EPISODE 12 : 12 Enquête d’Inès Benloch, Hôpital de Belle -Ile

12 Enquête d’Inès Benloch, Hôpital de Belle -Ile
Couloir d’hôpital. Photo France-Bleu.fr

 







Au moment où Inès Benloch entre dans le hall de l’hôpital de Belle-Ile, il est presque dix heures. Elle passe devant la réception et comme personne ne l’apostrophe, elle se dirige vers le couloir de droite. Les numéros de chambre se succèdent. Aucun va et vient de soignants, l’heure des soins du matin doit être passée. Elle arrive au bout du couloir et pose sa main sur la poignée de la porte de la dernière chambre.
Elle ouvre et jette un œil vers le lit. Les rideaux sont tirés, la pièce n’est éclairée que par une veilleuse. Inès s’approche, et un cri retentit.
— Qu’est-ce que c’est ? Qui est là ? Que voulez-vous ?
Inès recule immédiatement et prend la fuite. Elle a effectué la vérification qu’elle voulait, jusqu’à ce qu’elle arrive à proximité avec la patiente, personne ne l’a interceptée et dans le cas d’une malade dans le coma, elle n’aurait pas été en état de moufter comme cette patiente vient de le faire. Inès murmure pour elle-même : 
— Conclusion de ma petite expédition : N’importe qui, à la condition d’être discret, peut pénétrer dans l’hôpital…Oui, mais il y a les caméras. 
Elle revient vers la réceptionniste et se présente :
— Bonjour Madame, je suis Inès Benloch, associée de Monsieur Vétoldi, chargé d’une enquête sur l’agression de la patiente hospitalisée ici. Comme l’établissement est récent, il y a certainement des caméras de surveillance ?
— Bonjour Madame, oui, je vous ai vue hier. Bien sûr, il y a une caméra qui couvre les entrées et d’autres placées ici ou là, de façon à sécuriser l’hôpital.
— Mais elles n’ont pas arrêté l’agresseur ?
— Je crois savoir qu’il n’est pas entré par le hall…
— Ah bon, et qui vous a dit ça?
— C’est le bruit qui court.
— Il n’y a pas de caméras dans les chambres ?
— Ah non, ça, ce ne serait pas possible. On ne peut pas porter atteinte à la vie privée des malades hospitalisés. Mais si vous souhaitez en savoir plus, vous devriez vous adresser à Madame la directrice, voulez-vous que je la prévienne de votre présence ? 
— Oui, bonne idée, merci.
Quelques minutes plus tard, Inès est assise dans le bureau de Madame Géraldine Rémusat, directrice de l’hôpital de Belle-Ile. Après l’avoir saluée, elle lui pose la question qui la préoccupe.
— Quand je suis venue hier, en compagnie de Monsieur Vétoldi, nous n’avons pas abordé le problème des images captées par les caméras installées au sein de votre hôpital, le jour de l’agression.
— Non, mais je peux vous dire tout de suite que ces images ainsi que celles des jours précédents, ont été analysées par la gendarmerie, et que rien d’anormal n’a pu en être déduit. Comme vous le savez, l’agresseur est entré dans la chambre par la fenêtre, il est probable qu’il soit reparti par le même chemin.
— Personne ne l’a aperçu ? C’est surprenant.
— Non, il est passé avant la première tournée de l’infirmière de jour, donc dans le creux de l’emploi du temps. Nos infirmières n’ont même plus de le temps d’échanger quelques mots le matin, entre celle de nuit et celle de jour, les communications se font par transcriptions interposées. Tout est enregistré sur ordinateur, chaque patient hospitalisé est répertorié, a sa fiche personnelle avec toutes les informations le concernant.
— Vous pourriez me communiquer la fiche de la patiente agressée?
— Oui, bien sûr mais je l’ai déjà transmise au capitaine Kervadec, je suppose que vous travaillez ensemble ?
— Oui, bien sûr, mais j’essaie d’éviter de le déranger quand je peux faire autrement, il est très occupé.
— Oui, c’est vrai, avec la montée de la délinquance sur l’île.
— C’est plutôt tranquille ici si on compare à ce qui se passe dans les cités des grandes villes.
— Ne vous fiez pas aux apparences, la drogue est partout, et si vous longez le port, à la nuit tombée, vous pouvez assister à d’étranges trafics.
— Ah, pas possible ?
— Si, hélas, nos jeunes ne sont pas différents de ceux des villes.
— Tant que c’est de l’herbe, ce n’est pas trop grave.
Géraldine Rémusat s’avance au-dessus de son bureau pour se rapprocher de sa visiteuse et elle dit à voix basse :
— Que vous dites, mais chez certains individus fragiles, même les drogues dites douces peuvent provoquer ou accentuer des états dépressifs, voire déclencher des schizophrénies.
— C’est comme l’alcool, il faut connaître ses limites.
— Je me permets de vous rappeler que la vente de drogues est interdite en France.
— Oui, mais quand on pense à toutes les drogues qui, elles sont autorisées, et sont même remboursées par la sécu… On a des doutes sur la façon dont l’État français protège ses citoyens.
Madame Rémusat jette un regard  glacé à Inès et répond sèchement : 
— Je n’entrerai pas dans ce genre de discussion, je suis moi-même au service de l’État, je suis fonctionnaire du Ministère de la Santé et jamais je ne me permettrai de critiquer. Je me contente de faire mon métier du mieux possible et croyez-moi, c’est parfois difficile. 
— Surtout avec cette affaire qui vous est tombée dessus.
— Oui, disons que cette affaire,comme vous dites ne me simplifie pas les choses. Dite-moi chère Madame, j’ai beaucoup à faire justement, donc, je vous engage à vous adresser dorénavant au capitaine Kervadec pour toute demande concernant la patiente décédée. Je n’ai aucun élément nouveau par rapport à ce que je lui ai dit ou transmis. 
Madame Rémusat se lève et Inès est contrainte d’en faire autant. Les lèvres pincées, Madame Rémusat ouvre la porte de son bureau et ajoute :
— Au revoir Madame Benloch, bonne fin de journée.
 Inès est déçue, elle pensait que la directrice se montrerait plus coopérative, mais maintenant elle sait à quoi s’en tenir. Pour réagir de cette façon, ne se sentirait-elle pas coupable de ne pas avoir pu empêcher l’agression ? Par ailleurs, Inès repense à la fenêtre. Si l’agresseur est entré par cette voie, cela voudrait dire que la fenêtre était ouverte, car sinon, il y aurait eu effraction et l’infirmière n’aurait pu la refermer en entrant dans la chambre le matin. Voilà un élément étrange qu’elle va aborder avec le capitaine, que justement il est temps de retrouver  pour récupérer la liste des passagers du bateaux. 
Inès reprend le chemin de la gendarmerie, elle entre, adresse un salut discret au gendarme qui assure l’accueil  et se dirige directement vers le bureau du capitaine, La porte est grande couverte, le capitaine est penché sur un dossier, elle frappe et immédiatement, le capitaine relève la tête et s’adresse à elle :
Entrez, j’ai reçu le fax   de la compagnie Océane. Je vous en fais une copie tout de suite. Asseyez-vous.
Inès obtempère et s’assoit. Le capitaine sort du bureau avec la liasse de feuilles, il revient un peu plus tard et l’informe :
Voilà, c’est en cours, si la photocopieuse ne s’étouffe pas, ce sera prêt dans quelques instants. Vous voudrez bien me donner une participation car j’ai  des comptes à rendre sur le nombre de photocopies, et je dois justifier mes dépassements, je vous demanderai dix centimes par feuille.
Pas de soucis, en liquide ?
Oui, en liquide, s’il vous plaît.
Dans ce cas, il me faudra un reçu que je puisse le transmettre au commissaire.
Je vous ferai ça.
Bon dite-moi capitaine, je viens de rencontrer Madame Rémusat, et elle m’a confirmé que l’agresseur était entré par la fenêtre. Comment expliquez-vous que la fenêtre ait pu être refermée par l’infirmière ? Cela voudrait dire qu’elle était ouverte.
J’attends les conclusions de l’équipe de techniciens qui ont effectué des relevés dans la chambre. Ils auront certainement des infos à ce sujet. L’agresseur n’était sans doute  pas seul, il avait peut-être un complice à l’intérieur qui lui a ouvert la fenêtre.
Dans ce cas, pourquoi ne serait-il pas lui aussi entré par l’intérieur ?
Le complice était peut-être un membre du personnel ? Avec la pénurie des personnels hospitaliers, il y a des intérimaires qui interviennent, et j’ai demandé à la directrice de me communiquer le planning des jours qui ont précédé l’agression.
Bonne idée !
Le capitaine sourit, elle est drôle cette petite. On dirait bien qu’elle le sous-estime, comme si lui, un vieux routier au service de la sécurité publique depuis un quart de siècle, n’essayait pas de faire le tour d’une question quand il mène une enquête…
À Suivre, Épisode 13,  la semaine prochaine …