11 Belle-Ile : Enquête d’Inès Benloch
Le Port du Palais sous ile feu d’artifice. Photo Belle-Ile.com
Le Port du Palais sous ile feu d’artifice. Photo Belle-Ile.com
Dans la petite maison rose aux volets bleus, Inès se réveille, elle a très bien dormi au creux d’un lit moelleux. Elle a choisi de loger chez une dame recommandée par le capitaine de gendarmerie, Yves Kervadec. Son hôtesse s’est montrée charmante la veille au soir et elle lui a préparé un repas simple mais bon.
Le commissaire Vétoldi est reparti. Inès se retrouve seule maître à bord de l’enquête sur le débranchement de la patiente, à l’hôpital du Palais, mais avant de quitter Belle-Ile, son boss lui a laissé une liste assez considérable de démarches à effectuer. Donc, même si elle n’est pas d’accord, elle devra s’exécuter.
Pour commencer, il lui faut se procurer la liste des passagers qui ont rejoint Belle-Ile, le jour qui a précédé l’agression. Le départ principal pour Le Palais est le port de Quiberon, si toutefois, on choisit de ne prendre en compte que le transport officiel, car après tout, pourquoi l’agresseur n’aurait-il pas emprunté un voilier ? Bon, il faut bien poser un cadre, sinon, les recherches vont s’avérer impossibles.
Inès consulte son téléphone, il est huit heures et demie ! Comment se fait-il qu’elle n’ait pas été réveillée à sept heures ? Elle écarte la couette, et scrute l’écran de son portable. Mode avion, OK, mais le réveil, eh bien, le réveil n’est pas mis, et pourtant elle est persuadée de l’avoir programmé pour sept heures. Bon, tant pis, elle file sous la douche et se prépare en dix minutes chrono. Son hôtesse lui a promis le petit déjeuner pour sept heures et demie, elle est en retard de plus d’une heure.
Elle descend quatre à quatre le tout petit escalier qui mène au rez de chaussée. Tout est minuscule dans la maison, pas seulement l’escalier. Sa chambre, bien sûr où le lit occupe toute la place, mais aussi le petit salon-salle-à-manger. La table est mise, pas d’hôtesse en vue, mais Inès est rassurée quand elle réalise que le café est au chaud, dans une bouteille isolante. Ouf, car un café froid, avant de démarrer une journée de travail, non, ça ce n’est pas possible. Son regard parcourt les plats disposés, il y a non seulement du pain doré qui paraît craquant mais aussi des tranches de gâteau, genre gâteau breton, deux pots de confiture maison, framboises et mûres, du beurre demi-sel, du lait et une corbeille de fruits. Inès se sert, se régale, puis elle remarque un petit papier posé en bout de table :
Bonjour Madame, le sais que vous avez bien dormi puisque je ne vous ai pas aperçue avant mon départ. Je vous ai laissé la clé sur le buffet de l’entrée, prenez-là, ce sera plus simple. Si vous souhaitez dîner ici, faites une petite croix en face de cette phrase. Bonne journée ! Peut-être à ce soir. Inutile de ranger, je m’en occuperai en rentrant de la messe.
La messe ?Elle est partie à la messe, mais quel jour est-on ? Normalement, chez les Catholiques, la messe, c’est le dimanche. Le portable indique mercredi 11 mars 2020. Elle doit être très pratiquante, elle va à l’église, en plus du dimanche. Inès se sent en décalage, d’abord du fait de son origine familiale, elle était musulmane puis elle a choisi de devenir athée et parce qu’elle n’a plus l’habitude de fréquenter des personnes qui pratiquent une religion, quelle qu’elle soit.
Elle murmure :
— Faudra m’y faire… mais par rapport à ce que je connais d’elle, c’est normal, elle est vieille et elle est Bretonne.
Elle saisit le stylo posé à côté de la note de son hôtesse, dessine une croix et elle ajoute :
Chère Madame, merci pour votre aimable proposition, Si je ne suis pas rentrée vers vingt heures, ne vous inquiétez pas, je mangerai froid.
Elle range ensuite rapidement les restes de son petit-déjeuner puis monte à sa chambre, prend ses affaires, c’est à dire sa sacoche en cuir rouge qui contient ses papiers, ses notes d’enquête et son ordinateur. Dans la cour devant la maison, trône la bicyclette électrique qu’elle a louée. Elle place ses affaires dans le grand panier accroché à l’avant. Elle enfourche son engin, et prend la route qui mène au port.
Une fois sur place, elle entre dans la guérite de la compagnie Océane qui gère les trajets vers le continent. Elle se présente, montre sa carte de détective privée, puis elle demande la communication de la liste des passagers de Quiberon à Belle-Ile, le samedi 10 mars.
Depuis son guichet, la préposée la fixe d’un regard outragé, et refuse catégoriquement :
— Je ne suis pas autorisée à vous transmettre un document qui est confidentiel.
— C’est pour les besoins de l’enquête sur la débranchée de l’hôpital, vous êtes au courant, les medias en ont parlé..
— Bien sûr, je suis au courant, mais vous n’appartenez pas à la gendarmerie, revenez avec un représentant de l’ordre et je vous donnerai les informations. Au revoir Madame.
Inès est dépitée, elle n’avait pas envisagé un refus mais en y réfléchissant, elle se dit qu’il est normal et elle se dirige vers la gendarmerie. À son arrivée, elle constate que plusieurs personnes attendent d’être reçues. Elle se met un peu à l’écart, et demande par téléphone, à parler au capitaine Kervadec, après s’être présentée. Le gendarme de l’accueil le lui passe sans hésiter.
— Bonjour Capitaine, Inès Benloch, je suis devant votre bureau, mais je n’ose pas entrer, je ne voudrais pas que les plaignants qui patientent pensent que je leur passe devant.
Le capitaine Yves Kervadec sourit. Inès Benloch, c’est cette jeune femme plutôt mignonne, rencontrée la veille et qui est l’associée de Dominique Vétoldi, avec lequel il a développé d’excellentes relations depuis leur enquête commune sur la bombe à Belle-Ile – Voir le roman Attentat à Belle-Ile, https//:librinova.com
— Je vous rejoins dehors d’ici deux minutes, à tout de suite.
Inès patiente et non pas deux minutes mais au moins dix minutes plus tard, le capitaine apparaît, il propose:
— Bonjour Madame Benloch, venez, je vous offre un café.
Avant qu’elle ne puisse réagir, il l’entraîne vers la brasserie la plus proche. Une fois qu’ils sont installés en fond de la salle, devant leur tasse plaine, le Capitaine demande :
— Alors, qu’est-ce qui vous amène ? Si vous avez besoin de moi, c’est que le commissaire Vétoldi vous a abandonnée.
— Pas tout à fait, non, il reste disponible par téléphone et il reviendra si nécessaire. Cependant, s’il me confie l’enquête sur le débranchement de Belle-Ile, c’est après m’avoir intimé de récolter la liste des passagers de Quiberon à Belle-Ile, le samedi 10 mars. Je suis passée à la Compagnie Océane, ils ont refusé de me la transmettre, sauf si c’était vous qui la demandiez.
— OK, pas de problème, je les appelle tout à l’heure, ils me la faxeront à mon bureau. Dans ce cas, passez me voir dans une heure, j’aurai la liasse et vous en donnerai une photocopie. Venez avec une ramette de papier, car je suis très restreint en fournitures et je ne peux pas tout financer avec ma paie personnelle.
— D’accord, merci beaucoup. Puisque j’ai la chance de vous avoir en face de moi, j’en profite pour vous demander ce que vous pensez, vous, de cette agression ; à votre avis, est-ce que c’est obligatoirement un agresseur qui serait venue de l’extérieur de Belle-Ile ?
— Oui, j’en suis persuadé, ici, tout le monde se connaît, d’autant plus que si je suis correctement informé, l’auteur des débranchements est un fervent admirateur de la Révolution, et ici, dans l’île, les locaux sont plutôt pacifiques.
— Je croyais qu’il y avait sur l’île des descendants des résidents surveillés ou d’anciens prisonniers du fort qui s’étaient ensuite installés sur l’île?
— Certaines familles peuvent être liées au passé trouble de leurs ascendants, mais dans les faits, les anciens prisonniers de Belle-Ile ont été déportés en Algérie. En outre, à ma connaissance, il n’y pas eu de héros révolutionnaire issu de Belle-Ile et puis, ici, tout se sait ou finit par se savoir, je crois qu’il serait difficile à quelqu’un de cacher des opinions aussi originales.
— Ah bon, ce n’est pas bien vu de défendre la Révolution et ses idéaux ?
— Allons, allons, ne m’embarquez pas dans une discussion théorique qui ne serait pas mon fort ! De par mon métier, je suis obligé d’être pragmatique, j’ai avant tout à répondre aux faits réels de délinquance qui se posent sur l’île. Je ne cherche pas à en inventer, je laisse ça aux écrivains de romans policiers. À ce propos, faut que j’y retourne à mon job.
Yves Kervadec se lève et se rend au comptoir où il fait inscrire les cafés sur sa note. Il règle ses dépenses à la brasserie une fois par mois, c’est plus simple pour lui et il se trouve que le patron lui fait toujours une ristourne spéciale, amicale et intéressée… Devant le café, le capitaine salue Inès:
— Bien, je vous dis à dans une bonne heure pour la remise du document. Quand vous arriverez à la gendarmerie, allez à mon bureau, le dernier au fond du couloir, à droite.
— Merci pour le café, à tout à l’heure.
Inès se retrouve avec une heure à tuer, et après avoir hésité, elle se dirige vers l’hôpital. Elle voudrait vérifier si on peut vraiment y pénétrer aussi anonymement que le prétend la directrice. Cinq minutes plus tard, elle se retrouve devant la bâtiment flambant neuf. Oui, justement, s’il est neuf, il y a forcément des caméras, pourquoi cet élément n’a-t-il pas été évoqué lors de leur premier passage ? Eh bien, voilà une question à poser immédiatement…
Suite au prochain épisode…
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[1]Attentat à Belle-Ile, Librinova.com, 2019. LibrairieLa Longue vueau Palais, Librairie de Port Mariaà Quiberon.