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| PHOTO DE KASHA- UNSPLASH.COM |
ÉPISODE 2 – LES PHOTOS
DIMANCHE 6 MARS 2021
Inès Benlloch vient de relever la boîte à lettres de l’agence. Elle en sort plusieurs prospectus et une enveloppe timbrée. Dès qu’elle s’est installée à son bureau, elle ouvre l’enveloppe et en sort deux photos, une en pied, et un portrait, genre photo d’identité.
Pas de mot joint aux photos. Inès vérifie le dos de l’enveloppe, Laurence Devieille. Ce sont bien les photos qu’elle attendait.
Elle les pose sur le bureau, puis elle enclenche sa recherche sur le beau Donatien Donato en tapant son nom sur Internet. Elle imprime une photo en pied et un portrait. Ensuite elle compare les photos où cet homme est âgé d’une vingtaine d’années avec les photos actuelles. La ressemblance n’est pas frappante. Or, elle a besoin d’une certitude qu’il s’agit bien du même homme.
Elle se souvient que dans l’un des dossiers d’enquête qu’elle a épluchés peu après son arrivée à l’agence, elle a vu le nom d’une profileuse qui avait su aider le commissaire Vétoldi. Il faut qu’elle retrouve ce nom. À priori, une profileuse doit avoir des talents de physionomiste… Elle fouille un moment mais impossible de remettre la main sur ce fameux dossier. Bien sûr, elle pourrait poser la question au commissaire Vétoldi, elle n’en aurait pas pour longtemps à le joindre et avec sa mémoire d’éléphant, il se souviendrait certainement du nom de cette femme, surtout si elle était jolie…Mais elle a envie de trouver seule une solution au problème posé.
Elle pourrait soumettre la photo du jeune Donatien à un site spécialisé dans le vieillissement et comparer ensuite le résultat avec la photo actuelle. C’est ce qu’elle fait. Quelques minutes plus tard, elle s’attarde à la comparaison et la ressemblance n’est pas probant. Depuis 2015, Scotland Yard a un service officiel qui réunit des super-physionomistes, mais en France, ce service existe-t-il ? Elle demandera au commissaire Vétoldi s’il en a connaissance, mais en attendant son intervention, il lui vient une idée, certes il y a des super physionomistes dans la police, mais il s’en trouve aussi dans les casinos. En effet, ils ont tôt fait de repérer les joueurs interdits ou qui ont demandé à être interdits de casinos et de salles de jeux. Les croupiers qui surveillent et organisent les jeux sont très observateurs. En cette période, les casinos sont fermés, ce ne devrait pas être trop difficile de recueillir l’avis d’un de ces professionnels et c’est sans doute le plus simple.
Le plus proche de Paris, est le casino d’Enghien-les-Bains. Inès consulte l’organigramme, ils sont plusieurs croupiers, il y a aussi une hiérarchie, les chefs de table ou de salle ne sont que trois. Elle va joindre l’un d’entre eux, par exemple, Augustin Duparc. Inès téléphone au standard du casino, elle sait qu’elle ne pourra pas avoir le croupier en direct car il n’est certainement pas sur un lieu de travail fermé, mais avec un peu de diplomatie, elle devrait obtenir son numéro de téléphone. Elle tombe d’abord sur un robot, elle appuie sur le 2 car le 1 ne correspond pas à sa demande. La voix d’une jeune femme lui répond, Inès se lance :
— Bonjour Madame, je cherche à appeler Augustin Duparc, mais je ne remets pas la main sur son numéro de téléphone. Nous avons fait nos études ensemble et j’aimerais prendre de ses nouvelles en cette période où il doit se morfondre chez lui.
— Ah, vous êtes croupière comme lui ?
— Je ne le suis plus mais je l’ai été, j’ai notamment travaillé à Deauville et à la Baule.
— Ah donc, vous avez fait partie du groupe Barrière ?
— Oui, c’est ça, mais je ne suis pas restée, j’avais envie de changer de métier, les horaires ne me convenaient plus après la ,naissance de ma fille.
— Oui je comprends, ce métier n’est guère compatible avec une famille. Attendez une minute, je vous cherche son numéro. Ah, le voilà ! C’est le 06 07 83 .. ..
— Super ! Ça va être génial d’avoir de ses nouvelles, nous nous entendions très bien autrefois. Merci beaucoup, chère Madame, au revoir.
— Excusez-moi, vous vous appelez comment que je le note pour le lui dire quand je le verrai.
Sa question tombe dans le vide, Inès Benlloch a raccroché. Hum, Jamie espère qu’Augustin ne la titillera pas avec ça, car il est tout sauf facile, ce croupier là…
Il est ancien dans la maison et il se permet des privautés, il lui a mis la main aux fesses à quelques occasions. Jamie n’ose pas se plaindre car elle est contente d’avoir trouvé ce travail d’accueil, surtout que le casino l’a gardée malgré la fermeture. Certes, elle s’ennuie car les heures sont longues et de moins en moins de personnes demandent des informations sur les dates prévues pour la réouverture… Les premiers temps, le patron lui avait recommandé de bien dire que la réouverture était proche et que pour patienter, les clients pouvaient se rendre sur un site Internet de jeux dans lequel l’entreprise avait une participation, mais ensuite, c’est devenu de plus en plus difficile car la perspective de réouverture s’éloignait. Jamie jette un coup d’œil à sa montre, bientôt dix heures, ce n’est pas encore le moment de sa pause. Pourtant, elle aimerait bien faire un saut à la cuisine du restaurant pour faire un coucou à son copain, Arturo qui est en apprentissage. L’eau lui vient à la bouche quand elle repense à certaines de ses spécialités, comme la charlotte aux fruits d’été ou le fondant aux quatre chocolats. Repensant au coup de fil de tout à l’heure, Jamie enclenche la fonction rappel du dernier appel, elle note le numéro puis raccroche aussitôt. Elle lance une recherche sur le numéro mais il n’est pas identifiable. Il doit donc se trouver sur la liste rouge. Dommage, elle aurait aimé en savoir plus sur une ancienne amie d’Augustin car jusqu’à présent elle avait pensé qu’il préférait les hommes. Elle n’a jamais réussi à provoquer chez lui un regard de concupiscence même quand elle arborait une jupe en lainage qui lui moulait les fesses de façon ostentatoire…
Alors, il avait une amie autrefois. aussitôt un film se déroule dans sa tête, il a été amoureux et elle a épousé un autre homme que lui dont elle a eu un enfant. Déboussolé, malheureux, il s’est alors tourné vers les hommes.
Son histoire la tient jusqu’à 11 heures et elle sursaute quand le téléphone sonne.C’est Augustin au bout du fil :
— Dis donc, Jamie, c’est comme ça que tu donnes mon numéro de téléphone à une flic ?
— Une flic, comment ça ?
— Eh bien oui, c’est une flic, la dame; que t’as eue tout à l’heure au bout du fil, elle vient de m’appeler pour me demander un service.
— Mais elle m’a dit qu’elle avait fait ses études avec vous, et qu’elle a été croupière à Deauville et à La Baule.
— C’est ça, tu t’es fait complètement embobiner ! Dire qu’elle avait fait ses études avec moi était le moyen qu’elle avait trouvé pour t’extorquer mon téléphone…
— Je suis désolée, je n’ai pas pensé à mal.
— Bon, allez, je te pardonne, c’est ton premier poste, Mais dans notre milieu, tu devras apprendre à être plus prudente ; en tout cas avec moi, ne recommence pas car alors, je te ferais virer sans état d’âme. Quand une personne me, moi demande, la règle est simple, tu notes son numéro de téléphone et tu dis que je la rappellerai, et cette règle est valable pour tous ceux qui travaillent ici. C’est OK ?
— D’accord. Merci de ne pas m’en vouloir.
— À plus. Je passerai tout à l’heure respirer l’air de la salle, elle me manque trop.
— Alors à tout à l’heure.
Ouf, Jamie se rassure, il n’a pas l’air de lui en vouloir. Bon, il est maintenant largement l’heure de sa pause, elle met le répondeur et file aux cuisines. Elle n’a plus beaucoup de temps avant de reprendre son poste…
Pendant que Jamie va voir son amoureux, Inès Benlloch se réjouit ; d’ici une heure environ, Augustin Duparc devrait arriver dans son bureau. Il ne lui a rien promis, il a juste reconnu que oui, bien sûr, il repérait facilement les clients et qu’il connaissait tous ceux qui étaient interdits de casino en France car il a étudié leur photo.
En attendant son visiteur, Inès range son bureau et prépare un assortiment de biscuit et de fruits qu’elle porte dans la salle de réunion. Elle passe dans les toilettes pour rectifier son maquillage, un croupier doit voir passer de très belles femmes, par exemple celles qui accompagnent les richissimes joueurs… L’image d’une scène de film passe dans sa mémoire et la fait sourire, des manteaux de fourrure, des bijoux scintillants, des sacs à main de grands couturiers… Il y a tout cela dans les casinos, du moins dans ceux qui sont les plus recherchés et celui d’Enghien, est le casino qui fait le plus gros chiffre d’affaires de France…
À Suivre… Prochain épisode le Dimanche 13 Mars 2021