ÉPISODE 11 : LE PASSÉ DE JESUS ARRANGIO

ÉPISODE 11 : LE PASSÉ DE JESUS ARRANGIO

Chargé d’étudier le passé de Jésus Arrangio, Kevin Auster avait d’abord rendu copie blanche. Il avait écumé les fichiers de police, fouillé dans le web et rien n’avait filtré, à croire que cet homme était apparu sur terre lors de sa nomination comme gérant du campus universitaire. Depuis cette date, par contre,  les témoignages et notamment ceux des étudiants pullulaient et dans leur ensemble, ils étaient plus que positifs. 
Ensuite, le commissaire Auster avait réfléchi et il avait abouti à une hypothèse, Arrangio n’avait-il pas tout simplement changé de nom de famille ? 
Pour vérifier son hypothèse, il avait consulté les archives nationales et il avait appris que les changements de nom étaient publiés au Journal officiel. 
Sur le Web, Jésus Arrangio apparaît à partir de septembre 2015, le commissaire Auster focalise donc ses recherches sur  les personnes ayant modifié leur nom, dans le courant des mois précédents. Un homme correspond par sa date, son lieu de naissance et même son prénom, à Jésus, son nom d’avant est Jésus Aragon da Silva. Ce qu’il lui faut connaître maintenant, c’est le passé de cet homme. Malgré ses recherches sur cet ancien nom, le commissaire ne trouve aucune information. Aragon a donc effacé toute mémoire de son passé… 
Placé devant ce nouveau mystère, Kevin Auster sait que des officines spécialisées procèdent au nettoyage du web à la demande de leurs clients. Il fait une liste de ces entreprises, puis il les appelle une par une. Son acharnement porte ses fruits car il obtient la confirmation de l’une d’elles, une commande a bien été effectuée par Jésus Aragon da Silva. Par contre, ce qu’il peut en conclure est limité, car la société refuse de lui transmettre ce qui a été effacé, elle applique en effet une clause fondamentale du contrat, à savoir qu’elle s’engage à ne conserver aucune trace de ce qui a été effacé. 
Kevin Auster décide alors,  de recourir à sa carte ultime : Éplucher le site Wayback machine, qui collecte les données du web, grâce à d’innombrables bénévoles et permet de restaurer ce qui a pu disparaître de la toile.
Le temps qu’il passerait à chercher les informations sur ce site risque d’être très long, aussi se rend-t-il dans le bureau du commissaire Vétoldi pour lui faire part du résultat de ses recherches ; il lui demande ensuite s’il pourrait mettre Samia Belkacem sur cette recherche.
 — Non, pas Samia, je l’ai branchée sur le manège et elle va y passer du temps, je dois mettre ça au point avec elle, mais l’autre stagiaire, oui, c’est une bonne idée. En outre, je crois qu’il est très à l’aise avec le Web, il en sera d’autant plus efficace ; je te conseille cependant de définir avec précision les modalités de sa tâche pour éviter qu’il ,ne s’éparpille. Tu me tiens au courant. 
—  OK, je vais le voir tout de suite. 
Le commissaire Auster se rend à l’accueil et il fait signe à Erwan Morvan qui quitte aussitôt la compagnie du brigadier qu’il assistait depuis le matin. Il suit le commissaire jusqu’à son bureau. À peine sont-ils installés que Kevin Auster lui présente la recherche qu’il lui confie et il lui communique le nom sur lequel elle devra porter.
— Voilà, tu connais le site Wayback Machine ? 
— Oui, j’y suis déjà allé faire un tour, on y trouve des infos qu’on ne voit pas ailleurs. Votre type, là, c’est un ancien  maffieux ou quoi ? À moins que ce ne soit en rapport avec le serial-killer ? 
Le commissaire Auster ne peut s’empêcher de sourire, tout en acquiesçant, ce gamin est tout sauf idiot, il fera un bon policier. 
—  Oui, tout à fait, à partir de maintenant, tu te concentres sur cette collecte, et dès que tu détectes des pites, tu me les signales. On est bien d’accord ? 
—  Oui, commissaire, pas de problèmes, je m’y mets de suite. 
—  Parfait, tu peux t’installer dans le petit bureau où on colle les archives, je vais te prêter un ordinateur, je te demande juste de ne mener aucune recherche personnelle, ni de faire du courrier, seule l’activité strictement professionnelle est autorisée sur ce poste, je ne tolèrerai aucun écart.
Un  nuage traverse le cerveau d’Erwan, ce sera difficile de ne pas converser avec ses potes via leurs sites communs, il n’a encore jamais abandonné complètement les échanges amicaux pendant son boulot… Il se reprend bien vite, car ce que lui demande le commissaire, est une preuve de confiance et il ne veut pas laisser échapper cette opportunité de se mettre en valeur : 
— Compris, commissaire, comptez sur moi, je ferai de mon mieux.
Le commissaire Kevin Auster est rassuré, Erwan lui paraît fiable et fier de se voir confier une tâche autonome. Pourtant, il lui faut rester vigilant car, jusqu’à présent, il s’est montré comme un jeune homme un peu dispersé, mais bon, c’est une caractéristique de sa génération. Il ajoute avant qu’Erwan ne quitte son bureau :
— Tu vas me confier ton téléphone personnel, je souhaite te mettre à l’abri des tentations.
Stupéfait, Erwan ouvre la bouche pour refuser de laisser son portable ? Impossible, il ne s’en sépare jamais et tout au long de la journée, il lui jette un coup d’œil… Il cherche un argument pour s’opposer à la demande du commissaire, mais il ne trouve rien de pertinent et puis, il ne veut pas le contrarier, car il a remarqué que Kevin Auster tient tout particulièrement à ce qu’on respecte son autorité. En outre, son stage au commissariat de Vannes est capital dans le cadre de son projet professionnel, en effet, il envisage de présenter le concours de gardien de la paix et il sait que si le commissaire Kevin Auster qui est son tuteur de stage, témoigne de sa bonne volonté et de son bon comportement, cela lui donnera un avantage sur les autres concurrents. Il tend donc son téléphone au commissaire puis, il file direct aux archives et quelques minutes plus tard, il est installé devant l’écran d’un ordinateur qui appartient au commissariat. Il soupire, c’est une vieille machine, elle est très lente et son écran est zébré de rayures. Voilà un engin qu’on n’a vraiment pas envie de soustraire à son propriétaire… il ne vaudrait rien sur le marché de sa cité… 
Erwan se concentre sur le problème qui lui a été posé. Il a le nom de l’olibrius sur lequel il doit mener des recherches. Certes, il va aller sur la Wayback, mais il va d’abord visiter les sites de rencontres, car il est quasi certain que, vu sa personnalité plutôt rigide et d’arrière- garde, le commissaire Auster n’y a pas pensé ; il y trouvera peut-être un profil intéressant. Il y passe un temps fou, mais enfin sur l’un des sites, il trouve l’empreinte de son mystérieux individu. Sa fiche date de plus de cinq ans, elle n’a pas été mise à jour et en quelques clics, Erwan s’amuse à comparer la photo d’autrefois avec la photo actuelle et il y a des différences notables. Cependant,  la fiche n’a pas été effacée, ce qui est pour le moins étrange, car le site requiert une cotisation annuelle. Jésus Arrangio aurait-il poursuivi son abonnement ? 
Il note les caractéristiques des femmes que l’ex-Aragon désirait rencontrer, elles doivent être jeunes et rousses… Erwan sursaute, il suit de près l’enquête menée par le commissaire Vétoldi, grâce à ses conversations avec Samia. En effet, quand elle est devenue rousse, il lui a demandé ce qui lui prenait et elle n’a pas résisté à lui donner l’explication. Il a été inquiet pour elle et il le lui a dit : Fais gaffe, Samia, un mec qu’a bousillé quatre femmes et en a laissé une autre dans le coltar, n’est pas à une victime prés… 
Revenant à sa recherche, Erwan murmure  : Ce Jésus Aragon da Silva a les mêmes critères que le serial-killer… Ne devrait-il pas en parler tout de suite au commissaire ? Il hésite un instant, il est déjà debout, mais il renonce, car le commissaire pourrait se vexer d’avoir été doublé par un stagiaire… et s’en vouloir d’avoir omis les sites de rencontre dans ses recherches; en outre, si son objectif est de trouver le maximum d’informations, il est aussi de se faire bien voir du commissaire. Erwan décide de téléphoner au site de rencontres concerné. 
— Allô, bonjour, je téléphone pour un ami qui n’est pas parvenu à vous appeler car il est très pris par son travail, je lui ai proposé de le faire à sa place ; cet ami s’est inscrit sur votre site il y a plus de cinq ans, dernièrement, il a commencé à nettoyer ses contacts et il s’est demandé pendant combien de temps vous gardez le profil de vos membres ? 
— Eh bien, nous gardons les jeunes hommes le plus longtemps possible, donc votre ami doit encore s’y trouver, mais par contre, il ne reçoit sans doute plus de propositions s’il n’a pas procédé à des mises à jour et s’il n’a répondu pas aux courriels d’éventuels correspondants. 
— D’accord, je vous remercie, il vous rappellera lui-même pour davantage de précisions.
— Il serait préférable qu’il nous envoie plutôt un mail, c’est plus pratique que le téléphone parce que là, vous avez eu de la chance que je vous réponde.
— OK, je transmettrai mais en attendant, je vous remercie et je vous souhaite une bonne journée.
Avant d’aller voir le commissaire Auster, maintenant qu’il a la confirmation que le site fonctionne encore et que Jésus Aragon da Silva y est inscrit, Erwan adhère au site en son nom, il définit ses préférences, en souriant par avance des rencontres qu’il fera, puis en tant, il accède aux informations complètes concernant Jésus Aragon da Silva. Il imprime sa fiche et sa photo de l’époque ainsi que toutes les informations qui s’y rapportent et elles sont nombreuses, car Jésus a apporté de nombreux détails et pour chacun de ses datings, il a consigné le résultat …

À Suivre… Prochain épisode le Dimanche 9 Juillet …