ÉPISODE 3 – PAUL, L’AMI D’ANNA PAVLOVA

 3 – ÉPISODE 3 : Paul, l’ami d’Anna Pavlova

Dimanche 30 août 2020

 

Cimetière Montparnasse, Photo, Paris-info.com


La veille au soir, Paul Bernardet a eu quelques difficultés à calmer celle qui, depuis cinq ans, partageait la vie de sa meilleure amie. 

Il lui a administré un sédatif parce que ses paroles ne suffisaient pas à l’apaiser ; non seulement, son corps tremblait, mais elle n’arrêtait pas de répéter : Comment est-ce possible ? Anna ne m’avait jamais dit la vérité en cinq ans… 

Paul a tenu compagnie à Adriana jusqu’à ce qu’elle finisse par s’endormir, puis il est rentré chez lui, après lui avait laissé un message sur sa table
de nuit : 

En cas de besoin, appelez-moi à n’importe quelle heure, je repasse vous voir demain, j’apporterai de quoi déjeuner. 

Il avait ajouté son numéro de téléphone.

Comme promis, il sonne vers midi, Adriana lui ouvre. Elle est en peignoir, ses yeux sont cernés d’une ombre foncée et ses cheveux embrouillés.

— Bonjour Adriana, où puis-je poser le repas ?

— À la cuisine, venez.

Il la suit dans la petite cuisine où il pose les boîtes sur la table. 

— Vous avez faim ou bien vous voulez manger plus tard, après votre douche, peut-être  ?

— Oui, non, je… 

— Prenez votre temps, je ne travaille pas le dimanche, je peux attendre que vous soyez prête, mais je reconnais que je préfèrerais que vous soyez habillée. 

Adriana acquiesce : 

— Oui, je comprends, j’y vais.

Une demi-heure plus tard, elle reparaît, les cheveux mouillés mais attachés et elle est habillée. Paul la complimente en souriant :

— Ah, je vous trouve beaucoup mieux comme ça. Asseyez-vous, j’ai à vous parler sérieusement. J’ai réfléchi aux circonstances de la mort d’Anna. Comme je vous l’ai déjà dit, j’étais non seulement son ami, mais son médecin et à ce titre, je peux vous assurer qu’elle était en parfaire santé. Je sais qu’une enquête est en cours à Belle-Ile, car c’est là qu’elle est décédée, mais peut-on faire confiance aux gendarmes locaux ? S’ils ressemblent aux gendarmes de Saint-Tropez… 

Adriana prend la défense des représentants de l’ordre à Belle-Ile :

— Non pas du tout, je les connais. Anna et moi, nous nous sommes produites très régulièrement à Belle-Ile, dans le cadre des cycles d’opéras initiés par la propriétaire de la citadelle Vauban et nous avons toujours eu d’excellentes relations avec les responsables de la sécurité. C’est une île tranquille. Bien sûr, il y a comme partout des incivilités, mais la plupart du temps, ce sont les touristes qui en sont les auteurs. Bref, je pense que l’on peut faire confiance aux gendarmes Bellilois. Avant la mort d’Anna, j’ai eu l’occasion de rencontrer le capitaine Kervadec et il m’a fait bonne impression. Je m’étais fait voler mon portefeuille sur le marché et j’ai pu déposer plainte dans les meilleures conditions ; on ne m’a pas renvoyée en me disant, comme cela aurait pu avoir lieu dans la région parisienne : Ce n’est pas la peine de déposer plainte, cela n’aboutira pas, et si vous n’aviez que quelques euros, ce n’est pas bien grave, laissez tomber.

— Cela me rassure, j’avais entendu un autre son de cloche, mais je ne connais pas moi-même cette île bretonne. Bon, j’en reviens à ce que je voulais vous dire. Je me pose la question de faire intervenir une personne plus qualifiée qui saurait démêler ce qui a pu réellement arriver à notre amie. Il s’est nécessairement passé quelque chose avant sa mort, un évènement, un drame peut-être, qui a précipité cette fin inattendue et effroyable. Vous, de votre côté, vous lui connaissiez des ennemis ?

— Non, Anna était la personne la plus douce que je connaisse, elle aplanissait les relations. Moi, j’ai des ennemis, mais pas elle. Elle détestait les conflits et je lui avais même dit que parfois, les conflits dans un couple, ça met du piment, mais elle ne voulait rien en savoir, elle disait que les conflits la rendaient malade et qu’elle voulait s’entendre avec tous les gens qu’elle était amenée à fréquenter. 

— Oui, mais vous avait-elle parlé de son premier petit ami ? 

— Non, je savais qu’avant moi, elle avait eu un copain mais que ça n’avait pas duré. 

— C’est vrai que de son côté à elle, ça n’a pas duré, mais lui n’a jamais cessé de la poursuivre. Elle ne vous a pas raconté à quel point il la harcelait ? 

— Non, pas vraiment, cependant je voyais que parfois, elle avait l’air inquiète, mais elle ne voulait pas m’en donner les raisons. 

— Enfin, vous étiez au courant des bouquets de fleurs qu’il envoyait lors des spectacles que vous donniez toutes les deux. 

— Oui, mais elle me disait que c’était des admirateurs… Vous pensez que c’était toujours le même ?

— Oui, je vous l’ai dit, il l’a poursuivie et je suis prêt à parier qu’il se trouvait à Belle-Ile avant son décès, lors de votre dernier concert.

— Comment s’appelle-t-il? 

— Il s’appelle Rodolphe Dunan. 

— Rodolphe Dunan, ce nom ne me dit rien, elle ne m’en a jamais parlé… Comme elle ne m’avait jamais parlé de vous !

— Rassurez-vous, je ne lui courais pas après, je connaissais ses préférences et surtout j’étais au courant de votre relation amoureuse et je m’en réjouissais pour elle. J’avais été son confident pendant le temps qu’elle avait partagé avec Rodolphe Dunan et je l’ai aidée à rompre et quand enfin, elle a réussi à couper puis à s’installer avec vous, je me suis réjouis… Mais je savais qu’il continuait à la harceler… Je crois de mon devoir de parler de tout ce que je sais sur mon amie à quelqu’un de compétent. J’ai pensé aller voir le commissaire Vétoldi, d’autant plus que je sais qu’il connaît bien Belle-Ile pour y avoir mené des enquêtes et qu’il est depuis quelques mois, commissaire à Vannes. J’ai donc décidé de me rendre sur place et j’aimerais que vous m’accompagniez. Nous ferions d’une pierre deux coups car quoi qu’il arrive, il voudra vous interroger.

— Dans le cadre de l’enquête de gendarmerie, J’ai répondu aux questions du capitaine Kervadec, il m’a dit que je serai certainement convoquée par un magistrat. Votre commissaire peut prendre connaissance de ma déclaration auprès du capitaine Kervadec, il doit le connaître si vous dites qu’il a enquêté sur place. 

— Oui, sans doute, mais ce que je voudrais c’est que ce soit lui qui prenne en mains l’enquête. Si vous m’accompagniez, ma demande en serait renforcée car vous êtes encore davantage concernée que moi. 

— Je ne comprends pas qui aurait pu lui en vouloir au point de décider de sa mort. Vous pensez que son ex petit ami pourrait l’avoir agressée, mais je n’y crois pas. Il aurait laissé passer plus de cinq ans sans agir… Ce comportement ne me paraît pas possible. S’il avait voulu se venger en la tuant, il l’aurait fait tout de suite ou très rapidement après leur rupture et pas maintenant. 

— Pour certains, la vengeance est un plat qui se mange froid. 

— Non, ceux à qui le meurtrier fait le plus de mal en agissant ainsi n’est pas la personne qu’il tue, mais ses proches, ceux qui aimaient celui ou celle qui disparaît. 

— Vous oubliez le temps qui s’est écoulé entre le moment où elle a disparu et le moment où elle est morte. Toutes ces heures pendant lesquelles elle a peut-être souffert le martyre…

— Taisez-vous ! Mais taisez-vous ! Pourquoi raviver la douleur alors qu’un ne peut plus rien faire pour elle. Si vous saviez qu’elle était menacée, pourquoi n’avez-vous rien fait ? Pourquoi ne m’avez-vous pas mise au courant ? Il est trop tard pour faire quelque chose maintenant, alors, laissez-moi, je veux me reposer. Partez, c’est ce que vous pouvez faire de mieux pour moi. Adieu, Paul…

Paul comprend qu’il a perdu la partie, il n’est pas parvenu à obtenir l’accord d’Adriana. Ira-t-il seul, demander de l’aide au commissaire Vétoldi ?

 

Suite au prochain épisode… Le dimanche 6 septembre…