ÉPISODE 22 : Départ pour l’inconnu !
Une fois qu’elle l’eut rejoint en bas de chez elle, Maeata suivit Hugo sans lui poser de questions ; ils empruntèrent le trottoir roulant qui montait vers Montparnasse. À la lueur des lumières qui les éclairaient abondamment lorsqu’ils avançaient, elle nota les rides du lion qui creusaient le front d’Hugo. Elle se demanda ce qui le préoccupait, puis elle chassa cette pensée négative. Elle se sentait bien à ses côtés. Il lui tenait fermement la main et cela lui était d’autant plus agréable, que jamais Halidor ne le faisait. C’était peut-être un geste auquel seuls les vrais humains recouraient ?
Cette idée la ravit et elle sourit. Hugo réagit immédiatement :
– Dis-moi ce qui te fait sourire, je veux partager cette joie avec toi.
– Tu m’as pris la main et je suis heureuse, c’est tout.
– Merci de t’être exprimée. Je suis heureux moi aussi d’être avec toi et je me dis que peut-être nous serons pour toujours ensemble.
Maeata ne commenta pas, le mot toujours en amour, elle n’y croyait pas et quelque part, elle ne souhaitait pas y croire. L’amour avait une fin, c’était ainsi et il en serait toujours ainsi.
Nouveau sourire.
– Alors, cette fois, c’est quoi la raison ?
– La raison de quoi ?
– La raison de ton nouveau sourire ?
– C’est le mot que tu as employé, Toujours… Pour moi, ce mot n’a jamais rimé avec amour. Toujours est même le contraire de l’amour. Toujours se combine avec habitudes, routine, ennui… esclavage, enfermement…
– C’est la raison pour laquelle tu n’as jamais vécu en couple pendant plusieurs années de suite ?
– Oui et non. À chacune de mes histoires d’amour, j’avais l’espérance qu’elle durerait longtemps mais peu importe, j’ai toujours été très heureuse au début des diverses relations que j’ai eues et je n’en regrette aucune.
– Même celle avec Halidor ?
Maeata se sentit incapable de répondre tant la relation qui s’était développée avec Halidor était différente de toutes celles qu’elle avait connues auparavant avec de vrais hommes.
– Tu ne réponds pas ? Tu as peur de me dire la vérité ?
– Non, ce n’est pas cela, je ne te réponds pas parce que je ne sais pas quoi te répondre. C’est très compliqué. Avec Halidor, c’est tellement un autre monde, c’est tellement hors normes que je peux pas comparer. Je ne sais pas si tu peux comprendre. La vie au quotidien avec lui est délicieuse. Il m’attend, il n’a que moi, je suis son but unique dans la vie. Il a été conçu pour moi et pour moi seule, selon les caractéristiques que j’ai moi-même données. Je me sens responsable de lui, de sa vie. Que deviendrait-il sans moi ? Halidor, c’est mon compagnon, mais c’est aussi un peu mon enfant. Il dépend de moi, tu comprends ?
– Mais s’il dépend de toi, il ne peut être ton amant.
– Eh bien si, c’est mon amant aussi, et sur ce terrain, je me demande s’il n’est pas imbattable tant il est attentif à l’émergence de mon plaisir. Halidor, il est tout à la fois.
– Je n’y crois pas. Personne ne peut répondre à tout. Je vais t’exposer mon point de vue sur la relation d’amour entre humains car j’y ai longuement réfléchi. À mon avis, l’entente entre deux personnes se place sur des plans différents. Pour faire simple, disons qu’il existe quatre, un plan physique, un plan spirituel, un plan émotionnel, un plan intellectuel. J’ai coutume de penser que si on partage avec une personne, une entente sur trois plans sur quatre, ce sera une liaison durable. Je ne veux pas croire que tu partages par exemple le plan spirituel avec Halidor, en effet, un robot ne possède pas de valeurs. Un jour ou l’autre, il te décevrait sur ce plan or ce plan est sans doute le plan qui permet à un couple de traverser les tempêtes qui affectent forcément leur vie. Ne m’as-tu pas raconté l’incident qu’il a provoqué lors de la fête que tu avais organisée chez toi ? Cet incident n’était-il pas provoqué du fait même de son absence de tolérance envers les autres ?
– Non, pas du tout. Il n’avait pas compris la règle du jeu. Je ne peux pas vraiment le lui reprocher. Imagines-toi te trouver en circonstances semblables. On te fait jouer à un jeu de société et tu ne connais pas les règles et personne ne te les explique ? Tu serais tout aussi perdu qu’Halidor.
– Certainement pas ! Je demanderais à connaître les règles avant de me laisser embarquer dans le jeu ou bien je choisirais de rester extérieur au jeu, au moins le temps de comprendre la règle par l’observation.
– Halidor ne possède pas les clés du comportement humain mais il apprend et il est bon élève. Je trouve ses progrès étonnants et je m’en réjouis pour lui et pour moi.
– Tu ne vas passer ta vie à attendre ses progrès, tu as le droit de connaître un vrai bonheur, celui que tu pourrais avoir avec un humain, même si dans la durée, il y a des anicroches mais c’est normal, c’est ça la vie, personne n’est parfait. On dirait que ton but, c’est d’obtenir d’Halidor qu’il soit parfait. Mais si c’était le cas un jour, tu t’emmerderais.
– Je ne crois pas, je serais comblée et heureuse. Halidor apprend à s’adapter, il agit de mieux en mieux vis à vis des autres. Avec moi, il est absolument délicieux.
– Evidemment puisqu’il a été construit pour toi seule…Ah voilà, nous y sommes ! Super ! Tu vas voir, c’est génial. Tu t’es déjà rendue dans un observatoire ?
– Non jamais.
– C’est une superbe expérience. Viens.
Hugo serra encore plus fort la main de Maeata et ils pénétrèrent dans la tour Montparnasse. L’ascenseur les mena au dernier étage en quelques secondes. Ils se retrouvèrent sur une immense terrasse au milieu de laquelle trônait l’observatoire.
– Allez, on y fonce.
Il y avait beaucoup de monde, ils s’infiltrèrent dans la queue ; Hugo se rapprocha d’un des vigiles et il lui montra un laissez-passer qui leur permit de doubler tous les curieux. Un petit escalier en colimaçon les fit accéder à une autre terrasse où ils n’étaient que quatre personnes. Un genre de navette spatiale dont les lampes clignotaient semblait sur le point de partir. Maeata demanda :
– Où va cette navette ?
– Eh bien, mais elle se rend sur Mars. Elle part bientôt, viens vite.
Et sans attendre sa réponse, il entraîna Maeata dans sa course, il la poussa devant lui et elle fut comme projetée à l’intérieur du véhicule spatial. Hugo sortit de sa poche une seringue et avant que Maeata ait pu réagir, il la piqua à travers ses vêtements. Quelques minutes plus tard, elle dormait. Hugo la contempla avec délices. Maeata, d’ici quelques jours, serait avec lui, sur Mars et ils commenceraient une vie toute neuve !
FIN DU TOME 1
L’épisode 22 signe la fin de ce premier tome des aventures de Maeata en 2060. Vous retrouverez Maeata dans le tome 2, dans un autre monde…