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ÉPISODE 2 : SORTIE !
Je suis sortie du piège où j’étais enfermée. Je suis éblouie par le soleil. Mes yeux me font mal. J’ai si soif. Sous mes pieds nus, un gazon humide. Je me retourne.
Je viens de là ! Les puits est derrière moi. Je ne peux m’empêcher de m’approcher tout près et de me pencher. J’aperçois le fond d’eau saumâtre. Ces anneaux de fer plantés dans la pierre m’ont sauvée. Je suis remontée grâce à eux. Ma tête tourne, je m’accroche au rebord du puits, je glisse lentement sur le sol mouillé. Je reste par terre un long moment. J’ai froid. Je ne suis vêtue que d’une robe d’été. Mes mains sont si sales, mes pieds aussi.
Je me relève. j’essaie de porter mon regard le plus loin possible. Un grand pré. Une maison aux volets fermés. Je me traîne jusque-là. Il y a une porte en partie basse, je la pousse, elle s’ouvre. j’entre. Il fait très sombre malgré la porte restée ouverte. Un escalier, je le monte. En haut une nouvelle porte que je tente d’ouvrir mais qui me résiste. Je redescends les marches que je viens de grimper péniblement. Des bouteilles poussiéreuses sont rangées dans un casier. J’en prends une, je n’arrive pas à lire l’étiquette, je l’apporte près de la lumière extérieure, c’est du cidre. L’envie me monte à la bouche. je coince la bouteille entre mes jambes et je tire sur le bouchon avec les forces qui me restent. Il vient !
La mousse s’écoule et je ne peux m’empêcher de la goûter, puis le liquide apparaît et je bois goulument. C’est un peu sucré. J’arrête, je ne dois pas boire trop, c’est alcoolisé et je veux garder mon cerveau intact. J’en ai besoin pour réfléchir, pour savoir ce que je peux faire. Je remonte les marches et cette fois la porte s’ouvre. La maison sent l’humidité, je frissonne. Je tâtonne, je passe mes doigts sur le mur pour tenter d’y déceler un interrupteur, rien. Je poursuis ma lente progression. J’entre dans ce qui est, me semble-t-il, une pièce, Un rai de lumière filtre à travers les volets, je me dirige vers la fenêtre, je l’ouvre et repousse les volets. Le jour envahit la pièce. Elle est meublée, des housses blanches recouvrent les fauteuils. Un long buffet suit tout un mur, je regarde ce qu’il contient, de la vaisselle, du linge.
Je sors de ce salon fantomatique et après un couloir sans fin, je me retrouve dans une cuisine aux placards décrépis, éclairée par un vasistas au plafond. Le moteur d’un congélateur tourne, j’en soulève le couvercle. Mes yeux s’agrandissent, de la nourriture, des boîtes de toutes sortes. J’en saisis une au hasard, ce sont lasagnes. Je fais le tour de la pièce, y-a-t-il un moyen de chauffer ce plat ? Pas de micro-onde, pas de four, mais une plaque. Je farfouille sous l’évier et dégotte une poêle, j’y verse les lasagnes. Il y a une boîte d’allumettes près de l’évier, j’en frotte une et j’ouvre le gaz. Ça marche ! Quelques minutes plus tard, je rêve de mes lasagnes, j’en ai l’eau à la bouche. Je pose le cidre entamé sur la table et j’en bois une gorgée, maintenant que je suis certaine de manger du solide, je m’y autorise.
Je tends l’oreille, il m’a semblé entendre un craquement. Une bestiole passe sous la table. Je connais, c’est un rat. Il a senti l’odeur de la nourriture qui chauffait. Je souris, il en aura, je lui laisserai des lasagnes. Je retourne au congélateur et j’en sors un sac de framboises.
Je vais dans le salon et en rapporte deux assiettes. Sur l’une, je mets quelques framboises et sur l’autre la part décongelée des lasagnes, je commence à manger. C’est encore froid mais je ne peux plus patienter, j’ai trop faim. Deux ou trois bouchées plus tard, je suis obligée d’arrêter, la nourriture ne descend pas, elle reste bloquée dans mon œsophage, comme si j’avais une grosse boule qui s’était formée empêchant l’accès à mon estomac. Ma main s’empare de la bouteille puis je m’arrête et ouvre le robinet de l’évier, l’eau coule. Elle est teintée de marron, j’attends. Il faut plusieurs minutes avant qu’elle ne s’éclaircisse. Une fois qu’elle est transparente, je la goûte. Elle n’a pas un goût affreux, je vais chercher un verre dans le salon. Je le remplis d’eau. Je m’assois sur la chaise paillée la plus proche et je reprends mon plat de lasagnes, puis je laisse fondre cinq ou six framboises dans la bouche.
C’est glacé, mais ce n’est pas mauvais. Après ce repas inattendu, j’essaie de me souvenir de ce qui m’est arrivé mais rien, absolument rien ne me revient. Comment me suis-je retrouvée dans ce puits ? Suis-je tombée toute seule dedans ? Non, puisque j’avais les chevilles et les mains attachées avec un épais sparadrap. Alors qui m’y a poussée ?
Je dois partir d’ici, c’est trop près du puits, la personne qui m’y a mise peut revenir…
Je parcours rapidement la maison et après avoir ouvert plusieurs armoires, je découvre ce qu’il me faut, un pantalon de toile et deux tee-shirts. J’enfile le tout et je roule ma robe en boule puis je la mets dans un petit sac à dos qui se trouve là. Je passe ensuite dans un cabinet de toilette et je tente de réparer les dégâts sur mon visage. je n’ai pas d’autre ambition que d’être propre et de lisser mes cheveux. J’y parviens à peu près. Je m’assieds quelques minutes sur un lit et je réfléchis. Il me manque des chaussures. Après en avoir cherché vainement, j’enfile une paire de charentaises écossaises qui se trouvaient dans la table de nuit. C’est mieux que rien. Ensuite, puisque je ne me souviens de rien … Si peut-être… Je sais comment je m’appelle. Isabelle Demurget. J’en suis certaine tout à coup. Je souris, le reste de ma vie va m’apparaître peu à peu. Il me suffit d’attendre mais je ne peux pas rester plus longtemps ici, ce serait trop dangereux. Je sors de la maison après avoir refermé les volets que j’ai ouverts. Je me dirige vers le portail du jardin, il donne sur un chemin. Je le suis et je parviens à une route de campagne. L’espoir me redonne de la vigueur et je marche sur le bas-côté.
Une voiture me frôle, je la vois s’arrêter un peu plus loin, elle recule… je suis prise d’une peur horrible, paniquée, je me jette dans le fossé qui borde la route…
À Suivre… Prochain épisode le dimanche 6 décembre…