Épisode 18 : Le journal du député livrerait-t-il ses secrets ?

Vendredi 12 janvier 2018
Épisode 18 : Le journal du député livrerait-t-il ses secrets ?
Il était tard quand Vétoldi, rentré chez lui, ouvrit enfin le journal d’Hugues d’Arborville. Jusque-là, il avait privilégié les lettres et laissé de côté le journal et il était plus que temps d’en prendre connaissance. Sa lecture fut très rapide pendant une centaine de pages, le député avait pris l’habitude de noter quelques mots à propos de chaque jour passé, soit à l’Assemblée, soit dans sa circonscription. Vétoldi découvrit ainsi le contenu des journées d’un député, il n’y avait aucune allusion à sa vie privée, seulement des commentaires sur sa vie publique. Tout changeait à partir de la réception de la première lettre du maître-chanteur. HDA écrivait : Je suis bouleversé, je ne sais pas quelle décision prendre, on a découvert le bébé. Est-il de moi ? Je n’en suis même pas certain mais je vais assumer. Je dois assumer de m’être laissé aller une fois, une seule… J’en ai les larmes aux yeux, je me sens coupable, je paierai pour cet enfant, je ne ferai pas à la mère l’affront d’une recherche ADN. Cet enfant sera porté à ma succession, j’ai décidé de prendre rendez-vous avec un notaire parisien, Maître Mariani. Pour le moment, je voudrais éviter…
Vétoldi arrêta sa lecture. Il devait au plus vite prendre rendez-vous, lui, avec ce notaire. Il fit une recherche rapide sur internet pour relever ses coordonnées. Son étude était située boulevard Saint-Germain, à proximité immédiate de l’Assemblée Nationale. Il nota l’adresse email et envoya immédiatement une demande de rendez-vous sous l’identité de Nathan Morin. Un instant, il se demanda s’il ne devait pas alerter le commandant Grassiard, sur la nécessité d’entrer en relation avec le notaire, oui mais dans ce cas, il lui faudrait révéler l’entièreté de l’affaire, du bébé au chantage…Il agirait seul.  Il réfléchit, HDA avait très certainement un notaire chez lui, dans sa ville, il demanderait le nom à sa femme. Vétoldi nota sur son carnet d’enquête : Téléphoner à Mme HDA pour connaître le nom du notaire de la famille. Tout à coup, HDA murmura :
A propos de nom, quel est le nom de naissance de Madame d’Arborville ? Et en plus, je ne connais même pas son prénom
Il fit immédiatement une recherche et trouva la réponse à sa question. Madame d’Arborville se nommait Céleste Pergola, elle était née à Lucciana, en Corse. Vétoldi sursauta ; A moins d’une naissance due au hasard d’un déplacement de sa mère, elle était d’origine Corse, il écrivit un message à destination de son copain, Sandro, auquel il avait demandé de mener des recherches sur Andrea Bartoli, l’homme qui postait les lettres de chantage à Ponte Leccia et qui, était sans doute soit le maître-chanteur, soit une personne proche de lui.
 Peux-tu également faire des recherches sur Céleste Pergola, qui était l’épouse de feu Hugues d’Arborville qui a été assassiné, comme tu le sais ? Elle est née en Corse, à quel âge en est-elle partie ? A-t-elle gardé des liens avec sa famille ? Reste-t-il des membres de sa famille à Lucciana ou dans les environs ? Merci, à plus. Dumi.
Voilà, cette fois, Dominique Vétoldi avait l’impression d’avancer même si les dernières informations recueillies compliquaient son enquête. Madame d’Arborville pouvait dorénavant et contrairement à ce qu’il pensait après sa visite à Fontenay-le-Comte, être considérée comme suspecte, au moins, à cause de la possibilité de nouer des contacts avec des Corses, et parmi ceux-ci, avec le maître chanteur.
Il se reprocha de ne pas avoir pensé plus tôt à creuser l’identité de Madame d’Arborville. Étant donné le comportement de Jean-Charles de Normandie, lorsqu’il mentionnait le nom de Céleste d’Arborville, il était tout à fait possible que ces deux-là étaient amants et dans ce cas, ils avaient pu se donner la main pour faire passer le mari gênant ad patres. Vétoldi murmura :  Ce serait trop simple, franchement, si la vérité, c’était cette pièce de boulevard, je serais terriblement déçu. HDA est député, enfin était, ce n’était pas n’importe qui. Il serait dommage qu’il soit mort à cause d’une banale histoire de couple. Quand je pense que je navigue au cœur de l’Assemblée Nationale depuis des jours et des jours, que j’ai rencontré et que je me suis entretenu avec plus de dix personnes et que c’est peut-être… sa femme et son amant… D’autant que le Normandie est devenu député après la mort d’HDA. A qui profite le crime ? A lui, c’est indéniable. Il prétend qu’il ne voulait pas être suppléant et qu’il a hésité à remplacer HDA, qu’il aurait préféré continuer à soigner les gens plutôt qu’à les écouter se plaindre et à les représenter et à leur apporter son soutien. Il regarda machinalement sa montre, il était dix heures dix. Il n’hésita que quelques secondes, puis il chercha le numéro de téléphone fixe de JCDN dans son carnet et il l’appela chez lui. Les sonneries se répétèrent, le répondeur ne se déclenchait pas. Ensuite, il appela le domicile de Céleste d’Arborville. Elle décrocha à la cinquième sonnerie.
 Ah commissaire, c’est vous ? Que se passe-t-il ? Vous avez du nouveau ?
 Vous ne m’aviez pas dit que vous étiez proche de Jean-Charles de Normandie, le suppléant de votre défunt mari.
 Mais enfin, pour moi, c’était évident et je n’aurais jamais pensé que vous pouviez croire que je ne le connaissais pas. En plus, il m’arrive de le consulter pour ma santé, c’est un excellent médecin.
 Écoutez Madame, j’ai découvert plusieurs informations qui vous concernent, vous êtes d’origine Corse.
 Oui, je ne le cache à personne et qu’est-ce que ça vient faire dans votre enquête sur la vie des députés, vous répertoriez les députés qui vient avec des Corses ?
Sa voix était teintée d’une franche ironie, Vétoldi se sentit fumace :
 J’ignore si vous le savez mais moi, je l’ai appris récemment et je suis bouleversé ! Votre mari est mort des suites de l’ingestion de poudre de laurier rose glissé dans le saucisson qu’il a mangé le jour de sa mort.
– La poudre de laurier, c’est mortel ? Je ne le savais pas. Donc maintenant le laboratoire sait enfin de quoi Hugues est mort, c’est une bonne nouvelle, je vais pouvoir le faire mettre en terre dignement. Pour tout vous avouer, commissaire, c’est moi qui ai fait découvrir à Hugues le saucisson corse et une fois qu’il l’a eu goûté, il n’en a plus voulu d’autre. C’est la raison pour laquelle le maître d’hôtel commandait spécialement le saucisson pour lui. Personne d’autre ne mangeait de ce saucisson, du moins à ma connaissance. C’est un petit saucisson en longueur et Hugues mangeait un saucisson par sandwich. Heureusement parce que si ce que vous me dites est exact, si quelqu’un d’autre avait partagé son sandwich, il serait mort lui aussi. Je devais déjeuner avec lui et habituellement, j’en mange au moins une bouchée. S’il n’avait pas annulé notre rendez-vous, nous serions morts tous les deux.
– Je ne pense pas qu’à la dose d’une bouchée, vous en auriez consommé suffisamment pour mourir, rappelez-moi pour quel motif votre mari avait annulé votre rendez-vous le jour de sa mort ?
– Il ne m’a pas donné de motif, il a annulé et du coup, je suis repartie à Fontenay, plus tôt que prévu. Vous devriez demander au président de la Commission des Finances, il y avait peut-être une réunion, c’était la période du Budget.
– Merci, je n’y manquerais pas. Eh bien, désolé de vous avoir dérangée. Au revoir Madame.
Juste avant de couper la communication, Vétoldi entendit très distinctement une voix d’homme qui demandait : Qui était-ce, avec qui parlais-tu ? ? Il lui sembla que c’était une voix qu’il connaissait. Or, dans l’entourage de Céleste d’Arborville, il ne connaissait que le cafetier, le pâtissier, le chauffeur de car et Jean-Charles de Normandie, le suppléant de son mari…
Pour éviter de repartir au cœur d’une pièce de boulevard, Vétoldi reprit le journal d’HDA. Il en était resté au fait qu’HDA avait décidé de prendre rendez-vous avec le notaire parisien. Le jour suivant, il se trouvait à l’étude du notaire et après le rendez-vous, HDA avait écrit : Le notaire m’a rassuré, tout va se mettre en place rapidement, je vais verser une pension alimentaire et reconnaître cet enfant, par contre je ne lui ai pas parlé du chantage, je m’en débrouillerai seul, je paierai ce qu’il me demande. Le journal s’arrêtait au dernier jour de vie du député, il avait inscrit, Déjeuner avec Céleste annulé, j’ai rendez-vous avec A.B. de passage à Paris. Vétoldi sursauta :
A.B. ? S’agirait-il d’Andrea Bartoli ? Vétoldi nota sur son carnet : Vérifier si c’était lui, et pour cela, demander les enregistrements des caméras situées à la buvette, sur le palier et le couloir du bureau de HDA.
A Suivre…
Rendez-vous pour l’épisode 19, le vendredi 19 janvier 2018…