ÉPISODE 8 : Enquête à Belle-Ile
Dimanche 4 Octobre 2020
Le bassin à flots du port de Le Palais – Belle-Ile
10 heures trente. Le commissaire Vétoldi sort de la gendarmerie. Le capitaine Kervadec l’a assailli d’informations sur l’affaire Pavlova, il a besoin de faire le tri afin d’en retenir l’essentiel. Il a placé le rapport d’autopsie dans la sacoche de son vélo bleu. Il hésite, va-t-il se rendre immédiatement à son hôtel pour en prendre connaissance ou bien préfère-t-il faire une petite balade pour mettre son cerveau à zéro et être ensuite à même de réfléchir de façon la plus objective possible ? Sans s’en apercevoir, le voilà parti sur l’avenue Carnot. Le petit marché bat son plein, il ne résiste pas, il descend de son vélo, l’accroche à un réverbère et fonce au stand du chevrier dont il apprécie tant les fromages. Il lui achète un peu de tomme et un chèvre semi-frais, puis muni de son futur déjeuner, il reprend son chemin, longe les commerces, la librairie de poche qui s’appelle joliment La Longue Vue, la boulangerie qui fabrique un des meilleurs pains au levain de la Bretagne Sud. De nouveau, il s’arrête, pénètre dans la boutique et hume la bonne odeur un peu aigre du pain fabriqué et cuit à l’ancienne. Il choisit un gros pain au levain. Il range ses courses dans la sacoche fixée à l’avant de sa bicyclette, et le voilà reparti sur l’avenue Carnot, mais cette fois, il est rapidement obligé de passer à la station debout sur ses pédales, son engin n’est pas équipé d’un changement de vitesses aussi performant que le sien. La côte est raide, mais il parvient à ne pas poser le pied sur terre… Arrivé glorieusement en haut de la colline, il franchit le tunnel et se retrouve sur l’avenue qui mène à la mer. Il continue sans avoir décidé de son lieu de destination. C’est ainsi qu’il arrive, sans l’avoir prémédité, à quelques roues de vélo du refuge où le corps sans vie d’Anna Pavlova a été retrouvé. Il murmure, étonné : Eh bien voilà où mon inconscient m’a emmené… S’il en est ainsi, suivons le et voyons ce que ça donne… Le commissaire Vétoldi attache son vélo à un arbre et il se dirige vers l’entrée de la cabane de pierres. Des monceaux de fleurs, dont certaines sont fraîches, forment un mausolée à la mémoire de la jeune femme. Un enfant a déposé un ours en peluche, des personnes ont laissé des messages que les jours ont atrophiés. Le commissaire se penche et il lit quelques mots rescapés qui paraissent plus récents : À Anna Pavlova, une merveilleuse artiste…, Un admirateur. À Anna, une amie…, Katarina, À Anna, pour sa douceur et sa gentillesse…, Victor H. À Anna, l’amour de ma vie… Rodolphe Rodolphe ? N’est-ce pas le prénom prononcé par Paul, l’ami d’Anna ? Si, bien sûr, Rodolphe, c’est l’ex-mari d’Anna… Celui qui critiquait vertement son bortch et à qui Anna obéissait aveuglément… Le commissaire prend le message en photo, puis il enfile une paire de gants de protection et il glisse le message dans un sachet en plastique transparent. Voilà un auteur bien prévoyant. C’est le seul parmi les dizaines de messages qui a pensé à le protéger. En effet, il avait collé un plastique sur le papier. Mais pourquoi le signer ? Il ne pouvait ignorer qu’il figure parmi les suspects, à moins que personne n’ait su qu’il se trouvait à Belle-Ile ? Le commissaire Vétoldi téléphone aussitôt au capitaine Kervadec, mais comme il ne répond pas, il lui envoie un texto : Suis à l’endroit où a été découvert le corps d’Anna. Trouvé un mot de Rodolphe, l’ex-mari d’Anna P. Tu savais qu’il était sur l’île ? Ceci fait, il pénètre dans le refuge dont la porte grince terriblement, il la laisse ouverte. L’intérieur est si sombre que le commissaire est obligé d’allumer la lampe de poche qu’il a toujours sur lui. C’est une petite merveille, cette lampe, elle est toute plate et elle provient de la boutique de l’Opéra de Paris… Il dirige le flot de lumière vers les parois. L’humidité suinte sur les vielles pierres. Au sol, la trappe est visible, telle qu’elle a été dégagée par ceux qui ont mis à jour la cache. Le capitaine Kervadec lui a raconté comment cela s’était produit. Un groupe de gamins avait ses habitudes dans ce refuge et contrairement à ce que les médias avaient propagé, ce n’était pas le meurtrier qui avait creusé cette cache ; en réalité, elle existait depuis la guerre et non seulement, il s’agissait d’une cache, mais c’était aussi l’accès à un chemin qui conduisait au centre-ville et qui dans le passé, permettait à des contrebandiers de transporter de la marchandise jusqu’au port. Personne ne savait à quelle date le tunnel avait été creusé. La société historique de Belle-Ile-en-Mer avait peut-être effectué des recherches ? Il se promit de consulter les plus anciens numéros de la revue, une fois l’affaire résolue. Pour l’heure, il hésite. Va-t-il descendre et suivre le tunnel jusqu’au bout ? S’il le faisait, ce serait dans quel but ? Tout bien réfléchi, il veut auparavant en discuter avec le capitaine Kervadec. Il est là au bord de la trappe dont il a soulevé le couvercle quand son téléphone bipe, il prend aussitôt l’appel, c’est le capitaine. — Kervadec, vous avez parcouru le tunnel ou pas ? — Oui, bien sûr, après la remontée du corps, pour recueillir des indices et le technicien scientifique en a fait autant. — Vous y avez trouvé des choses intéressantes ? — Plusieurs enveloppes de sandwichs, des cadavres de bouteilles d’eau, du papier à cigarette ayant emballé de l’herbe, des traces de poudre blanchâtre. Nous avons convoqué les adolescents qui avaient aménagé cette planque pour qu’ils désignent ce qui leur appartenait. En fait, ils ne venaient jamais l’été car ils disaient qu’ils ne voulaient pas être dérangés par les touristes. Cette planque leur servait l’hiver. Ils s’y réunissaient régulièrement pour fumer et discuter. Cela m’étonnerait beaucoup qu’ils y retournent après ce qui est arrivé; Quand on les a convoqués, ils n’en menaient pas large, mais on leur doit une fière chandelle. Ce sont eux qui nous ont signalé qu’à leur arrivée dans leur refuge, ils avaient remarqué quelque chose d’inhabituel. En fait, je pense qu’ils avaient découvert le corps, mais aucun d’entre eux ne l’a avoué. Pour nous inciter à nous rendre sur place, ils se sont contenté d’envoyer un message à la gendarmerie en signalant que des vandales avaient abîmé le refuge… — Ce qui m’étonne, c’est que personne n’ait rien remarqué. Il a fallu que le meurtrier amène la jeune femme jusqu’à cet endroit, dégage la dalle, la descende dans la cache, l’y maintienne… — Mais oui, mais il pouvait aller et venir par le bout du tunnel, côté ville. — Où arrive-t-il exactement ? — Ah, ah ! Vous serez étonné. J’arrive tout de suite et on va remonter le chemin ensemble. Le commissaire Vétoldi n’a pas le temps de donner son accord, le capitaine a déjà raccroché. Il sort quelques minutes pour prendre l’air en l’attendant. C’est bien gentil, cette histoire de remonter ensemble vers le centre-ville par le sous-sol, mais que fera-t-il de son vélo ? Le laisser à cet endroit l’obligerait à revenir plus tard alors qu’il a très envie de se réfugier dans sa chambre d’hôtel pour y lire tranquillement le rapport d’autopsie. Alors qu’il en est là de ses élucubrations, voilà que le capitaine Kervadec l’appelle. Il regarde autour de lui, personne ! Mais où est-il ? Ah oui, c’est vrai, il se précipite à l’intérieur de la cabane et le capitaine sort de la cache, avec un grand sourire : — Ah, ah, ah ! Vous ne vous attendiez pas à ce que je joue au diable qui sort de sa boîte, eh bien, si, et me voilà ! — Kervadec, mais franchement, on dirait un gamin ! Je vous rappelle que vous êtes responsable de la sécurité de Belle-Ile et vous voilà à jouer comme un gosse dans les sous-sols de l’île. —Dites donc, vous, le commissaire, ne me dites pas que vous n’étiez pas dévoré de curiosité à propos du débouché du tunnel, je ne vous croirais pas. Maintenant, suivez-moi, je repars dans l’autre sens. — Mais non, je ne peux pas abandonner mon vélo. — Mais il ne craint rien votre vélo dans cet endroit. on n’a jamais rien volé ici. En outre, je sais parce que c’est moi qui l’ai conseillé à la patronne de l’hôtel, que leurs vélos sont tous numérotés et répertoriés et donc faciles à retrouver. — Sauf à effacer les numéros et à repeindre par-dessus. — Ce n’est pas aussi facile que vous semblez le croire. Les numéros sont incrustés dans le métal avant le montage, ensuite le fabricant repasse deux couches de peinture. — Il y a des bandes organisées à l’échelle de l’Europe, on a bien retrouvés les anciens vélib’ de la ville de Paris en Roumanie… — Bon, allez, on n’est pas à Paris, ici, vous venez ? — OK. J’espère que ce n’est pas trop sale là-dedans. — C’est un peu poussiéreux, c’est sûr mais c’est normal. Le capitaine Kervadec repart par où il est venu et le commissaire Vétoldi le suit. Ils progressent vite, les passages récents permettent une avancée aisée et rapide. bientôt, ils sont arrivés. Le capitaine grimpe les marches taillées dans le rocher et sort à l’air libre. Le commissaire le suit et éberlué, regarde autour de lui. Ils se trouvent dans la cour pavée d’une maison ancienne. Le capitaine Kervadec replace soigneusement la dalle et la cour reprend un aspect qui ne permet pas de distinguer l’entrée d’un quelconque tunnel. — Allez, venez ! Vous allez rire ! Le capitaine ouvre une porte située côté cour et les voilà dans une arrière-boutique. Des caisses s’accumulent aux quatre coins de la pièce. Le capitaine passe dans la partie de la boutique qui donne sur la grande rue. Les voilà dans un magasin qui longe le bassin à flots du port de Le Palais… — Pour la contrebande, avouez que c’est pratique. Quand je pense que les douaniers se concentrent sur les plages et voilà qu’au détour de ce meurtre, on découvre un moyen incroyable de transférer les marchandises depuis un voilier jusqu’à un endroit situé en centre-ville. — Vous pensez que le tunnel a pu servir récemment ? — Je ne sais pas, mais il est en bon état et plutôt propre. Je vais interroger le propriétaire de la boutique, il ne pouvait pas ne pas savoir que l’accès se trouvait dans sa cour …
Suite au prochain épisode…Le Dimanche 11 Octobre 2020 …
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