BUS MORTEL : ÉPISODE 5

ÉPISODE 5 : Retour au bureau de la rue Rostropovitch

Après son rendez-vous avec l’avocate, Maître Océane Le Bihan, Inès Benlloch retourne à son bureau à pied, elle profite de son passage à la gare Saint-Lazare pour acheter son sandwich préféré, un sandwich au poulet. Elle le déguste. La saveur des épices lui rappelle la cuisine de sa mère. c’est l’un des rares souvenirs agréables de son enfance. Tout à coup, elle se sent un peu coupable, il y a si longtemps qu’elle n’a pas pris de nouvelles de sa mère.  Tant d’années se sont écoulées depuis qu’elle a décidé de couper avec sa famille. La coupure a coïncidé avec  son premier contrat à la DGSE. Au début, elle s’est trouvé l’excuse qu’elle ne voulait pas les mettre en danger au cas où elle-même serait repérée par des ennemis, mais au fil du temps, elle a réfléchi et reconnu que son objectif était avant tout pour se protéger de la situation familiale.
Pendant son enfance et son adolescence, elle a souffert de la violence exercée par son père sur sa mère. C’est comme si les coups qui s’abattaient autrefois sur sa mère s’étaient gravés dans sa mémoire et qu’ils résonnaient encore maintenant dans son crâne. Elle se souvient qu’elle se bouchait les oreilles pour ne pas les entendre, mais alors elle les imaginait et c’était pire.
Après ce bref retour dans son passé, sa mission reprend ses droits : Inès essaie d’éclaircir les idées qui se bousculent dans sa tête. Elle a hâte de les poser sur le papier.
Parce qu’elle la trouvait vieillotte et dépassée à l’heure des tablettes et autres merveilles technologiques, elle a mis quelques semaines à adopter la méthode de travail conseillée par  Dominique Vétoldi, qui consistait à tenir un cahier d’enquête et à y noter scrupuleusement toute information nouvelle même si elle ne paraît pas importante, le tri se faisant ensuite. Depuis qu’elle tient ce cahier, elle reconnaît qu’il est très pratique et bien plus facile à utiliser qu’un ordinateur ou une tablette qu’il faut ouvrir à chaque fois. Elle aurait pu recourir à son téléphone, mais il est petit et elle l’a choisi parce qu’il était petit et donc, ce n’est pas facile d’y taper des notes. Par contre, il lui sert pour procéder à des enregistrements.
La voilà arrivée en bas de l’immeuble de la rue Rostropovitch, elle monte au premier étage à pied, et pénètre dans son bureau. Un rayon de soleil joue avec les arbustes disposés dans des pots sur le balcon. Elle sourit, d’ici quelques semaines, elle cueillera les premiers fruits. Elle a planté un poirier, un cerisier et un pommier, ils ont été élevés et taillés pour se développer sur les balcons parisiens.
Elle détourne les yeux et ouvre la porte de sa pièce de travail personnelle. Elle pose ses affaires et s’installe derrière sa table. Elle est seule dans l’appartement, elle pourrait, si elle le souhaitait, occuper le bureau de Dominique Vétoldi mais elle hésite, en a-t-elle envie ?  Non, pas vraiment, donc, elle demeure là où elle est. Allons, assez divagué, il faut se remettre à réfléchir. Elle ouvre le dossier de l’affaire Alonso.
Elle tombe sur la photographie d’un Roissybus ! C’est amusant, elle ne se souvenait pas de l’avoir glissé  dans ce dossier. Mais après tout, voilà qui égaie quelque peu les faits. Elle relit les notes prises après l’entretien avec sa cliente, puis elle dresse la liste des faits avérés afin de réunir les informations dont elle a besoin pour fixer sa prochaine démarche :
1- Le sac était au nom de sa cliente, son adresse était indiquée.
2- Adelia Alonso lui a dit qu’elle avait demandé à son frère de mettre un détective privé sur la piste de cette malversation. Peut-être Madame Alonso lui a-t-elle envoyé ses coordonnées ? Elle saisit son téléphone pour voir si elle a reçu le message concernant cette information. Oui, c’est le cas.
Mon frère se nomme Alejandro Alonso
Il est âgé de trente-six ans
Il est ingénieur chez Monty, une usine de fabrication de jeans.
Tél : 52-999– 308 — —
Elle est un peu déçue car elle s’attendait à trouver les coordonnées du détective plutôt que de son frère. Le plus urgent est donc de lui téléphoner.
Voyons, il faut que je vérifie le décalage Horaire. Ah, il est de 7 heures. À Paris, il est 14 h 45 ici heures, ce qui fait 7 h 45 à Merida. J’appelle tout de suite, il est peut-être encore chez lui.
Cinq conneries, Inès Benlloch s’apprête à laisser un message qu’elle formule dans sa tête, mais à la sixième sonnerie, son correspondant décroche.
 — Bonjour Monsieur, je suis Inès Benlloch ; votre sœur Adelia Alonso m’a confié une mission d’enquête sur la malheureuse affaire qui la concerne.
  —  Oui, bonjour, je suis au courant, attendez une minute, je vais vous donner le nom et le téléphone du détective que j’ai chargé d’éclaircir ce qui s’est passé à l’aéroport ; Non, écoutez, ce sera plus simple que je vous l’envoie par message. C’est votre numéro de portable qui s’affiche ?
—  Oui, mais vous pouvez aussi me l’envoyer par mail.
—  Le message vous arrivera plus vite, puisque vous êtes dessus.
—  Avant que vous ne raccrochiez, je peux vous poser une question ?
—  Oui, je vous écoute mais faites vite, je devrais être parti.
—  Parmi les fréquentations de votre sœur, y aurait-il des personnes qui…
—  Vous voulez parler de personnes qui auraient des agissements douteux ?
— Oui, ne serait-ce que des amis qui se drogueraient ou qui feraient commerce de substances illicites.
— Vous êtes drôle, vous, comment voulez-vous que je le sache ? Ma sœur voit qui elle veut, avec son métier, elle rencontre des gens très différents. Tout le monde peut un jour ou l’autre se retrouver en contact avec des trafiquants. Ils n’ont pas pour habitude d’afficher leur appartenance à un clan maffieux…
— Bien sûr, mais vous auriez pu savoir quelque chose et surtout, si par la suite, il vous revient une information, merci de me la transmettre. Au revoir Monsieur.
—  Appelez plutôt le détective, c’est son job, il saura,  il va mener une enquête sur la vie de ma sœur et sur ses fréquentations.
Cet appel laisse à Inès une drôle d’impression. Alejandro Alonso ne semble pas prêt à aider sa sœur, il estime avoir fait tout ce qu’il pouvait faire pour l’aider, à savoir, missionner un détective privé pour qu’il découvre qui a pu mettre ce sac de voyage au nom d’Adelia.
Tant pis, elle se débrouillera avec le détective qu’elle va joindre dès qu’elle récupèrera ses coordonnées.
À Suivre… prochain épisode Dimanche 5 Mars 2020.