Épisode 7 : Merida: Enquête d’Angel Xiapak
Angel Xiapak a reçu le message de sa collègue de Paris, Inès Benlloch. Il ne la connaît pas, mais il a pris récemment connaissance de son parcours professionnel. S’il est impressionné par ses années d’agent secret, il n’en pense pas moins que le métier de détective privé ne ressemble pas à celui d’agent secret. Le détective privé, s’il lui arrive au cours d’une filature de se camoufler, ne vit pas une double vie. Il travaille dans un cabinet officiel et il ne cache pas sa profession.
Quand il a reçu la visite d’Alejandro Alonso, le frère de sa cliente, il n’a pas tout à fait compris le motif de sa demande et il s’en est étonné.
Lui, Angel Xiapak a une sœur, mais il n’aurait nul besoin de recourir aux services d’un détective pour savoir ce qu’elle fait. Ils se fréquentent et se tiennent au courant de leurs activités respectives. Il en déduit en ce qui concerne les Alonso qu’entre le frère et la sœur, les liens se sont distendus, sans doute en partie à cause de la distance géographique qui les sépare. Pour expliquer la motivation d’Alejandro Alonso, Angel Xiapak s’est renseigné sur la vie d’Alejandro Alonso. Il est ingénieur dans l’entreprise Monty, la fabrique de jeans de Merida. Il est célibataire et mène une vie sérieuse sur le plan professionnel, mais sa vie privée paraît plus décousue. On ne lui connaît pas de relation amoureuse stable, il passe ses fins de journées dans un café réputé pour ses tables de jeux et la facilité de s’y procurer des substances illicites.
Après avoir fait cette découverte, Xiapak a téléphoné à Alejandro Alonso pour lui demander à brûle-pourpoint s’il avait des dettes de jeu et ce dernier a très mal réagi.
— Je vous ai demandé d’enquêter sur ma sœur, vous n’aviez pas le droit de fouiller dans ma vie, je ne vous y ai pas autorisé !
Xiapak a tenté de se justifier :
— Imaginez que les personnes à qui vous devez de l’argent cherchent à vous faire chanter, ils auraient très bien pu organiser cette histoire de drogue pour nuire à votre sœur et à vous indirectement.
— Vous racontez n’importe quoi ! Je n’ai pas de dettes de jeu, je suis réglo et si vraiment je ne parvenais pas à rembourser, je demanderai de l’aide à mes parents.
Alejandro Alonso avait ensuite raccroché, laissant Angel Xiapak rêveur, puis en réfléchissant, il avait décidé de demander un rendez-vous aux parents d’Adelia Alonso.
Il jette un coup d’œil à sa montre, il est seize heures, il doit se préparer pour sa visite chez Carmen et Juan Alonso ; ils habitent un des plus luxueux ensembles immobiliers résidentiels de Merida, le Yucatan Country club.
Angel plie le document faxé par les Alonso qui lui servira de sésame pour pénétrer dans la propriété et il glisse ses papiers d’identité dans son sac. Quand il arrive au contrôle d’entrée, la barrière est baissée, il se présente au vigile qui prend tout son temps avant de procéder à la manœuvre de la barrière. Il faut reconnaître qu’avec sa petite Nissan, il fait pâle figure dans ce parc où les propriétés affichent des véhicules dont le prix doit avoisiner le prix de dix voitures comme la sienne. Il suit consciencieusement les indications données par les Alonso quant à la situation de leur maison. Dix minutes après être entré dans le parc, il arrive à bon port.
Le jardin est magnifique, le gazon, impeccablement tondu, est digne d’un gazon britannique, la maison elle-même est très moderne et spacieuse. Il avance vers l’entrée, il n’a pas besoin de sonner, la porte s’ouvre sur une femme qui doit être l’employée de maison. Il la salue, elle lui sourit d’un air complice, dû sans doute à certaines caractéristiques physiques qu’ils ont en commun, comme leur teint mat et leurs yeux noirs, héritage de leurs ancêtres Mayas. Il la suit et traverse ainsi une partie de la maison, puis elle le laisse sur le seuil d’un patio ouvert sur une piscine. Une femme en peignoir de soie entrouvert sur une poitrine gonflée se lève d’un transat et elle lui propose de s’assoir autour du bar.
— Bonjour Monsieur Xiapak, ainsi vous souhaitez me poser des questions sur notre fille, Adelia ?
— Oui et je vous remercie d’avoir accepté de me recevoir. Comme vous le savez certainement, votre fille est accusée d’avoir transporté de la drogue lors de son voyage de retour à Paris. Je travaille en collaboration avec une détective de Paris recrutée par votre fille, c’est votre fils qui m’a missionné pour la partie de l’enquête qui doit se dérouler ici, à Merida.
— Le souci est que nous ne savons pas grand-chose de la vie d’Adelia, ne serait-ce que parce qu’elle vit depuis de longues années à Paris. Nous aurions préféré qu’elle fasse sa vie ici. Elle a préféré s’opposer à nous et à notre mode de vie. Il en a été ainsi avec son mariage. Alors qu’elle aurait pu épouser un jeune homme de son milieu, elle a choisi cet homme beaucoup plus âgé qu’elle. Vous vous rendez-compte, il a quasiment mon âge !
Angel Xiapak observe la femme qu’il a en face de lui, son visage bombé, ses yeux liftés, tout indique qu’elle a eu recours à la chirurgie pour préserver son apparence,
— Les enfants ne font pas toujours ce que les parents aimeraient les voir faire. Savez-vous si votre fille a gardé des fréquentations qu’elle revoit lors de ses séjours ici ?
— Elle ne vient pas souvent nous voir, une fois par trimestre à peu près. Oui, elle a gardé quelque amis, mais plusieurs d’entre eux sont partis habiter Mexico. Sa meilleure amie est encore ici, Alejandro la connaît bien, elle est mariée à l’un de ses meilleurs amis, il ne vous en pas parlé ?
Angel Xiapak sourit:
— Votre fils pense qu’il n’a pas à m’aider parce que je suis payé pour enquêter.
— Ah ? Il exagère, mais il a toujours été comme ça, il se conduit de façon assez égoïste. Qu’est-ce que je pourrais vous dire d’autre ? Pas grand-chose mais allez voir Evchen, je vais vous donner son adresse et son téléphone, appelez-la de ma part et surtout allez la voir pendant les heures d’école parce que quand ses cinq enfants sont là, on ne s’entend pas !
— Si je peux me permettre, est-ce que votre fille s’est droguée lorsqu’elle était plus jeune ?
Angel Xiapak remarque le mouvement de recul de Madame Alonso, il l’a choquée par son franc-parler, mais c’était son but, sortir de la bienséance. De fait, elle réagit fortement :
— Mais non, pas du tout, Adelia a toujours été une jeune fille très sérieuse. Elle travaillait très bien et grâce à son lycée, elle a appris l’ouverture au monde. Quand elle a eu quatorze ans, nous l’avons inscrite dans un lycée-internat itinérant, c’est à dire un lycée qui changeait de pays à chaque trimestre. Chaque année, elle a donc étudié dans trois pays différents. Notre fille parle cinq langues parfaitement. Sa scolarité internationale explique son choix de faire des études de langues ; elle a étudié à New York et elle enseigne maintenant à l’université américaine de Paris, qui est l’université correspondante de son université new yorkaise. Elle aurait pu faire un très beau mariage si elle avait voulu. Quel dommage qu’elle ait gâché ainsi sa vie.
Madame Alonso s’arrête de parler sur ces derniers mots, elle écrit quelques mots sur un papier qu’elle tend ensuite à Xiapak, il s’agit des coordonnées de l’amie de sa fille.
Angel Xiapak est un peu désarçonné, il s’attendait à apprendre davantage de choses personnelles de la part d’une mère sur sa fille, mais elle le renvoie sur une amie. Bon, tant pis, il n’obtiendra rien de plus. décidément entre le frère qui le renvoie à son enquête et la mère… Il n’a pas grand-chose à attendre de cette famille.
Adelia Alonso a peut-être choisi de suivre son mari en France pour échapper à une famille peu chaleureuse. Il risque quand même une phrase avant de partir :
— Vous n’êtes pas inquiète pour votre fille ?
— Ah non, pas du tout, elle ne risque rien, elle n’a rien fait, et vous allez le prouver avec votre collègue de France. Au revoir Monsieur, bonne chance !
Angel quitte le patio et il est raccompagné par l’employée de maison qui a réapparu comme par magie.
Il la suit jusqu’à la sortie de la maison, il reprend sa voiture, sa visite a duré en tout et pour tout une demi-heure. Ce n’est pas avec les informations qu’il a recueillies aujourd’hui qu’il va avancer… Il a quand même appris qu’Adelia Alonso avait été élève d’un drôle de lycée pendant quatre ans.
Revenu à son bureau, il rédige un rapide topo qu’il envoie à Inès Benlloch, il devrait recevoir assez vite sa réaction. Mais quelle qu’elle soit, il a l’intention de rendre visite à l’amie d’Adelia en espérant qu’elle aussi était élève dans ce fameux lycée itinérant…
À Suivre… Prochain Épisode, Dimanche 20 Mars 2020…