ÉPISODE 7
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Belle-Ile, c’est tout à la fois, ce sont des plages de sable blanc qui donnent sur la Baie de Quiberon, où les baigneurs et les plagistes sont les rois, mais aussi côté océan, la côte sauvage qui lorgne vers les lointaines Amériques avec ses criques fréquentés par les surfeurs, mais aussi les nageurs amateurs de nudisme. C’est encore la campagne avec ses prés où broutent des moutons, où pâturent des vaches et des chèvres qui donnent de merveilleux fromages locaux.
Dès qu’il se retrouve à bord du Vindilis, le commissaire Vétoldi se sent pousser des ailes. Il se précipite et s’installe sur le pont supérieur. Accoudé au bastingage, il laisse la brise lui caresser le visage. Une casquette protège ses cheveux naturellement ondulés. À son retour dans la police Nationale, il a refusé de céder aux pressions exercées sur les coupes de cheveux. Il n’est pas comme nombre de ses collègues qui portent le crâne quasi rasé… Ses cheveux, il y tient, ils sont abondants et noirs avec un reflet bleu. Il est d’ailleurs obligé de les sécher à l’aide d’une brosse chauffante, car à défaut, ils seraient ébouriffés. Il les soigne avec la même lotion que celle qu’utilisait autrefois son père et quand il l’utilise, il se dédouble et voir son père la passer sur ses cheveux le matin, avant de partir travailler et il sent l’odeur forte de ce produit à base de pétrole. C’est sa madeleine de Proust. Le voilà parti dans son enfance corse. À chaque fois qu’il prend le bateau de Belle-Ile ses jeunes années lui reviennent en force. Par moments pourtant, il interrompt les vagues de sa mémoire pour regarder le paysage et la mer étale ce matin, le ciel bleu clair avec quelques légers nuages comme pour rappeler aux voyageurs que ce n’est pas la méditerranée ici. Il ferme et rouvre les yeux, au gré de ses pensées. Quand il reprend contact avec la réalité, il découvre le port de Belle-Ile, il entend la corne du bateau qui signale son arrivée comme pour dire : Écartez-vous, bateliers, j’ai la priorité ! Déjà arrivé ! La traversée a été courte. Déjà les passagers s’agrègent vers l’escalier. Lorsque le commissaire Vétoldi descend du bateau amarré au port de Belle-Ile, il éprouve une joie qu’il n’a pas ressentie depuis longtemps. C’est comme s’il revenait chez lui, il éprouve pour celle île une affection très proche de celle qu’il ressent pour son île natale, la Corse. Belle-Ile, à ses yeux, est une Corse en miniature. C’est tellement plaisant de retrouver l’atmosphère du port avec l’agitation qui le caractérise. Les appels des Autochtones qui attendent leurs proches, les cris qui s’élèvent comme si les voyageurs rentraient de pays lointains et que leur famille et leurs amis ne les avaient pas revus depuis des années. Le cri des mouettes. Même le klaxon des voitures qui tentent de se faire un chemin, semble exotique ici.
Le commissaire Vétoldi se dirige vers l’hôtel où il a réservé une chambre. Il y a ses habitudes. Il prend le raccourci qui lui permet de gagner rapidement le promontoire sur lequel est perché l’établissement. Une fois sur place, il salue au passage l’hôtesse des lieux qui l’accueille en souriant :
— Bonjour Commissaire Vétoldi, j’ai pu vous attribuer la chambre que vous appréciez, celle du dernier étage. Elle était louée quand vous avez réservé, mais j’ai demandé à mon client s’il serait d’accord pour loger au second et il a accepté. Je lui ai dit que c’était pour vous, aussi, comme il connaît votre série policière, peut-être pourrez-vous le remercier ?
— Ah merci, c’est sympa. Il est vrai que j’adore cette chambre, à cause de la vue exceptionnelle et de son balcon ensoleillé. Ne vous inquiétez pas, je ferai un geste en faveur de votre client, c’est vraiment sympa de sa part.
— Voici votre clé, le code de nuit ainsi que le numéro de téléphone de secours sont inscrits sur l’étiquette qui y est accrochée. Si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas, vous connaissez la maison.
— Oui merci, je suis enchanté d’être ici et je compte bien en profiter.
— Ah j’oubliais, vous avez apporté votre vélo ?
— Eh bien, non, je l’ai oublié. J’étais pressé et je n’y ai plus pensé.
— Vous avez de la chance, nous avons des vélos maintenant à la disposition de nos clients. Si vous le souhaitez, je peux vous en affecter un pour les deux jours que vous passerez ici.
— Super ! Je comptais me rendre à l’agence de location en sortant de chez vous, mais je suis sûr que vos vélos sont en meilleur état, surtout s’ils sont récents.
— Oui, ils sont quasi neufs et mon fils qui est mécanicien, les entretient. Il les révise entre chaque client, ainsi ils restent parfaits. Nous avons choisi la qualité, vous me direz ce que vous en pensez et peut-être que vous n’aurez plus à convoyer votre vélo personnel.
Le commissaire Vétoldi ouvre la bouche, prêt à riposter. Comment comparer un de ces engins communs à sa superbe acquisition, dont le poids total est presque comparable aux vélos de compétition. Cependant, il ne dit pas tout haut ce qu’il vient de penser, son hôtesse a fait tout ce qu’elle pouvait pour que son séjour soit aussi réussi que possible. D’ailleurs, la voilà qui sort de sa guérite et dit :
— Installez-vous tranquillement et quand vous redescendrez, votre bicyclette sera à votre disposition dans la cour. C’est la bleue. Je viens d’accrocher la clé de l’antivol à votre clé de chambre.
— Merci beaucoup, vous êtes parfaite, à plus tard.
Le commissaire Vétoldi monte quatre à quatre l’escalier. Au troisième étage, il prend à droite et entre dans la chambre qu’il connaît bien. Les volets sont ouverts et la fenêtre a été mise à l’espagnolette. Décidément, son hôtesse pense à tout. il range rapidement ses affaires et redescend muni de son seul petit sac à dos. Il récupère la bicyclette bleue, détache l’antivol et quitte l’hôtel pour se rendre à la brasserie du port où il a rendez-vous avec le capitaine Kervadec. Cinq minutes plus tard, il est sur place. Il fixe le vélo à un arrêt vélo et entre dans la brasserie. Il aperçoit le capitaine installé à une des tables du fond de la salle et il le rejoint. Le capitaine Kervadec se lève à son arrivée. Ils ne s’embrassent pas, mais c’est tout comme.
— J’ai déjà commandé le café et des crêpes, si vous voulez autre chose, dites-le moi.
— Des crêpes ? Quelle bonne idée. Ah, que j’aime la Bretagne et ses crêpes de sarrasin.
— Il paraît que c’est bon pour la santé, c’est pour ça que maintenant, je commence ma journée par cet aliment.
— J’adore cette information. Délicieuses à déguster et bonnes pour la santé, mais Kervadec, c’est le paradis. Bon, on en vient à notre affaire ?
— Oui, vous êtes là pour ça, on y vient. Je vous ai mis de côté un double du rapport complet du médecin légiste. Que voulez-vous savoir d’autre ?
— En fait, je ne sais pas grand-chose pour le moment. Je connais la situation affective de la victime au moment de son agression, mais je ne connais pas les circonstances de l’agression.
— La jeune femme a d’abord été enlevée, séquestrée. Nous avons découvert l’endroit où le criminelle l’a gardée pendant trois jours. Il s’agit de l’un des refuges qui ponctuent le sentier des douaniers.
— Comment se fait-il qu’il n’ait pas pu être repéré après le lancement des recherches ?
— Il avait préparé son coup. Il avait aménagé une trappe dans le sol et elle se trouvait au niveau inférieur. Personne ne connaissait cette cache si bien qu’il a pu aller et venir comme il voulait. Des promeneurs se sont même rendus dans ce refuge, mais ils ne se sont aperçu de rien.
— Cela voudrait dire qu’en réalité, le criminel a supprimé sa victime assez rapidement après l’enlèvement.
— D’après l’équipe de techniciens scientifique qui se sont rendu sur place, ce n’est pas le cas. Elle aurait été assassinée après trois jours de séquestration. Le meurtrier l’avait droguée, elle n’était pas en état de faire ou de dire quoi que ce soit. Des personnes ont pu passer et repasser dans ce refuge sans s’apercevoir de quoi que ce soit. Nous avons recueilli plusieurs témoignages en ce sens, notamment tout un petit groupe de jeunes se sont présentés spontanément et ont témoigné.
— L’assassin pourrait être l’un d’eux ?
— Je les ai tous interrogés, il est vrai qu’ils étaient tous sous l’emprise de drogues diverses et variées, mais je n’y crois pas. Ils ne se sont pas quittés, donc, l’un n’aurait pas pu agir sans que les autres ne soient au courant.
— Ils n’ont rien remarqué d’anormal ?
— Non, je vous ai dit, ils n’étaient pas dans un état de lucidité qui leur aurait permis de recueillir des informations en relation avec la réalité. Il faut chercher ailleurs. n’oubliez pas que c’était encore la saison. Nous avons eu un monde fou, cette année. Les touristes ont déferlé sur l’île, les gens pensaient que le COVID nous avait épargnés.
— C’est en partie vrai, vous avez eu très peu de cas.
— Les stations bretonnes de bord de mer, dans leur ensemble, ont été peu touchées. L’air, la proximité de la mer, l’espace, tout cela permet aux gens d’adopter une distance vis-à-vis des autres. Bon, je te propose de manger et ensuite, tu m’accompagnes à mon bureau ?
— D’accord, on fait comme ça.
Ils terminent leur copieux petit-déjeuner, puis ils prennent le chemin de la gendarmerie. Le capitaine conduit sa voiture et le commissaire Vétoldi le suit en vélo. Taquin, le capitaine accélère et arrive à la gendarmerie sur les chapeaux de roue, mais le commissaire qui le connaît bien, ne se laisse pas avoir et lui aussi fonce et comme il peut se glisser à travers la circulation, il ne prend finalement aucun retard sur son ami. Les voilà à pied d’œuvre pour leur séance de travail. Le capitaine prévient le gendarme qui est à l’accueil :
On ne me dérange pas, j’en ai pour une bonne heure. Merci.
Le commissaire Vétoldi salue au passage, le représentant de l’ordre, d’un discret signe de tête et il suit le capitaine dans son bureau…
Suite au prochain épisode… Le Dimanche 4 Octobre 2020…