterne, situé dans le parc de château de Versailles, nous vous proposons de nous rencontrer afin d’amorcer la négociation, dimanche prochain, en la Cathédrale Saint-Louis, à deux pas de votre résidence, à l’heure de la messe, à 18h35.  
La messe du soir sera en cours, entrez par la porte latérale et attendez que nous vous fassions signe.
Si vous ne vous présentiez pas à ce nouveau rendez-vous, les conséquences pourraient être désastreuses pour votre Premier Ministre. 
À dimanche prochain.
Le commandant conclut sa lecture, puis il pose la lettre sur le bureau du président :
— Pas de signature.
— On s’en serait douté ! Bien, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
— Bien sûr, il me faut découvrir par quelle voie cette lettre a pu parvenir jusqu’à vous sans être ouverte. 
— Vous pouvez disposer, d’ici dimanche, nous nous reverrons pour aborder la question de savoir si oui ou non, il me faudra répondre présent à leur nouvel ultimatum. À première vue, avant réflexion, je penche pour l’affirmative, en effet, il faut en finir avec cette menace. En outre, je ne courrais pas un vrai danger , car je ne vois pas quel bénéfice ces gens-là pourraient tirer d’un meurtre commis sur ma personne. 
Le commandant Pardon ne répond pas, il a besoin de réfléchir et il souhaite commencer l’enquête à mener sur la voie mystérieuse empruntée par la lettre entre la porte extérieure de l’Élysée et le bureau du président. L’enveloppe ne porte pas de timbre, elle est donc arrivée avec une personne qui s’est arrangée ensuite pour que le courrier se retrouve entre les mains de l’huissier qui l’a apporté au président. Le plus simple est donc de remonter la chaîne. Le commandant Pardon demande :
— Connaissez-vous le nom de l’huissier qui vous a apporté la lettre ce matin ? 
— Son nom, je ne le connais pas, mais je lui ai donné un surnom, je l’appelle Monsieurc’estcommesic’étaitfaitcar c’est la phrase qu’il répète systématiquement dès que je lui demande quelque chose.  
— Je vais commencer par lui parler pour savoir qui lui a donné cette lettre, ensuite, je continuerai à remonter la chaîne des porteurs de la lettre. 
Le commandant Pardon se lève :
— Au revoir Monsieur le président, dès que j’en saurais plus, je vous le ferai savoir. Je vous souhaite une bonne journée.
Le président parvient à retenir la saloperie qui allait franchir ses lèvres, il était sur le point de lui balancer quelque chose du genre :Oui, c’est ça, foutez-vous de ma gueule, avec ce qui se passe, comment pouvez-vous penser que je puisse passer une bonne journée ?Au lieu de cela et un peu grâce aux leçons répétés à l’envi par sa femme, N’oublie pas, mon chéri adoré, que tu dois tourner ta langue sept fois dans la bouche avant de parler.
— Bien, vous avez quartier libre.
Le commandant Pardon une fois retiré, le président prend connaissance, lui-même, de la lettre puis il la repose, pensif.. 
C’est qu’ils sont bien renseignés ces lascars, il est exact qu’il a l’intention de passer le week-end prochain à la Lanterne. Il s’y rend tous les week-ends sauf quand il est en déplacement en France ou à l’étranger. Par contre, il n’est pas encore allé à la cathédrale Saint-Louis. Où se trouve-t-elle précisément ? Il pianote sur son téléphone, le plan du quartier de Versailles concerné par le château et la cathédrale s’affiche. Effectivement, la cathédrale est proche. Le site affiche une distance de deux kilomètres et deux cents mètres, soit dix minutes à pied pour le commun des mortels et huit minutes pour lui, car il marche bien plus vite que la moyenne des Français. Le président parle à voix haute :
— J’irai à pied, je passerai inaperçu, il faudra juste que les policiers chargés de ma sécurité soient prévenus et s’organisent pour ne pas me perdre de vue. 
— Que dis-tu ?
 Le président lève la tête, surpris, ah, c’est sa femme qui est entrée, elle est en tenue de sport, elle vient de terminer son parcours du matin sur son vélo d’appartement. Elle tient à la main, un grand verre de jus d’orange qu’elle pose sur son bureau :
— Tiens, c’est pour toi, bois, cela te fera plus de bien que ton satané café qui contribue à nourrir ton stress. 
— Merci, que ferais-je sans toi ? 
Elle plante un doux baiser sur le front de celui qu’elle couve de son regard depuis si longtemps. 
— Tu as l’air soucieux, serait-ce encore les GJ ?
— Oui, bien sûr, regarde ça, j’aimerais avoir ton avis. 
Elle lit lentement la missive.

— Il n’est pas question que tu te rendes à ce rendez-vous ! 

— Il faudra bien pourtant, je ne peux pas éternellement reculer, ils vont finir par le supprimer.
— Mais non, ils n’auraient plus de munitions. Tout ce qu’ils feront, devrait consister en un prélèvement d’une phalange sur un des dix doigts du PM, pour faire monter la pression et pour que tu cèdes. Tu ne dois pas y aller, tu courrais trop de risques, pense aux horreurs qu’ils disent, que tu devrais partir, que des élections devraient être organisées. Si tu y vas, c’en sera terminé de ton poste de président.
— Mais non, voyons, ma Bibi, ils ne pourront pas m’agresser, les policiers chargés de ma sécurité seront à quelques pas. 
— Et alors ? Ils n’auront pas le temps d’agir. Imagine qu’un de ces fous furieux s’empare de toi et pointe un poignard sur ta gorge pour empêcher tout policier d’approcher.
— Bon, je ne sais pas, j’en discuterai avec Pardon. Hum, délicieux, ce jus d’oranges.
— C’est un jus de clémentines fraîches. J’ai fait venir des caisses de fruits directement d’un verger espagnol qui pratique la culture bio. Ces fruits sont une merveille. 
Le président sourit, il a une femme merveilleuse et chaque jour qui passe, il se félicite de l’avoir à ses côtés… 
À Suivre… prochain épisode le mercredi 13 février 2019…