94 ROSES : ÉPISODE 15 : INÈS BENLLOCH TÉLÉPHONE AU COMMISSAIRE AGHILAS

 

ÉPISODE 15 : INÈS BENLLOCH JOINT LE 


COMMISSAIRE AGHILAS

 


Une fois le Ministre de l’Enseignement supérieur parti, Inès nota ses premières impressions sur l’homme qui était là en face d’elle quelques minutes plus tôt.

Son mensonge lui sauta aux yeux : Il avait dit être venu à pied, à titre d’entraînement dans le cadre de sa préparation au marathon de New York, or elle l’avait vu monter dans sa voiture de fonction. Certes, il s’agissait d’un détail mais ce mensonge prouvait qu’il pouvait ne pas dire la vérité sur d’autres aspects de sa vie et plus précisément sur sa relation passée avec Laurence Devieille. Inès Benlloch ne pouvait donc pas se contenter de ce qu’il voulait bien lui dire et il lui était nécessaire de rassembler le plus d’informations possibles et fiables sur le jeune Ministre. Dans ce but, elle décida de joindre le commissaire Aghilas.

—Bonjour commissaire, Inès Benlloch. Je tenais à vous informer de la mission d’enquête que vient de me confier Donatien Donato. Il sort de mon bureau à cet instant. 

Sans doute surpris, le commissaire Ali Aghilas laissa passer quelques secondes puis il répondit :

— Bonjour Inès, puisqu’il en est ainsi, nous serons amenés à nous rencontrer régulièrement pour parler de cette affaire même si elle m’a été retirée. Dorénavant, appelez-moi par mon deuxième prénom, Zireg, plus original qu’Ali que j’utilise dans mes fonctions officielles. 

— OK, Zireg.

— Soyons concrets, en quoi puis-je vous aider ?

— Votre situation de commissaire au Bastion vous donne accès à des fiches sur l’entourage de Laurence Devieille auxquelles je n’ai qu’un accès détourné. Certes, je peux recourir aux services de l’un de mes anciens collègues, mais cela me prend du temps et peut mettre mes copains en difficulté si notre lien était découvert. Les médias vont être à l’affût, un ministre et pas le moindre, était l’ex-petit ami de la victime. 

— Je dois vous informer que non seulement l’enquête m’a été retirée mais que j’ai reçu l’ordre de clore le dossier au plus vite et de le remettre entre les mains de la magistrate chargée des suites judiciaires. Tout acte de ma part qui pourrait être relié au crime de la rue Blomet serait susceptible de me placer en très mauvaise posture vis-à-vis de ma hiérarchie. J’ai eu droit à des menaces à peine voilées.

Pas de chance ! Inès comptait sur la participation active du commissaire, mais elle fit contre mauvaise fortune bon cœur et s’empressa de le rassurer :

— Zireg, je ne doute pas de votre habileté à contourner ce problème. Vous avez certainement des appuis au sein de votre département et puis, ceux et celles auxquelles vous adresserez votre demande, peuvent avoir besoin de vous un jour ou l’autre. Certains ont peut-être déjà des dettes antérieures à vous régler, je me trompe ?

— En plein dans le mille ! C’est exact et j’accepte à mes risques et périls de vous aider dans votre enquête. Je reconnais que je me réjouis que le jeune Ministre vous ait confié une mission sur ce meurtre. J’ai juste un peu de mal à comprendre pour quelles raisons le ministre a agi ainsi alors même que son entourage politique a cherché à le protéger en organisant le bouclage de l’enquête officielle. 

— Personnellement, je ne suis pas étonnée. Il a aimé, du moins c’est ce qu’il affirme, cette femme depuis au moins quinze ans. Il semble qu’il ait mené toute sa carrière dans le but de l’éblouir et voilà qu’elle disparaît avant de reconnaître ses efforts et d’accepter son amour. Elle lui a causé un affront incroyable et même cela ne l’a pas découragé. C’était un amoureux pot-de-colle. On parle parfois des femmes érotomaniaques mais il semblerait que cet homme ait été lui aussi atteint d’érotomanie. En tout cas, il était persuadé que l’amour qu’il portait à Laurence Devieille finirait par vaincre ses résistances. La mort de cette femme lui enlève ses derniers espoirs et à mon avis, il sera sans pitié contre le briseur de son rêve. 

— C’est beau, cet amour qui n’a pris fin que par la mort de sa bien-aimée ! On se croirait dans un conte du Moyen-Âge. Il s’est trompé d’époque, ce Ministre.

Inès Benlloch resta un instant, muette de stupeur. Comment Zireg Aghilas pouvait-il admirer pareil comportement qui n’avait rien à voir avec le sentiment d’amour mais tout à voir avec la possession ?

— Enfin, Zireg, comment pouvez-vous dire une chose pareille ?

— C’est en pensant aux amours kleenex actuels, au bonjour-au revoir à peine la baise terminée, voilà pourquoi je dis que c’est beau un homme qui aime une femme aussi longtemps.

— Bon, je n’ai pas envie d’en discuter, je pense que nous ne serons pas d’accord. Parso, je place l’amour de la liberté avant tous les sentiments et évidemment avant l’amour.

— Alors, vous n’avez jamais été amoureuse et vous n’aimerez jamais. Je vous plains. Mieux vaut vivre une passion et s’en prendre plein la gueule que de n’avoir que des amours passagères. 

— Zireg, nous en reparlerons, je vous le promets. Pour l’heure, revenons à Donatien Donato. Pensez-vous qu’il pourrait être mis en examen ?

— Mais non, vous n’avez rien compris, je vous ai dit qu’on m’avait retiré l’affaire justement parce que je fais bien mon travail et que peut-être je l’aurais mis en examen, moi.

Non, la magistrate désignée, je la connais, c’est une arriviste, elle choisira la facilité et placera Océan Poulain à l’ombre. Il est la dernière personne à avoir vu la victime, il prétend l’avoir découverte assassinée mais même moi, je n’y crois qu’à demi. 

— Mais enfin, il était accompagné de la gardienne. Madame Frette n’est pas femme à mentir, elle a son franc-parler.

— Il l’a peut-être indemnisée pour obtenir son silence. Dans les affaires criminelles, tout est possible. 

— Dites-moi franchement, Zireg, vous le pensez coupable ? 

— Eh bien, non, parce que je crois difficilement aux meurtriers évidents et en outre, il n’aurait pas eu de mobile.

— Ah bon ? Le fait d’être marié, ce ne serait pas un mobile ? Sa femme l’a peut-être menacé de divorcer et à cette occasion de lui piquer tout son fric ? 

— C’est possible, en effet. Il y a une chose que je ne comprends pas bien, c’est la raison pour laquelle il a accepté de se confiner avec son épouse à Sanary, plutôt que de rester à Paris où il aurait pu profiter de sa belle autant qu’il l’aurait voulu. Habiter le même immeuble que sa maîtresse, c’est super pratique. 

Inès commence à être agacée par ces remarques machistes. Elle dit d’un ton sec : 

— Comment va-t-on s’organiser pour collaborer ?

— Eh bien, je répondrai à vos demandes et nous ferons le point en dégustant un bon repas aux frais de l’agence, qu’en pensez-vous ?

— Vous n’avez pas de notes de frais ?

— Très peu, une misère tandis que vous dans le privé, vous avez tout loisir de les intégrer dans les dépenses liées à votre mission. 

Inès sourit, en pensant à la tête du beau Donatien en découvrant la note salée d’un palace versaillais où elle rêve de prendre un repas depuis très longtemps. 

— On verra. Pour commencer, je serais intéressée par toutes les infos que vous pourriez rassembler sur le Ministre.

— O.K., mais à mon avis, mon dossier sera moins riche que le vôtre. Par la DGSI, vous pouvez obtenir à peu près tous les actes qu’on pourrait lui reprocher. Par ailleurs, vous avez vos entrées aux impôts ?

— Les dossiers fiscaux des ministres transitent par un service spécial, ils ne sont pas traités comme ceux du commun des mortels. Ceci dit, je n’ai rien entendu de répréhensible au sujet du beau Donatien. Il n’a jamais été cité dans aucune affaire louche du genre Clearstream ou Crédit suisse… 

— À votre place, je passerais sa vie privée au peigne fin. Je ne crois pas qu’un homme normal puisse se contenter de vivre un amour mythique depuis plus de dix ans. 

— Je suis d’accord et je vais vérifier ce qu’il fait pendant ses vacances et week-ends quand il en a.

— Bien, je vous propose un rendez-vous dans trois jours, ça vous convient ? Nous sommes aujourd’hui, dimanche, on pourrait se voir mercredi, non plutôt jeudi à déjeuner, vous seriez libre ?

— Oui, mais pas pour aller à Versailles.

— Qui vous a parlé de Versailles ? 

— Non, rien, c’était juste une idée comme ça.

— Bien, nos bureaux sont à deux pas l’un de l’autre, on peut se retrouver au resto coréen de votre rue, il est tout à fait correct et les gens sont charmants. 

— Vous ne craignez pas d’être vu en ma compagnie par un de vos collègues ?

— Je ne vois personne qui pourrait me reprocher de déjeuner en compagnie d’une jolie femme.

Inès sourit, elle n’insista pas et accepta le rendez-vous proposé. D’ici là, elle avait du pain sur la planche …

 

À Suivre… prochain épisode le Dimanche 18 septembre 2021