ÉPISODE 4 Vétoldi-Morin s’installe à l’Assemblée
Arrivé à l’Assemblée Nationale, Dominique Vétoldi, tendit son badge à l’huissier de l’entrée, côté rue Saint-Dominique, celui-ci détailla l’homme qu’il avait en face de lui, des pieds à la tête, sachant qu’il devait déceler ses caractéristiques physiques afin de le reconnaître les fois suivantes quand il se représenterait, puis il lui demanda :
– Vous n’êtes pas assistant parlementaire, quelle est votre fonction, ici ?
– Je suis ethnologue, je mène une enquête interne sur les députés.
En lisant la stupéfaction sur le visage de l’huissier, puis en écoutant sa réaction, Vétoldi eut envie de sourire.
– Ah ? Bon, très bien, vous pouvez passer.
Vétoldi se dirigea vers le bureau qui lui avait été affecté, dans le bâtiment central de l’Assemblée ; après avoir emprunté l’ascenseur jusqu’au deuxième étage, Il salua les deux huissiers qui officiaient selon leur double casquette, de surveillant et d’aidant aux députés et au personnel de l’Assemblée :
– Bonjour Madame, bonjour Monsieur, je suis Nathan Morin, ethnologue. Vous avez été mis au courant de la mission dont m’a chargé le président ?
– Bonjour Monsieur, non, nous ne sommes pas au courant mais je vois que vous êtes badgé, et à notre niveau, c’est le sésame nécessaire. Vous dites que vous êtes ethnologue ?
– Oui, je suis ici pour mener une enquête sur le mode de vie des députés, je vais devoir les rencontrer et ensuite, je rédigerai un rapport que je remettrai au président de l’Assemblée. Je suis ici pour plusieurs semaines.
– Très bien, nous sommes là pour vous aider dans la mesure du possible.
– Merci, je n’hésiterai pas à faire appel à vous car je ne connais rien à cette auguste maison. A bientôt, donc, je vais découvrir mon bureau.
Alors même que Vétoldi possédait un plan détaillé de l’Assemblée qu’il avait disséqué la veille, en rentrant de son rendez-vous avec le président, et donc qu’il connaissait parfaitement la localisation de son bureau, il demanda :
– Le bureau 202, est-il à droite ou à gauche ?
– Couloir de gauche, et porte à droite.
– Merci.
Vétoldi passa devant la photocopieuse, la machine à café près de laquelle bavardaient deux personnes qui le regardèrent et hochèrent la tête en réponse à son Bonjour ! Il fit les quelques pas qui le séparaient de son bureau, puis il y pénétra à l’aide de la clé remise par le président. Après avoir refermé la porte, Il ouvrit sa sacoche et en sortit son ordinateur, son téléphone et un cahier tout neuf sur lequel il noterait ce qui lui passait par la tête, comme il le faisait à chaque enquête qu’il menait et son appareil à enregistrer. Il possédait la liste des députés, avec leurs noms, le nom de leur assistant parlementaire, la commission à laquelle ils appartenaient, le ou les groupes d’amitié et bien sûr, la circonscription qu’ils représentaient. Il avait aussi en sa possession, un dossier qui ciblait spécifiquement Hugues d’Arborville. Il le feuilleta, apprit ainsi qu’il était membre de la commission des Finances, membre du groupe d’amitié France-Espagne, et du groupe d’amitiés France-Etats-Unis.
Élu député pour la première fois en 1997, constamment réélu depuis et même cette fois-ci, en 2017 au deuxième tour, contre un député LERM, ce qui était un véritable exploit compte tenu de la vague macroniste ! Cela prouvait la solidité de son implantation locale à Fontenay le Comte et les environs.
Dominique Vétoldi réfléchit, il devait mener son enquête de façon très discrète et en même temps faire croire qu’il s’agissait bien d’une enquête ethnologique. Il décida de commencer par enquêter au sein du groupe de La France insoumise, peut-être davantage poussé par la curiosité de découvrir le tribun qui était à la tête de ce groupe plutôt que parce qu’il avait des tuyaux sur une quelconque implication d’un de ses députés dans le meurtre de d’Arborville. En consultant la liste des députés membres de ce groupe, il découvrit un député qui portait un nom qui pouvait être d’origine Corse et à cet instant, il se dit que le plus difficile pour lui serait de ne jamais évoquer ses racines au cours des échanges qu’il aurait avec les uns et les autres… Il déplia la liste des numéros de téléphone de chaque bureau et repéra celui de JLM, président du groupe La France Insoumise. Ce fut bien sûr l’assistant parlementaire qui lui répondit :
– Bonjour, Armel Saul-Pépin, j’écoute.
– Bonjour, je souhaite rencontrer votre député, je commence une enquête ethnologique sur les députés et j’aurais apprécié de démarrer par votre député.
– C’est que ça va être compliqué, il est très pris.
– Il est là aujourd’hui ?
– Oui, bien sûr, mais il n’a pas un moment libre, faites une demande écrite et je la lui soumettrai.
– Non, je peux passer vous voir, peut-être que nous pourrions déjeuner ensemble ?
– Moi, déjeuner avec vous, mais pourquoi faire ?
– Non, pas déjeuner avec vous, déjeuner avec votre député.
– Attendez, je consulte son agenda, écoutez, c’est peut-être possible, je ne lui vois pas d’engagement à l’heure du déjeuner mais il ne dispose que d’une petite heure.
– Ce serait suffisant, vous pouvez plaider ma cause, quand le voyez-vous ?
– Il ne devrait pas tarder, il doit passer me voir en début de matinée.
– Parfait, j’attends votre appel, voici mon numéro de portable.
– OK, à plus tard.
Vétoldi-Morin raccrocha, il ne savait pas s’il parviendrait à rencontrer aujourd’hui le pape des insoumis mais en tout cas, il aurait essayé et en attendant, il parcourut rapidement la liste interminable des députés LERM et il s’arrêta au hasard sur une député qui avait rallié ce parti après avoir effectué deux mandats pour le parti socialiste. Voilà un profil qui l’intéressait. C’étaient d’abord des élus chevronnés qu’il lui fallait rencontrer parce qu’ils connaissaient Hugues d’Arborville tandis que les nouveaux élus, non seulement n’appartenaient pas auparavant à l’Assemblée mais en plus, venus d’horizons divers, arrivés par accident à l’Assemblée, portés par la vague macroniste, ne connaissaient pas vraiment les milieux politiques et donc ne pouvaient pas lui être utiles, du moins dans un premier temps. Il appela et il eut la surprise de tomber directement sur l’élue. Après lui avoir expliqué qui il était et la mission qu’il démarrait, il exprima le souhait de la rencontrer, ce qu’elle accepta :
– Je vois que vous me téléphonez d’un bureau de l’assemblée, si vous êtes libre maintenant, venez tout de suite, je peux vous consacrer un quart d’heure.
– D’accord, j’arrive, où est situé votre bureau ?
– Vous l’avez mon numéro de bureau, c’est le même numéro que la fin du numéro de téléphone.
– Oui, vous avez raison, je n’avais pas eu le temps de faire le lien.
– Eh bien, à tout de suite.
Vétoldi repoussa son fauteuil, saisit son enregistreur ainsi que son cahier sur lequel il avait jeté quelques questions la veille au soir.