Vendredi 7 septembre 2018 :
ÉPISODE 20 : Serait-ce la fin de l’amitié de Maeata et de Kadvael ?
Maeata eut beaucoup de mal à expliquer à Kadvael ce qui s’était passé à l’agence ; elle était si secouée que pendant quelques minutes, elle ne parvint qu’à répéter en hoquetant et en pleurant :
– Kadvael, tu dois faire très attention à toi…
Quand elle arrêta enfin son écholalie, Kadvael lui demanda :
– Maeata, j’ai du mal à comprendre, que veux-tu dire par faire attention à moi et quelles en seraient les raisons ?
– Excuse-moi, je suis tellement émue, le patron, mon patron, m’a interdit de te fréquenter.
– Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? C’est grotesque, il n’en a pas le droit.
– Il prétend que tu es engagé dans un mouvement extrémiste Breton et que te fréquenter mettrait en danger l’agence parce que nous travaillons avec notre agence anglaise et que toi, avec ton mouvement Celte, tu te situes en adversaire de l’Angleterre. Il a menacé de me licencier si je continuais à te voir.
– C’est n’importe quoi !
– Mais Kadvael, dis-moi la vérité, tu fais de la politique ?
– Oui.
La réponse tomba si sèchement que Maeata resta sans voix, ainsi son patron disait vrai…Si elle avait cru cela possible, ses cheveux se seraient dressés sur sa tête. Comme elle ne parlait pas, Kadvael tenta de s’expliquer :
– Je suis entré au sein d’un mouvement qui est partisan d’aller plus loin dans l’indépendance de mon pays, nous sommes trop liés à la France, les accords commerciaux nous étranglent et étouffent notre indépendance. Nous avons une indépendance de papier mais pas de fait. Si on prend les points un par un : Notre Défense est assurée par la France, l’énergie électrique est largement importée depuis la France, et elle nous coûte très cher, notre politique internationale est alignée sur celle de la France… Nous voulons prendre notre destin en main, assurer notre sécurité, sortir de l’Europe et nous rapprocher des membres de la ligue Celte, l’Écosse, l’Irlande, le pays de Galles, les Cornouailles et l’île de Man.
– C’est de la folie, vous ne pourrez jamais assurer la sécurité extérieure de notre Bretagne sans l’aide de la France.
– C’est ce qu’on verra, moi, j’y crois et je pensais que toi, en tant que Bretonne, tu pourrais y croire aussi.
– L’indépendance actuelle me suffit, nous avons sauvé notre langue, nous avons un gouvernement qui décide du programme scolaire, de la formation, de l’implantation industrielle, agricole, artisanale. Nous avons développé une politique très écologique, il n’y a pas de centrale nucléaire chez nous, nos avions fonctionnent à l’énergie solaire.
– Nous voulons aller plus loin et nous détacher définitivement de la France qui a colonisé la Bretagne.
Était-ce bien Kadvael qui parlait ? Maeata aurait pu en douter tant son interlocuteur semblait éloigné de celui qu’elle avait connu, aimé, admiré…
Elle eut envie de mettre fin à la conversation, chaque mot qu’il pourrait ajouter le lui rendrait encore plus étranger. Elle ne voulait pas que leur conversation efface leurs longues années d’amitié.
– Au revoir Kadvael, réfléchis bien avant de franchir les lignes. Tu es enseignant, tu es tenu à obéir aux règles de ton pays.
– Ne t’inquiète pas, nous agissons dans la clandestinité, du moins pour l’instant.
– Que tu crois ! Dans ce cas, comment mon patron a-t-il pu être au courant de tes activités ?
– Par toi ? Tu as peut-être parlé de moi sans faire suffisamment attention.
–Je n’ai jamais parlé de toi avec le boss. Les choses étant ce qu’elles sont, je pense qu’il est préférable que nous ne nous voyions pas pendant quelques mois, ensuite en fonction de ce qui se passera, nous prendrons une décision.
– Tu as raison, au revoir Maeata.
Le ton de Kadvael était tranchant, il ne comportait plus de trace de leur amitié. Maeata ressentit une violente douleur au niveau de son cœur. Elle aurait tellement aimé qu’il la supplie de ne pas couper leur lien, quitte à remettre en cause son appartenance à son mouvement Celte, mais non, il avait pris acte de la décision de Maeata et ne semblait pas désireux de la revoir comme ils avaient l’habitude de le faire depuis si longtemps. Maeata resta très longtemps enfermée dans la salle de bains, incapable de bouger. L’appartement était plongé dans un silence total. Le bip de son portable la fit sursauter, elle avait un appel. Après avoir hésité, elle regarda qui cherchait à la joindre et un éclair de joie la traversa, c’était Hugo, son ami du trottoir…
Suite au prochain épisode, le vendredi 14 septembre 2018…