ÉPISODE 1 : ARRÊT ROISSYBUS – PARIS-OPÉRA
Rachel arrête son bus. Elle a atteint le terminus de la ligne, Paris-Opéra.
Le dernier voyageur descend. Elle reste quelques secondes, immobile, derrière son volant. Elle se sent vraiment fatiguée, elle a pris son service à 17 heures, il lui reste à faire le tour de son bus avant de repartir pour Roissy. Combien de temps a-t-elle devant elle ? Elle a faim et soif. Soif, ne pose pas de problèmes, elle a toujours sa bouteille d’eau avec elle, mais faim… C’est plus compliqué, elle n’a nulle envie de croquer dans le sandwich acheté un peu avant sa prise de service, il doit être ramolli. Elle a une furieuse envie de pain craquant, grillé, avec du fromage. Elle pousse un gros soupir qui lui fait du bien, débarrassant son diaphragme du poids qui pèse depuis son départ de Roissy. Elle arrive, enfin à ce résultat, les cours de respiration profonde donnée par la professeur de yoga recrutée par la RATP pour apprendre aux conducteurs à décompresser, ont fini par porter leurs fruits.
Bon, allez, passe à l’inspection et puis, on verra si j’ai le temps d’aller chercher ma commande car ça lui revient, elle a passé commande sur internet avant de démarrer de l’aéroport. Non, la priorité, c’est mon estomac.
Elle saute du bus et ferme les portes à clé. Dehors, il y a déjà des passagers qui attendent, elle s’adresse à eux :
— Non, désolée, vous ne pouvez pas monter maintenant, je prends ma pause, je reviens dans quelques minutes, je vous ouvrirai à ce moment-là.
Dehors, il pleut, une de ces petites pluies fines et sales qui tombent parfois sur un Paris gris. On est loin du Paris des lumières vanté par les magazines de voyage. Pourtant, derrière elle, l’opéra jette ses lumières sur la place, les spectateurs descendent en masse le grand escalier. Quelques-uns d’entre eux monteront certainement à bord de son bus tout à l’heure. Elle sourit malgré sa fatigue, au fil des mois, elle en a repéré qui viennent régulièrement à l’opéra et repartent tout de suite après le spectacle, un aller-retour dans la journée. Faut-il qu’il soient fans d’opéra ! Pour sa part, elle ne s’imagine pas en faire autant.
Elle se précipite au bar à sandwiches américains, pour chercher son casse-croûte, elle a indiqué son heure de passage. Son sac est prêt, elle passe sa carte sur le terminal, puis en saisissant le sandwich chaud au fromage, et son milkshake à la framboise, la salive monte dans sa bouche. Elle croque précipitamment un morceau, et quand elle arrive près de son bus, elle ouvre la porte mais demande aux passagers de patienter encore quelques instants, le temps pour elle de s’installe et de mettre la caisse en marche.
Merde ! Elle a oublié son inspection, celle que réglementairement, elle était tenue de faire dès son arrivée… et qu’elle n’a pas faite… Elle a envie de la passer à l’as puis elle se ravise … Non, on ne sait jamais… Elle avala une longue lampée de boisson fraiche, arrache une énorme morceau de sandwich, le dernier, elle en a pleine la bouche, puis elle se précipite dans le fond du bus.
Qu’ont-ils oublié aujourd’hui ?
Rachel retrouve parfois des objets invraisemblables, elle serait capable de dresser une liste à la Prévert, des chaussettes, des casquettes, des bonnets, et tellement d’autres choses…
Ouf, voilà la dernière rangée, tout est OK, elle a de la chance, ah non, merde ! Il y cette espèce de sac noir qui traîne, glissé sous les sièges, un sac en plastique noir d’une taille peu habituelle. La poisse, faut que ça tombe sur elle et en plus, ce soir alors qu’elle est à bout…
Une fois passée la surprise, et l’envie terrible de laisser filer et de ne pas tenir compte de l’intrus, Rachel se dit, Bon, ne perds pas le nord, i faut appliquer les consignes : En cas de découverte d’un objet dont vous ignorez le contenu, qui ne porte pas d’étiquette indiquant les coordonnées de son propriétaire, un objet défini comme étant suspect, vous devez prévenir le centre de gestion de votre ligne qui vous donnera les instructions à suivre.
Elle revient à son poste de conductrice, des gens tapent sur la vitre, elle ouvre la porte, ils tentent de se précipiter à l’intérieur, elle les repousse comme elle peut et leur intime d’une voix forte :
— Non, ne montez pas ! J’ai découvert un colis suspect à l’intérieur, je dois prévenir mon centre.
Une voix s’élève parmi d’autres récriminations :
— Mais commenta ça ? Je vais rater mon avion.
Elle répond, calmement :
Le prochain bus part dans moins de dix minutes, il est déjà là, vous n’aurez pas longtemps à attendre, quant à mon bus, je dois obtenir l’autorisation de le redémarrer.
Elle referme la porte à clé, appuie sur le bouton d’appel qui compose automatiquement le numéro d’urgence du centre de gestion :
— Oui, j’écoute.
— Ici, Roissybus, N° …, Départ de Roissy à 20 H 38. Arrivée à Paris-Opéra à 22 H 10. Départ de Paris-Opéra prévu à 22 H 38. J’ai un colis suspect à bord.
— Et c’est seulement maintenant que vous prévenez ?
— J’ai eu des embouteillages sur l’autoroute.
— Sauf que je sais par l’écran de contrôle que vous êtes arrivée depuis dix bonnes minutes à destination.
— Les passagers ont mis beaucoup plus de temps à descendre qu’à l’habitude, il y avait des parents avec une poussette, un bébé, ça a pris du temps.
— Bon, bon, de quoi il a l’air ce sac?
— C’est un grand sac noir, genre sac de sport mais modèle XXL, il ne comporte pas d’étiquette apparente, mais je ne l’ai pas regardé de tous les côtés..
— Encore heureux ! Bon, descendez de votre bus, mais ne vous éloignez pas, par contre, écartez au maximum les passagers qui attendent et dirigez-les sur le bus suivant, je préviens son conducteur pour qu’il prenne le départ. Je préviens la police. on ne sait jamais, il pourrait y avoir une bombe à l’intérieur de ce sac.
Rachel informe les passagers et ils se dirigent sagement vers le bus suivant. Elle prend le sachet de son sandwich, sa boisson et ses affaires personnelles avant de descendre. Elle se dirige vers son collègue :
— Salut !
— Qu’est-ce qui t’arrive ?
— Colis suspect !
— Ah merde ! Je te plains, t’en as pour des heures.
— Comment ça ?
— Eh ben ils vont t’interroger, t’emmerder, te demander de décrire les passagers qui sont montés, bref ils vont te dérouler le grand jeu.
— Mais s’il n’y a rien dedans de dangereux ?
— Même, de toute façon, ils ne vont pas l’ouvrir, ils vont appeler le service de déminage qui le fera exploser. Bon, allez, bonne chance, faut que je parte !
— O.K. Bon voyage.
Rachel revient à son bus. Quelques minutes plus tard, trois policiers arrivent, accompagnés d’un homme qui tient en laisse un chien de détection formé au reniflage d’explosifs. Pendant que les policiers s’efforcent de délimiter un périmètre de sécurité, le démineur monta à bord avec son chien.
Il ne teste pas longtemps et revient, le sourire aux lèvres :
— Vous ne devinerez jamais ce que j’ai découvert dans le sac ; grâce à mon chien qui a tout de suite manifesté un comportement favorable au contenu. Pas de bombe à l’horizon.
— Non, alors, c’est quoi ?
— Eh bien, montez et venez voir la surprise !
Les policiers et Rachel montent. Sur le siège au-dessus de l’endroit où se trouvait le sac, il y a un très jeune enfant qui paraît endormi, un bébé. Elle s’exclame :
— Ça alors !
— Bon, eh bien, vous vous en occupez, moi, je n’ai plus rien à faite ici.
Il s’en va, et Rachel le voit caresser son chien. Elle ne peut s’empêcher de penser que le sac aurait pu être explosé s’il n’y avait pas eu le passage du chien détecteur.
Les policiers s’activent autour de l’enfant, il ne porte aucun papier sur lui et il a été visiblement drogué fortement car il ne se réveille pas quand ils le touchent. Un des policiers pratique le bouche à bous en attendant les pompiers que son collègue vient de prévenir.
— Bon, les pompiers vont l’amener à l’hôpital, mais je suis pessimiste, pour moi, il est décédé ; en ce qui concerne le bus, les techniciens de la police scientifiques vont le passer au crible et vous, Madame, vous allez nous accompagner au commissariat, pour répondre à quelques questions.
— Mais je ne sais rien, j’ignore complètement comment et quand ce sac est arrivé dans mon bus.
— Nous verrons tout cela au commissariat. Bon, Edgar, tu restes ici à attendre la scientifique et nous, on y va avec Madame.
— OK, à tout à l’heure, vous reviendrez me chercher ?
— Oui, mais une fois que les scientifiques auront terminé, je préfère que tu restes pendant qu’ils seront là.
Rachel suit les deux policiers dans leur voiture qui s’aligna toutes sirènes hurlantes…
À suivre, prochain épisode le jeudi 20 février 2020…