Épisode 12 : Une rencontre inattendue

Épisode 12 : Une rencontre inattendue

C’est allé très vite. À peine Maeata avait-elle lancé l’idée d’organiser une fête que tout s’est enclenché. Elle en avait confié le bon déroulement à un festoyeur. Halidor avait proposé de s’occuper de tout et comme elle se sentait un peu coupable d’avoir refusé de lui faire confiance, elle avait accepté qu’il étudie les propositions du festoyeur puis qu’ils en discutent tous les deux et enfin, qu’il exerce le choix définitif. 
Maeata avait hâte de rentrer, elle savait qu’Halidor avait rencontré le festoyeur le jour même. Elle a quitté le bureau en avance, alors qu’elle n’avait pas terminé la tâche qu’elle s’était fixée pour la journée, dans le cadre de la nouvelle campagne de pub’ qui lui était incombée. Cette campagne lui déplaisait, elle-même n’avait aucune envie d’acquérir l’objet qu’elle était censée faire acheter par le plus grand nombre de consommateurs possible ; trouver des idées pour mettre en valeur un objet qui lui déplaisait était au-dessus de ses forces. Si la nuit qui allait suivre, elle ne mettait pas à jour de l’appétit pour cette campagne, elle demanderait à son directeur d’agence de l’en délester et de lui confier autre chose. Tout en pensant ce qu’elle se disait, Maeata réalisa que c’était la première fois depuis qu’elle avait commencé à travailler qu’elle réagissait ainsi. Que lui arrivait-i ? Pourquoi, pour la première fois de sa carrière, son avis personnel sur un objet l’empêchait-il de trouver les arguments qui pousseraient à l’achat ? Elle qui séparait soigneusement habituellement son appréciation personnelle sur l’objet dont la campagne lui était confiée et le fait de le faire acheter, voilà que maintenant elle n’y parvenait plus. Que se passait-il ? 
– Si je te comprends bien, il me semble que tu souhaites prendre rendez-vous avec ton psy ? 
Maeata sursauta. Hagarde, elle regarda son bracelet communicant, il venait de lui poser cette question, alors qu’elle-même n’avait pas encore formulé son désir dans sa tête. Mais oui, il avait raison, elle devait prendre ce rendez-vous, elle prononça le mot fatidique et immédiatement, le calendrier du psy s’afficha lui proposant plusieurs rendez-vous plus ou moins éloignés dans le temps.
– O.K. pour le 21 juillet, ah non, c’est le jour de la fête.  Alors, un soir, mercredi 25, 19 heures. C’est toujours la même adresse ? 
–  Pas de souci, tu vas recevoir une confirmation.
Voilà que le centre, non seulement anticipait son désir, mais se permettait de la tutoyer… Maeata n’aimait pas, ça puis elle repensa que le centre de gestion des rendez-vous avait été racheté par les Américains et que par conséquent le linguiste attaché au contrôle de la traduction automatisée n’avait pas pensé qu’en français, on ne tutoyait pas tout le monde. Elle eut un geste de rejet. Elle vérifierait plus tard que son rendez-vous avait été inscrit sur son agenda, elle voulait quitter son bureau. Tout, ce soir, la fatiguait, son objet à vendre, le robot du centre de gestion, et même son bracelet communicant.Elle avait envie de désirer, elle voulait qu’on lui foute la paix ! 
Des souvenirs de sa toute petite enfance lui revinrent tout à coup, il lui arrivait alors de vouloir quelque chose au moins pendant quelques heures ou quelques jours  avant que ce quelque chose n’arrive en sa possession, elle eut brusquement envie de se replonger dans cet univers ancien où tout n’était pas automatisé. 
Pour ranger son bureau, elle repoussa ses dossiers sur le côté de l’écran et le vide partiel qui s’afficha l’apaisa quelque peu. 
Elle dit :
–  À demain.
L’ordinateur s’éteignit après lui avoir souhaité une bonne soirée. 
– Je pouvais le faire, tu n’avais pas besoin de lui dire au revoir.
–  Toi, tais-toi ! 
Son bracelet communicant venait de s’adresser à elle et son énervement monta d’un cran. La porte de l’openspace se referma derrière elle, celle de l’ascenseur s’ouvrit et elle monta, elle était seule dans la cage transparente mais ce soir, elle n’avait nulle envie d’admirer les plantes qui habillaient maintenant complètement le mur de la façade, elle réalisait que ce décor verdoyant était lui aussi fictif.. Elle arriva au rez de chaussée un peu groggy, comme si elle avait absorbé trop d’alcool. Dehors, pour rentrer chez elle, Maeata emprunta le trottoir non roulant, elle voulait marcher et elle sortit de son sac ses nouvelles chaussures, des sortes de moules souples qui épousaient parfaitement la forme de ses pieds et s’adaptaient à la surface parcourue. Elles n’étaient pas élégantes mais elles étaient géniales pour marcher. Elle était seule de ce côté du trottoir, tout le monde s’entassait du côté roulant. Quelques minutes plus tard, elle sentit pourtant comme un souffle derrière elle, elle se retourna et se retrouva nez à nez avec un homme. Il lui sourit
–  Vous aussi vous préférez marcher ? 
–  Oui, je ne sais pas ce qui m’arrive, je sature avec tous les objets communicants, ils ne me laissent même plus le temps de désirer. Alors, marcher, je peux encore le faire sans assistance, du coup, j’en profite. 
–  Moi, c’est tout pareil, cette société archiautomatisée m’exaspère, je la subis au boulot, mais dès que je sors de mon bureau, je retrouve le plus possible ma liberté. 
– Jusqu’ici, je supportais très bien la situation et aujourd’hui, j’ignore pourquoi, tout explose, j’en ai marre de tout. Du coup, j’ai repris rendez-vous avec mon psy.
–  Plutôt que de vous précipiter chez votre psy, vous pourriez vous demander ce qui a changé dans votre vie, peut-être que votre énervement est seulement dû à un événement important qui est survenu dans votre vie et que vous n’attendiez pas forcément ? Ma théorie à moi qui est celle d’un psychanalyste des années 20 que je respecte énormément, est que lorsque vous ne supportez pas un événement, un changement dans votre vie, l’humeur peut se dégrader et on peut même tomber malade car la maladie mentale est selon lui, est une forme d’adaptation à l’inadaptable situation. 
–  C’est bien compliqué ce que vous dites.
–  Pas tant que ça, pensez-y et à bientôt, je bifurque. 
Il s’éloigna si rapidement que Maeata ressentit une émotion négative, Elle aurait eu un vrai plaisir à poursuivre la conversation entamée. Elle tenta de se ressaisir, ce n’était vraiment pas le moment de penser à un homme alors qu’elle en avait un charmant qui l’attendait à la maison… Oui, certes il était charmant mais c’était un robot ! 
À suivre…. Prochain épisode le vendredi 20 juillet…