ÉPISODE 13 : MESSAGE DU MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Après son rendez-vous avec le commissaire Zireg Aghilas, Inès Benlloch, sans réfléchir, prend la direction son bureau en lieu et place de son domicile. Ce n’est que lorsqu’elle monte l’escalier pour accéder au premier étage qu’elle prend conscience qu’au lieu de revenir chez elle, elle se retrouve devant la porte de l’agence de détectives privés. Ce détour n’était pas du tout prévu et ce sont ses pas qui l’ont entraînée.
Serait-elle bouleversée à ce point par le beau commissaire Aghilas pour perdre jusqu’au contrôle de ses décisions ?
Bien, puisqu’elle est là, elle va en profiter pour vérifier ses affaires en cours. Le matin même, elle a reçu l’appel d’un mari qui souhaite rechercher sa femme disparue deux jours plus tôt… Elle ne l’a pas encore rappelé, préférant réfléchir aux questions qu’elle lui poserait et elle a prévu de le faire le lendemain matin. Il est temps de lui fixer un rendez-vous, il doit être malade d’inquiétude, à moins qu’il ne sache ce qui lui est arrivé et qu’il ne fasse appel à elle que dans le but de se couvrir… Elle s’apprête donc à créer un nouveau dossier mais à ce moment-là, elle remarque que son téléphone fixe clignote. L’aurait-il rappelée pendant qu’elle était à son rendez-vous avec le commissaire Aghilas ? Elle enclenche le répondeur :
— Bonjour Madame Benlloch, je souhaite vous rencontrer au plus vite. Je suis Donatien Donato et j’ai un créneau demain matin à huit heures, seriez-vous disponible ?
Le Ministre de l’Enseignement supérieur qui lui demande un rendez-vous ! Eh bien, elle s’attendait à tout sauf à cet appel !
Demain matin, huit heures. Inès clique sur son agenda.
– Arrivée au bureau : Neuf heures.
– Prévoir le rendez-vous pour le mari de la femme disparue. Elle s’apprêtait justement à lui proposer un rendez-vous à neuf heures et demie.
Elle réfléchit, elle va accepter le rendez-vous de huit heures, demandé par le Ministre, non seulement parce que cette affaire l’intéresse au plus haut point, la victime l’ayant chargée d’une mission avant son assassinat, mais aussi parce que le commissaire Aghilas regrettait qu’elle ne soit plus concernée, lui laissant entendre que si elle avait encore cette enquête en mains, il l’aurait discrètement épaulée.
Inès Benlloch sourit, voilà que le destin lui donne un sérieux coup de main ! Elle mourait d’envie de revoir Zireg Aghilas, mais elle ne savait pas comment faire sans avoir l’air de le poursuivre.
Voyons, soyons pragmatique.
En premier lieu : quel est le numéro du Ministre de l’Enseignement supérieur ? Il a téléphoné lui-même, et ce faisant, il n’a pas laissé son numéro. C’est bien le signe d’un homme occupant de hautes fonctions, habitué à avoir un secrétariat à disposition et démuni de tout esprit pratique quand il est amené à passer un coup de fil personnel. Inès enclenche le rappel automatique et c’est le robot du serveur qui lui répond :
— Désolé, cet interlocuteur ne peut être rappelé.
Inès Benlloch reste quelques minutes sans prendre de décision. Plusieurs idées lui traversent l’esprit : Il y a une permanence au Ministère et elle peut demander à lui parler. Inès Benlloch effectue une recherche internet qui donne les informations suivantes :
MINISTÈRE DEL’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION
1 rue Descartes – 75231 Paris cedex 05
Accueil : 25 rue de la Montagne-Sainte-Geneviève – 75005 Paris Ouverture de 7h30 à 19h30
Téléphone de l’accueil : + 33 (0)1.55.55.90.90
Se munir d’une pièce d’identité pour se présenter à l’accueil
Elle vérifie l’heure, il est vingt-deux heures trente, l’accueil, est donc fermé. Le Ministre n’est sans doute plus à son bureau, mais il se trouve peut-être dans l’appartement privé du Ministère, auquel cas elle doit pouvoir le joindre. Cependant, s’il a téléphoné lui-même, c‘est qu’il ne tient pas à ce que son entourage professionnel soit au courant de sa démarche. Alors, la première chose à faire, c’est de voir s’il a renouvelé son appel sur son portable après avoir constaté qu’elle ne répondait pas sur son fixe : Elle consulte aussitôt son smartphone et effectivement, c’est ce qu’elle pensait, elle a un message :
— Bonsoir Madame, vous ne répondez pas sur votre fixe, rappelez-moi, c’est très urgent, j’ai besoin d’avoir votre réponse, dès ce soir, à la proposition de rendez-vous que je vous ai faite, demain matin, huit heures à votre agence, rue Rostropovitch.
Inès s’exclame : Toujours pas de numéro pour rappeler, où a-t-il la tête, le Ministre ?
Inès aurait presque envie de rire, pourtant, il s’agit d’une affaire sérieuse, il y a une femme assassinée dans cette histoire.
Le mieux est de joindre un de ses anciens collègues, les numéros masqués ne sont pas inviolables et la DGSE comme la DGSI sait comment les craquer. Elle consulte la courte liste de ses anciens collègues les plus proches, ceux avec lesquels elle a gardé un contact amical et sur lesquels elle sait pouvoir compter. Elle clique sur le nom de Corentin, un Breton :
— Corentin, excuse-moi de te déranger mais je suis sur le mode, urgence absolue.
— Inès ! Quelle heureuse surprise ! Que deviens-tu ?
— Tu dois savoir que je suis depuis un peu plus d’un an, détective privée, dans l’agence de Dominique Vétoldi.
— Oui, je sais, tout le monde est au courant, ici. Bon, j’imagine que si tu m’appelles à cette heure tardive et sur mon personnel, c’est que tu n’as pas de temps à perdre, alors dis-moi de quoi il s’agit ?
— Corentin, je te demande la discrétion la plus totale. Je viens de recevoir un appel du Ministre de l’Enseignement supérieur, je ne peux pas t’expliquer les raisons qu’il a de me joindre, je souhaite seulement être en mesure de le rappeler ; le problème que j’ai est qu’il n’a pas laissé de numéro apparent. Tu pourrais me procurer son numéro de portable ?
— Tu dis, le Ministre de l’Enseignement supérieur, c’est bien ça ? — Oui.
— Donc Donatien Donato, le beau gosse du Gouvernement. Tu sais qu’il est haut gradé chez les Francs-Mac ?
— Non, je l’ignorais mais cela ne m’étonne guère. Pour être à la tête de ce Ministère, mieux vaut en faire partie et se situer plutôt en haut qu’en bas.
— Ah, les Francs Macs mènent la danse actuellement. Nous n’avons encore jamais eu un Gouvernement autant franc-maqué.
— Tu veux dire franc-masqué.
— Inès, mesure tes mots, tu es certainement sur écoutes. Il t’a appelée et si tu ne l’étais pas avant, tu l’es maintenant, donc je te conseille d’être prudente dans tes propos. Bon, alors pour répondre à ta demande, cela va me prendre quelques minutes, d’autant plus qu’il doit posséder plusieurs portables et qu’il faut que je détecte celui qu’il a employé et autrement dit que je retrouve le message qu’il t’a envoyé. Donne-moi l’heure précise.
— Il m’a laissé deux messages, le premier sur mon fixe à 21 h. 30, puis le second sur mon portable à 21 h. 34. Il me demande si un rendez-vous à huit heures demain matin me conviendrait et il veut ma réponse ce soir…
— Pressé le bonhomme ! Bon, je te rappelle tout à l’heure, ne te ronge pas les ongles en m’attendant, je te l’aurai, sois-en sûre, mais j’ignore combien de temps il me faudra.
— Merci Corentin, à plus.
Inès sourit, Corentin, c’est un de ses plus anciens potes et lui au moins il lui est resté fidèle. Elle ne peut pas en dire autant d’un certain nombre d’autres. Elle sait pertinemment que d’aucuns l’accusent en sous-main d’être la coupable de ses ennuis au Nigeria. Selon eux, elle n’aurait pas pris les précautions nécessaires lors de ses déplacements dans la zone très dangereuse des frontières entre trois pays, zone où grouillent les rebelles et les bandits. Ils lui reprochent en outre les assassinats de ses deux guides locaux. Inès avale de travers en se souvenant de choc émotionnel éprouvé lors de son enlèvement par les fous de Dieu. Ils ont commencé par tuer les deux guides, puis ils se sont emparés d’elle et de son compagnon d’infortune. Ensuite, tout est allé très vite, l’Armée française est intervenue dans le camp où ils étaient retenus depuis quelques heures seulement et ils ont été exfiltrés vers la France. À son retour, elle savait que sa carrière d’agent secret était terminée. Elle a passé six ou sept mois à revoir le film de sa dernière équipée, puis elle a décidé de répondre à l’annonce de Dominique Vétoldi qui recherchait activement une collaboratrice pour son agence de détectives privés. Elle sourit au souvenir de leur première rencontre. Elle a compris tout de suite qu’il allait l’embaucher. Son parcours professionnel atypique l’intriguait et il l’a interprété comme un atout pour le poste de détective associée. Voilà qu’en outre, depuis quelques mois, elle était devenue plus autonome avec la nomination de Dominique Vétoldi comme commissaire à Vannes. Bien sûr, les clients arrivaient en pensant que le commissaire Vétoldi allait s’occuper d’eux mais dans l’ensemble, à part un, une ou deux, ils acceptaient d’être pris en charge par Inès Benlloch. Elle les rassurait systématiquement, en leur affirmant que le commissaire Vétoldi gardait un œil attentif sur ses missions, ce qui était vrai même s’il lui faisait de plus en plus confiance…
A Suivre… prochain épisode le Dimanche 22 août 2021…