Épisode 13: Crémaillère pour Halidor

Épisode 13 : Crémaillère pour Halidor

Le samedi 21 juillet était arrivé. Maeata s’était glissée dans une robe bleu vif et elle avait chaussé des escarpins qui lui venaient de sa grand-mère. Son cœur battait fort lorsque les premiers invités sonnèrent, elle avait un peu d’appréhension. Tous ses amis avaient répondu présents. La petite carte qu’elle leur avait envoyée les prévenait de l’arrivée dans sa vie d’un nouveau compagnon, prénommé Halidor. Maeata accueillit ses amis un par un, avec Halidor à ses côtés, tout sourire. 
A vingt heures, ils étaient tous là. Le festoyeur avait bien fait les choses, le buffet était splendide. des montagnes de petits fours, des crudités originales, parmi lesquels, un tout nouveau légume issu du croisement de la courgette et de l’avocat était mis en avant, toutes sortes de salades, des soupes froides, du champagne, il ne manquait que les formages ; en effet, le Ministre de la Santé avait interdit tous les fromages car plusieurs graves intoxications avaient décimé les consommateurs. Le festoyeur avait envoyé un animateur pour s’occuper de la musique et des jeux. Halidor avait convenu avec lui que cette partie de la soirée interviendrait une fois que les invités se seraient restaurés. Maeata virevoltait de l’un à l’autre, veillant à ce que chacun goûte les merveilles du buffet. Elle était si occupée que MJ, jusqu’à présent, n’avait pas réussi à lui parler discrètement, or elle avait hâte de partager ses impressions sur sa nouvelle vie commune avec son compagnon. Elles étaient les seules dans l’assistance à vivre avec des hommes robots. Elle vit Maeata se diriger vers le chauffe-plats pour prendre des bouchées salées et elle se précipita derrière elle. Les ondes traversaient un plat spécial et ne chauffaient que les produits alimentaires si bien que  le plateau restait froid. Maeata sourit et s’adressa à son amie : 
– Quand je pense au micro-ondes qu’avait ma grand-mère, elle se brûlait les doigts quand elle sortait quelque chose du four ! Vive le progrès ! 
– Et je suis certaine qu’elle n’avait pas un aussi bel homme qu’Halidor, ta grand-mère ! Tu as l’air vraiment heureuse, ça se passe bien avec lui ? 
–  Je n’ai rien à lui reprocher, il est à mes petits soins, il essaie de deviner ce qui me ferait plaisir, et par moments,  j’en arrive à  me demander s’il n’en fait pas trop. 
–  Plains-toi, il est magnifique !
–  Oui, n’est-ce pas ? Il correspond tout à fait au descriptif, ils ont bien travaillé. Il est très gentil et s’efforce d’apprendre des tonnes de truc pour parvenir à répondre à toutes les situations. Il a appris l’anglais par exemple, j’aurais voulu que tu le vois s’acharner sur la méthode que je lui avais procurée. 
–  Tu n’avais pas pensé à le demander bilingue ? 
–  Non, toi, si ? 
–  Bien sûr, l’anglais est indispensable. Mon compagnon le parle parfaitement, mieux que moi. D’ailleurs si j’y réfléchis, il fait tout mieux que moi. Il cuisine mieux, il est capable d’intéresser n’importe quel auditoire, je ne trouve absolument rien à lui redire et j’ai félicité Madame Rêves sur mesure. Au fait, tu as choisi le vieillissement programmé, toi ? 
–  Non, je préfère le garder toujours jeune.
–  Mais comment feras-tu dans quelques années ? 
L’image fugitive de l’homme qu’elle avait croisé sur le trottoir, quelques jours plus tôt en rentrant de son bureau traversa son esprit.
–  J’aviserai à ce moment-là. J’en aurai peut-être marre de lui, qui sait ? 
–  Ne dis pas ça, il a été créé pour toi, il ne peut vivre qu’avec toi ; avec une autre, il ne pourrait s’adapter, il mourrait.
–  Ça meurt, les robots ? Je l’ignorais.
–  Arrête ou sinon, je vais regretter de t’avoir donné le filon. 
–  T’inquiétes, pour le moment, tout baigne. 
Maeata planta là MJ et fit la tournée de ses amis avec son plateau. Halidor l’avait rejointe et il servait les boissons. Elle lui sourit, elle n’avait même pas eu besoin de le lui demander. 
Elle put percevoir au passage les regards admiratifs jetés par ses amis sur son compagnon et elle en fut ravie.  Aminata, notamment, ne put s’empêcher de le toucher et elle murmura à son oreille :
–  On jurerait qu’il est humain, même sa peau est réussie. 
–  Sauf qu’un humain, tu n’aurais pas osé le toucher , je me trompe ? 
–  Oui, tu as raison, excuse-moi.
–  Excuse-toi auprès de lui, ce n’est pas moi que tu as touchée.
–  Mais il t’appartient, il est à toi.
–  Oui, mais son corps est à lui. 
–  Je me demande ce que ça fait de coucher avec ce genre de …
Maeata la coupa et affirma les yeux brillants : 
–  C’est sublime ! 
–  Mieux qu’avec un humain ?
–  Ça dépend de l’humain en question, mais disons qu’Halidor cherche à me procurer le plus de  plaisir possible, il ne pense pas à lui.  Et il se comporte ainsi tout le temps, pas seulement sur le plan du sexe, il pense à moi, il veille sur moi. Il m’arrive de penser que je rêve, mais non, il est là, bien réel. Bon, je te laisse, il faut qu’on lance le jeu !
Tout en distribuant des bandeaux, Maeata lança à la cantonade : 
–  Et maintenant, tout le monde se bande les yeux, et ensuite, chacun trouve sa chacune. Je mets un vieux slow du siècle dernier. Attention, dans trois minutes, c’est parti ! 
Maeata fit signe à l’animateur qui déclencha la musique :
Les premières notes de Michelle,la chanson des Beattles, fusèrent dans la pièce. 
Quelques secondes plus tard, Maeata sentit des bras se refermer autour de sa taille. Elle se détendit, elle reconnaissait le parfum qu’elle avait offert à Halidor, elle laissa aller sa joue contre son épaule, et ferma les yeux. C’était leur premier slow et c’était délicieux ! 
Halidor dansait merveilleusement, pourtant, Maeata ne se souvenait pas d’avoir mentionné ce talent… Qu’importe ! Peut-être était-ce là un des plus promis par Madame Rêves sur mesure lors de la commande. 
Elle fut tirée de sa torpeur par le claquement de mains de l’animateur, elle lâcha avec regret les bras d’Halidor et tenta de trouver un autre partenaire. Halidor, lui, resta planté au beau milieu de la piste, il ne connaissait pas ce jeu et comme il ne pouvait pas voir ce que faisaient les autres, il ne comprit pas ce qu’il aurait dû faire. Ce fut lui qui fut le laissé pour compte, et tandis que la musique reprenait, et que les couples recommençaient à danser, il se sentit abandonné, il arracha son bandeau et l’animateur vint à côté de lui, et le réprimanda :
– Mais non, vous n’avez pas le droit, vous devez garder le bandeau et subir le gage prévu. 
Halidor ne trouvait pas de réponse, ce cas n’était pas prévu à son programme, il sentit une grande faiblesse l’envahir et il répondit: 
– Je ne me sens pas bien, excusez-moi, je ne joue plus.
L’animateur lui saisit violemment le bras et Halidor sursauta et se dégagea d’un mouvement si brusque que l’animateur tomba à terre.
Le bruit de la chute provoqua une panique générale chez les danseurs et tous retirèrent leur bandeau. Maeata se précipita vers Halidor :
– Que se passe-t-il, mon chéri ? 
– Tout allait bien, c’est cet idiot qui s’est permis de m’agresser.
–  Lui, il t’a agressé ? Tu as mal quelque part ?
–  Non évidemment non, mais lui, il s’est peut-être cassé quelque chose en tombant ? 
Aminata tenta de relever l’animateur, mais ce dernier restait immobile.  Elle dit :
– Je crois qu’il faut appeler les secours, il est mal en point !
Ses amis ne réagissaient pas, aussi, elle  s’en chargea. La fête était gâchée, elle ne comprenait pas ce qui s’était passé mais elle le devinait. Halidor, se pensant attaqué, avait fait usage de sa force contre l’animaeur et il ne savait pas mesurer sa force. Il s’expliquerait plus tard, mais pour l’instant, la priorité était de secourir l’animateur…
À Suivre… Prochain épisode le vendredi 27 juillet…