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Épisode 9 – Un premier suspect …
Le commissaire Aghilas n’a pas été surpris quand son inspecteur, Louis Sauvagnac, lui a dit qu’Océan Poulain avait été vu dans l’immeuble au cours des derniers jours et notamment la veille, à un moment proche de l’heure du meurtre de Laurence Devieille. Il le rappelle aussitôt :
— Monsieur Poulain, un témoin affirme qu’il vous a vu dans votre immeuble le jour même de l’assassinat de Laurence Devieille, que répondez-vous ?
— Je… Je n’ai pas le don d’ubiquité… Comment aurais-je pu être à Sanary lorsque vous m’y avez joint ?
— Je vous ai appelé vers 15 heures, vous aviez largement le temps d’être à Paris la veille et de revenir à Sanary en prenant un train du matin. Vous aviez peut-être laissé votre voiture au parking de la gare de Marseille ?
— Non, je … Écoutez, commissaire, je vais tout vous dire. Oui, j’ai fait un saut à Paris hier, je m’ennuyais trop, je voulais la voir, je voulais la serrer dans mes bras, je n’en pouvais plus. Elle me manquait à un point que je n’aurais pas imaginé avant. Nous avions convenu de nous voir après son dernier rendez-vous, vers 22 h 30 et de passer la nuit ensemble. J’ai sonné chez elle à l’heure convenue, elle n’a pas répondu. J’ai été étonné mais pas inquiet, il lui arrivait de faire face à des urgences. Je lui ai laissé un message sur son portable pour lui dire que je l’attendais chez moi et que je n’en bougerai pas. Je suis resté des heures durant, à l’attendre. Je m’assoupissais par moment et je me réveillais et j’étais de plus en plus angoissé. Quand il a été six heures du matin, je me suis dit qu’il s’était passé quelque chose d’anormal. Je suis allé chez elle, j’avais la clé de son appartement. Je suis entré et quand j’ai vu que le salon et sa chambre étaient impeccables, que son lit n’était pas défait, j’ai cru qu’elle avait changé d’avis et qu’elle était sortie, mais quand je suis arrivé dans son bureau et que je l’ai découverte, j’ai été pétrifié, incapable d’appeler les secours, incapable de faire quoi que ce soit. J’ai compris tout de suite qu’elle était morte. Je ne pouvais plus rien faire pour elle, mais moi, il fallait que je me protège, j’ai tout de suite pensé que je pouvais être accusé de son meurtre. Je suis parti à la gare de Lyon prendre le train de 7h18. Trois heures plus tard, j’étais à la gare d’Aix où j’avais garé ma voiture. Je suis arrivé à Sanary vers 11 h 30, complètement épuisé. J’ai annoncé la nouvelle à mon épouse. Voilà, vous savez tout.
— Je vous remercie de votre franchise, mais il est certain que nous aurions découvert la vérité après l’analyse des experts.
— Je n’ai pas touché son corps, pourtant, j’en mourrais d’envie ! Si je m’étais écouté, j’aurais pressé Laurence contre moi… une dernière fois… Je ne comprends pas comment une horreur pareille a pu se produire… J’aurais dû revenir plus tôt, je l’aurais revue vivante…
Le commissaire Aghilas entend le râle de douleur de son correspondant, sa douleur est manifeste, mais cela n’empêche pas qu’il a eu la possibilité matérielle d’assassiner son amie.
— Votre nouveau témoignage m’oblige à vous convoquer en urgence à Paris pour que je recueille votre déposition en bonne et due forme. Appelez-moi dès votre arrivée pour que nous fixions l’heure de votre rendez-vous au 36 rue du Bastion, dans les locaux de la brigade criminelle à laquelle j’appartiens. C’est moi ou mon inspecteur, Louis Sauvagnac qui vous recevra. Au revoir Monsieur Poulain.
— Au revoir Monsieur le commissaire.
Le commissaire Aghilas reste un moment son appareil serré dans sa main puis il le pose, il clique sur le fichier intitulé Rue Blomet, ouvert sur sa tablette et pianote :
En attente à fixer d’urgence : Témoignage d’Océan Poulain, voisin et amant de la victime, occupant du sixième étage.
Il le googlelise puis imprime sa biographie officielle :
Quand la feuille sort de l’imprimante, il prend connaissance des informations :
– Océan Poulain
Né à Sanary le 8 décembre 1984.
Diplômé de l’Institut d’études politiques d’Aix en Provence
Ancien élève de l’ENA, promotion Émile Zola, 2008/2010.
Profession actuelle : Consultant auprès de l’Organisme européen de lutte anti-fraude
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Un spécialiste de l’anti-fraude… Plutôt amusant pour un ancien élève de l’ENA…
La promotion Émile Zola, cela lui dit quelque chose. Ne serait-ce pas celle de Donatien Donato, le fringant Ministre de l’Enseignement supérieur ? Le commissaire vérifie, il ne veut pas commettre d’erreur car il va en parler au téléphone avec Leonora Quesado, cette femme qui avait rendez-vous avec la morte.
— Bonjour Madame Quesado, commissaire Aghilas, brigade criminelle de Paris, je suis chargé de l’enquête sur le meurtre de la rue Blomet. J’ai appris que vous aviez rendez-vous avec Madame Devieille le jour de son meurtre, et que, ne la voyant pas venir, vous étiez allée voir la gardienne de l’immeuble, Madame Frette. Vous lui avez alors expliqué que vous aviez pour mission de démasquer l’homme qui suivait Madame Devieille tous les matins pendant son jogging. Il vous faudra témoigner mais je voudrais vous poser une question tout de suite : J’ai découvert que Monsieur Océan Poulain, un voisin de Madame Devieille, avait fait l’ENA en même temps que Donatien Donato.
— Commissaire, bonjour, je ne vois pas le rapport avec le meurtre.
— À priori aucun, c’est peut-être juste une coïncidence.
— Je ne comprends pas pour quelle raison vous me parlez de ça.
— Lorsque vous êtes venue rue Blomet, aviez-vous des informations sur les habitants de l’immeuble, autres que sur la victime ?
— Non, absolument pas, Madame Inès Benlloch, détective privée au cabinet créé par le commissaire Dominique Vétoldi, m’avait confié la surveillance de Madame Devieille. Celle-ci se plaignait d’être suivie par un inconnu qu’elle soupçonnait être son ancien petit copain, lequel est actuellement Ministre de l’Enseignement supérieur, Donatien Donato ou bien une personne qu’il aurait recrutée.
— Vous pouvez venir me confirmer tout ceci rue du Bastion, aujourd’hui ?
— Oui, bien sûr, à quelle heure ?
— 18 heures si ça vous convient.
— D’accord, à tout à l’heure, commissaire Aghilas.
— Au revoir Madame, à tout à l’heure
Leonora Quesado appelle immédiatement Inès Benlloch, elle veut la mettre au courant de la tournure prise par les évènements et savoir ce qu’elle doit dire ou ne pas dire.
Inès Benlloch, agence Vétoldi, à l’appareil. J’écoute.
Salut, c’est moi, Leo. Je suis convoquée ce soir au Bastion pour témoigner. Le commissaire est déjà au courant de la mission que t’avait confiée Laurence Devieille. Je me contente de confirmer ou as-tu quelque chose à ajouter ?
Tu dis, commissaire Aghilas ? C’est amusant, il a un nom à consonance algérienne, nous avons peut-être la même origine … Écoute, dis-lui que je prendrai rendez-vous avec lui, j’ai envie de le rencontrer.
— Tu ne vas quand même pas lui faire du gringue !
— Je ne pense pas que sur ce sujet, tu aies des leçons à me donner et je suis persuadée que s’il était plus jeune, tu aurais toi-même pu être tentée, il est beau au moins ?
— Si on aime les hommes bruns, aux yeux noirs, oui, plutôt. Il a des traits réguliers, il est très grand.
— Hum, ta description me fait penser au commissaire Vétoldi, en plus grand. J’aimerais bien qu’il me plaise parce que je suis attirée par Dominique Vétoldi et ça m’embête parce que je sais qu’il a une amie de longue date.
— Un peu de concurrence n’a jamais fait de mal à personne, au contraire, ça donne du piquant.
— Non, pas à moi. J’arrive à un âge où j’ai envie d’un peu de stabilité.
— Je n’en crois pas mes oreilles ! Enfin, tu auras profité de tes jeunes années et c’est bien ce que je compte continuer à faire.
— Oui, mais tu as quinze ans de moins que moi…
— Bon, Inès, tu ne vas pas commencer à jouer les duègnes, à plus, bisous. Je t’envoie un message après mon rendez-vous e ce soir.
— OK, bises.
Leonora Quesado sourit. Elle s’imagine déjà assisté À au mariage d’Inès Benlloch et d’Ali Aghilas …
À Suivre …Prochain épisode le Dimanche 27 Juin 2021 …