ÉPISODE 12 : Dimanche 17 Mai 2020
Inès n’avait pas encore reçu le rapport d’Angel Xiapak au sujet de Luis Aragon, le trafiquant mexicain qu’elle suspectait d’avoir transporté le sac de drogue étiqueté au nom de sa cliente.
Sur le point de rentrer chez elle, elle vérifie une dernière fois ses mails et cette fois, elle trouve la réponse du détective mexicain.
– Luis Aragon est bien connu des services de police ici, il a été arrêté à plusieurs reprises pour trafic de drogue, mais il n’a été condamné qu’à de courtes peines de prison, il doit être protégé par quelqu’un d’efficace. Il ferait partie d’un gang important qui a de gros moyens ; en effet, la toute dernière affaire qui concerne ce gang est celle du tunnel creusé sous la frontière avec les États-Unis, d’une longueur inédite, et doté d’aménagements techniques perfectionnés, comme un système d’aération qui permettait à des personnes de stationner un long moment à l’intérieur, un ascenseur car il était très profond, il servait aussi d’espace de stockage pour les sacs de drogue et notamment plusieurs sacs de fentanyl y ont été retrouvés. Les douaniers américains ont détecté ce tunnel par hasard, enfin, pas exactement car ils avaient reçu des informations ; il a été rebouché depuis, côté américain, par du béton, mais il semble que du côté mexicain, il pourrait encore servir. En outre, les tunnels se sont multipliés ces dernières années. Les sommes en jeu sont énormes. Je vais essayer d’en apprendre davantage sur Aragon, et je vous tiens au courant.
Inès hésite, elle avait décidé de partir chez elle, mais maintenant qu’elle vient de recevoir ce mail du détective mexicain, elle préfère lui téléphoner. Puisqu’il vient de lui envoyer ce mail, il est sans doute disponible. Pour des raisons de sécurité, elle forme le numéro de la ligne fixe de son bureau plutôt que celui de sa ligne mobile. Il répond, elle se nomme et demande :
— Bonjour Angel, c’est Inès, Inès Benlloch, je voulais vous parler, car j’ai de nouvelles informations à vous transmettre. La conductrice du Roissybus s’est sentie menacée car son appartement a été passé à sac et elle avait tellement peur que je l’ai fait prendre en charge par le service. Elle est maintenant à l’abri, mais le cambriolage montre que Luis Aragon dispose d’appuis et de complicités en France. Vous parliez d’un gang influent au Mexique ?
— Oui, bonjour Inès, si mes infos sont exactes, Aragon fait partie d’un gang puissant, mais en ce qui le concerne, il n’est qu’un exécutant. Une chose est certaine, ce ne peut être lui qui aurait pu organiser un réseau en France, il n’a pas l’envergure qu’il faut pour cela. En outre, habituellement, il ne travaille pas en dehors du Mexique. Je me demande si le réseau mexicain n’a pas été pris en défaut après le meurtre d’un de ses hommes, Aragon aurait été choisi pour le remplacer en catastrophe. On a retrouvé le cadavre de celui qu’il remplaçait, dans une ruelle de Merida, mais pour le moment, l’enquête piétine.
— Et du côté de ma cliente, vous avez trouvé quelque chose ?
— Oui et non, j’ai rencontré son amie, Evchen Delgado, ainsi que me l’avait conseillé Madame Alonso mère. ED m’a confié qu’elle ne fréquentait plus beaucoup Adelia car elle-même, mène une vie très tranquille, elle a deux enfants et elle travaille à l’Alliance française, elle donne des cours de français langue étrangère. Il a fallu que je sois patient et que je l’écoute parler de son enseignement avant qu’elle n’aborde le sujet pour lequel je la rencontrais, mais enfin, j’y suis arrivé. Evchen m’a confié qu’Adelia consommait de la drogue quand elles étaient ensemble au lycée. Elle avait même entraînée Evchen à essayer l’ecstasy lors d’une soirée et cette expérience avait mal tourné pour Evchen car elle avait perdu connaissance et elle avait été hospitalisée. Ensuite, sortie d’affaire, elle n’avait plus jamais touché à la drogue, y compris au cannabis. Par contre, elle m’a dit qu’elle pensait qu’Adelia avait continué et que cela lui était facile d’avoir des produits à Paris. Elle m’a même confié qu’Adelia lui avait confié que le fentanyl pouvait être prescrit par des médecins, comme anti douleurs. Je vous enclenche l’enregistrement de la suite de l’entretien, écoutez, c’est édifiant :
— Ensuite, je me suis demandé si elle n’était pas passée à autre chose. En tout cas, lors de son dernier passage ici, chez moi, je l’ai trouvée changée. Elle qui était d’ordinaire si gaie, elle était triste, je l’ai trouvée déprimée et je lui ai demandé ce qui n’allait pas. Elle ne m’a pas répondu, elle a juste dit : mon mari est vraiment chiant… Excusez-moi, c’est le terme qu’elle a employé.
— Vous savez ce qu’il fait, son mari ?
— Oui, il travaille au Ministère de la Défense en France. Au début de son mariage, elle était très fière de l’avoir épousé, et puis elle a commencé à se plaindre. D’abord, il refusait d’avoir des enfants, ou un animal. Il paraît qu’il lui avait dit : Je te veux toute à moi, et je ne veux pas te partager avec un enfant ou même un animal … Vous vous rendez compte, mettre un enfant et un animal sur le même plan ? C’est scandaleux !
— L’avez-vous rencontré, son mari ?
— Non et je n’en ai pas envie. Il a l’air tout à fait déplaisant et puis il est très âgé par rapport à elle. Quand elle s’est mise en ménage avec lui, je me suis demandé ce qu’elle allait foutre avec un mec pareil.
— Vous avez dit tout à l’heure que lors de son dernier séjour, votre amie vous avait parue déprimée, vous a-t-elle parlé d’un évènement, de quelque chose qui lui serait arrivée ?
— Non, mais elle avait envie déjà depuis un certain temps de changer de travail et puis peut-être aussi qu’elle souhaitait rentrer au Mexique. Elle avait la nostalgie du pays. Elle disait qu’à Paris, les gens sont tristes et que chez nous, les Mexicains rient facilement, chantent, et savent faire la fête.
— Ses projets étaient-ils avancés ?
— Un peu… Je ne sais pas si je peux vous raconter ça, elle m’a demandé de garder le secret… Posez-lui la question.
— Dans quel domaine ? Travail, vie privée ?
— Disons un peu des deux.
— Ensuite, elle n’a plus rien dit d’intéressant et j’ai eu le sentiment qu’elle regrettait de m’avoir trop parlé. Je l’ai rassurée en lui affirmant que je n’étais pas en relation avec Adelia Alonso et que donc, je ne risquais pas de lui relater ce qu’elle m’avait dit. Alors, elle a lancé : Mais alors, pour quelles raisons et pour le compte de qui êtes-vous venue me voir ? Je lui ai expliqué que c’était madame Alonso mère qui m’avait conseillée d’aller la voir, elle, en tant que meilleure et plus ancienne amie de sa fille.
— Qu’aviez-vous avancé comme prétexte quand vous aviez pris le rendez-vous ?
— La vérité, que j’avais été engagé par le frère d’Adelia parce qu’il s’inquiétait pour elle à cause d’un sac de drogue quo lui avait été attribué. Au téléphone, elle m’avait demandé si j’étais certain que ce sac ne lui appartenait pas et j’avais dit qu’à priori, je pensais que non, ce sac n’était pas à elle. J’ai ajouté qu’Adelia filait un mauvais coton car elle était accusée en France de trafic de drogue à cause de ce sac qui portait son nom.
— À votre avis à quoi faisait-elle allusion quant aux projets d’Adelia ?
— J’ai réfléchi, j’ai étudié notre entretien et je suis persuadé qu’Adelia Alonso a un ami Mexicain, je vais mener des recherches dans ce sens.
— C’est mon avis aussi. Je vous remercie beaucoup, et je vous dis à bientôt pour la suite.
— O.K, vous viendrez au Mexique un de ces jours ?
— Je ne sais pas, ce voyage engendrerait des frais importants, et mon patron ne serait pas forcément d’accord mais si l’enquête l’exige, ce sera avec plaisir. J’adore voyager.
— Je serais ravi de faire votre connaissance et de vous montrer les beautés et les ressources du Yucatan, alors à bientôt.
— Merci, à bientôt, au revoir Angel.
Inès resta un moment, le téléphone à la main, Angel était un très bel homme et sa voix chaude la ravissait… Elle commença à échafauder un plan pour justifier une escapade professionnelle au Mexique…