ÉPISODE 10 : Premiers jours de vie commune

Vendredi 29 juin : ÉPISODE 10 : Premiers jours de vie commune
Nous nous étions couchés tôt, à la suite de notre découverte mutuelle et nous avons mis la nuit à profit pour mettre le plaisir au menu. Ce fut absolument délicieux. Je ne me souvenais pas d’avoir éprouvé autant de plaisirs avec un humain. Halidor montrait une exquise tendresse, il avait certainement été formé et après cette nuit époustouflante, je me suis demandé s’il avait couché avec d’autres femmes avant moi. La question me brûlait les lèvres mais je n’osais pas la lui poser. Je ne voulais pas le blesser, j’ignorais encore tellement de choses sur lui, je ne savais pas exactement ce qui avait été programmé sur son disque dur et quand bien même je l’aurais su, cela ne m’aurait pas aidée. Je voulais garder une certaine discrétion, peut-être aussi pour qu’il en fasse autant vis à vis de moi. J’imaginais que si je lui posais des questions sur sa vie sexuelle antérieure, cela l’autoriserait à en faire autant avec moi et franchement je n’avais nulle envie d’aborder ce chapitre-là, compte tenu de l’agitation qui avait régné dans ma vie dans ce registre de mon existence. 
Le réveil fut au-dessus de mes espérances les plus folles ; alors que j’ouvrais à peine les yeux, Halidor arriva, les bras chargés d’un grand plateau. Il y avait tout ce que j’aimais et je me suis exclamée :
–  Mais comment pouvais-tu savoir que j’aimais le café chaud avec du lait froid ? Que j’adorais le pain légèrement grillé, sur lequel le beurre a fondu ? Et les amandes ? Et la mangue ? Hum, je vais ma régaler. 
Je me suis redressée et immédiatement il a délicatement glissé trois oreillers derrière mon dos, le calant parfaitement, puis il a installé la petite table devant moi et il a posé le plateau. Il a servi le café, puis ajouté un peu de lait froid. 
–  Tu ne mets pas de sucre, n’est-ce pas, chérie ?
–  Non, merci.
Il m’avait appelée chérie et j’en fus charmée. Aussi le remerciai-je avec effusion et lui dis :
 Je rêve de te garder toute ma vie durant. Je t’adore. 
Je l’ai regardé pendant que je prononçais ces mots, je m’attendais à ce qu’il rougisse mais non, sa peau est restée aussi pâle qu’à l’accoutumée, il paraissait heureux mais il n’exprimait pas d’émotion. Oui, bien sûr, il ne le pouvait pas, sauf si je lui apprenais petit à petit à développer une sensibilité. 
–  Tout va bien ? Il y a autre chose que je peux faire pour toi ? 
–  Non, non merci, tu veux manger toi aussi ?
–  Non, je ne préfère pas, nous avons dîné hier soir, tu sais bien que c’est un peu compliqué pour moi et puis, ça me met dans une position délicate vis à vis de toi. Je ne peux pas me nettoyer seul. 
–  Oui, c’est dommage, Madame Rêves sur mesure aurait dû penser à une autre méthode.
–  Cela progressera dans le futur, j’en suis certain. Je me suis comparé au robot que tu as dans ta salle de bains, le progrès entre lui et moi est immense. Il est vraiment très vilain.
–  Ne critique pas Merlin, il fait bien son job. Certes il n’est pas beau, mais il n’a pas pour destin d’être mon compagnon, lui, il me lave, me ponce, me met du lait, il me maquille aussi et il me fait des compliments et il fait tout ça très bien. 
–  Je pourrai aussi faire cela pour toi. 
–  Non, il n’en est pas question, e garde Merlin, je ne veux pas qu’il se sente inutile, il est à mon service depuis plusieurs années et je n’ai pas l’intention de m’en séparer. Toi, tu as déjà beaucoup à faire. Cette nuit, c’était divin, j’ai eu tant de plaisir que j’en ai pleuré.  Et là, quel délice, ce petit déjeuner, merci, merci beaucoup. 
–  Veux-tu que je te récite un poème ? 
Je l’ai regardé, très surprise, il connaissait des poèmes ? Je lui ai demandé :
–  Elle t’a appris des poèmes ? 
–  Appris ? Non, mais j’en possède qui sont inscrits sur mon disque dur, des centaines, peut-être même des milliers. Essaie, donne-moi le nom d’un poète et tu verras. 
Je réfléchis un instant puis me revint les premières lignes du poème de Verlaine, un rêve familier :
–  Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même, 
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. 
Je me suis arrêtée, je ne connaissais plus trop la suite et il a aussitôt enchaîné :
–  Car elle me comprend et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas, cesse d’être un problème, 
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, 
Elle seule, les sait rafraîchir en pleurant. 
J’ai souri, il aurait continué si je le lui avais demandé mais il s’est arrêté ne sachant pas si oui ou non, je souhaitais qu’il poursuive, aussi j’ai demandé :
–  Tu le connais en entier ?
–  Bien sûr et j’en connais tant d’autres. 
 –  C’est merveilleux, tu es non seulement un être hors du commun, si beau que toutes mes copines vont être jalouses mais en plus, tu es un livre ouvert, que je pourrai consulter à tout moment. Merci, tu me gâtes. 
Il a ôté le plateau, et il a proposé :
–  Veux-tu te préparer ? Nous pourrions aller nous promener ?
J’ai été bluffé, il avait dit exactement ce que j’étais en train de penser et les mots qu’il venait d’employer étaient ceux qui m’avaient traversé l’esprit.
–  Tu lis dans ma tête ? 
–  Je ne lis pas dans ta tête, je suis dans ta tête, j’ai été construit ainsi, on m’a inoculé tes pensées, ton histoire, tes habitudes et j’espère être en mesure de t’apporter tout ce dont tu rêvais. 
J’éprouvais alors un drôle de sentiment, j’aurais dû être heureuse, Halidor n’avait été créé que pour mon bonheur et son seul but, c’était, me rendre heureuse. Et au lieu d’un sentiment de bonheur, j’éprouvais une sorte de confusion…
Je ne voulais plus penser, aussi je me levais assez brusquement au point de le bousculer, il chancela, je m’excusai, et il rétorqua :
–  Ne t’excuse pas, c’était à moi de prévoir que tu allais sauter de ton lit, je sais que ce n’était pas volontaire, et tu avais oublié que j’étais là, c’est normal, tu as vécu longtemps seule, mais je ferai tout pour que tu ne regrettes pas ta solitude. Un mot de toi et tu auras tout ce que tu veux.
Je n’ai pas répondu et j’ai filé à la salle de bains, j’ai fermé la porte à clé et j’ai dit à Merlin :
–  Allez, Merlin, à toi de jouer ! 
Merlin s’est mis au travail et je suis ressortie un peu plus tard fraîche et pimpante. 
J’ai passé une robe rouge et j’ai retrouvé Halidor dans le salon, je n’ai pu m’empêcher de minauder :
–  Je te plais ? 
–  Tu me plais, bien sûr, tu es ravissante et je suis fière de sortir à ton côté. 
–  Dans ce cas, let’s go !
En me jetant un œil interrogateur, Il a répété, let’s go ?
–  Oui, allons-y, si tu préfères. Elle ne t’a pas inculqué un peu d’anglais, Madame Rêves sur mesure ? Il faudra remédier à cette lacune, sinon, dans mon milieu de boulot, tu serais pris pour un demeuré. Je te passerai en boucle les enregistrements d’une méthode, OK ? 
–  Ok. 
Et nous sommes partis…
Suite au prochain épisode, le vendredi 6 juillet…